Fée, féerie

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Fée, féerie.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome I, p. 483-484 :

FÉE. FÉERIE. Ce mot signifie une espéce de Génies ou de Divinités imaginaires qui habitoient sur la Terre & s'y distinguoient par quantité d'actions & de fonctions merveilleuses, tantôt bonnes, tantôt mauvaises. Les Fées étoient une espéce parculiere de Divinités qui n'avoient guères de rapport avec aucune de celles des anciens Grecs & Romains, si ce n'est avec les Larves. D'autres prétendent qu'elles n'étoient qu'une espéce d'êtres mitoyens, qui n'étoient ni Dieux, ni Anges, ni Hommes, ni Démons. Leur origine vient d'Orient; & il semble que les Persans & les Arabes en sont les inventeurs ; leur Histoire & leur Religion étant remplies de Contes de Fées & de Dragons. Les Perses les appellent Peri.

Les Magiciennes des Anciens, comme Medée, Canidie, ont pu donner l’idée des Fées malfaisantes ; comme les Nymphes favorables, telles qu'Egérie, ont sans doute donné naissance aux Fées bienfaisantes, telles qu Alcine, la Fée Manto de l'Arioste, la Gloriane de Spencer, & d'autres qu'on trouve dans les Romans Anglois & François ; quelques-unes présidoient à la naissance des jeunes Princes & des Cavaliers, pour annoncer leur destinée.

Les Auteurs de nos Romans modernes se sont servis des Fées, pour remplacer les Divinités du Paganisme, & pour opérer le merveilleux ou le ridicule qu'ils y sèment.

Quinault traça d'un pinceau mâle & vigoureux les grands tableaux des Médée, des Arcabonne, des Armide, &c. Les Argines, les Zoraïdes, les Théano, sont des copies de ces brillans originaux. Il ne faudroit peut-être introduire la Feérie, dans les Opera, qu'en sous-ordre. Urgande dans Amadis, & Logistille dans Rolland, ne sont que des Personnages sans intérêt, & tels qu'on les apperçoit à peine. De nos jours, le fond de la Féerie, dont nous nous sommes formés une idée vive, légère & riante, a paru propre à produire une illusion agréable, & des actions aussi intéressantes que merveilleuses. On avoit tenté ce genre autrefois ; mais la chûte de Manto la Fée & de la Reine des Peris, sembloit l'avoir décrédité.

Le succès de Zelindor, Roi des Sylphes, fait voir que ce genre pouvoit produire des beautés. Mais peut-être est il déja épuisé.

Références :

Fuzelier (1672-1752), la Reine des Péris (1726, musique d’Aubert) : cette comédie persane, ou pastorale lyrique n’a pas rencontré de succès, ce qui montre le déclin de la féerie à l’opéra.

Houdar de La Motte (Antoine, 1672-1731), Omphale (musique d’André Cardinal Destouches, 1703), avec la magicienne Argine.

La Serre (Jean-Louis Ignace de, 1663-1756)), Pyrame et Thisbé (musique de Francœur et Rebel, 1726), avec la magicienne Zoraïde, fille du magicien Zoroastre.

Leclerc de La Bruère (Charles-Antoine, 1716-1754), Linus (1752, non représenté, musique de Rameau, perdue), avec la magicienne Théano.

Mennesson (1663?-1742), Manto la fée (1710, musique de Jean-Baptiste Stuck) : l'insuccès de cet opéra marque le déclin de la féerie à l’opéra.

Moncrif (François-Augustin de, 1687-1770), Zelindor, Roi des Sylphes (ballet en un acte, musique de Rebel et Francœur, 1745) : ce ballet a connu le succès (30 représentations de 1746 à 1753, puis 32 en 1766, comme deuxième partie de Fragments).

Quinault a placé des magiciennes dans ses tragédies lyriques : Médée, Arcabonne (dans Amadis de Gaule), Armide. Dans Amadis, la magicienne Urgande est un personnage sans intérêt, comme Logistille dans Rolland.

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