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Poème dramatique

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Poème dramatique.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 439-441 :

POEME DRAMATIQUE ; représentation d'actions merveilleuses, héroïques ou Bourgeoises. Le Poëme Dramatique est ainsi. nommé du mot Grec δραμα, action, représentation; parce que dans cette espèce de Poëme, on ne raconte point l'action comme dans l’Epopée ; mais qu'on la montre elle même dans ceux qui la représentent. L'action dramatique est soumise aux yeux, & doit se peindre comme la vérité : or, le jugement des yeux, en fait de Spectacle, est infiniment plus redoutable que celui des oreilles. Cela est si vrai, que dans les Drames mêmes, on met en récit, ce qui seroit peu vraisemblable en spectacle. On dit qu'Hippolyte a été attaqué par un monstré & dechiré par des chevaux ; parce que si on eût voulu représenter cet événement plutôt que de le raconter, il y auroit eu une infinité de petites circonstances qui auroient trahi l'art & changé la pitié en risée. Le précepte d'Horace y est formel ; & quand Horace ne l' auroit point dit, la raison le dit assez. On y exige encore, non-seulement que l'action soit une, mais qu'elle se passe toute en un même jour, en un même lieu. La raison de tout cela, est dans l'imitation. Comme toute l'action se passe en un lieu, ce lieu doit être convenable à la qualité des Acteurs. Si ce font des Bergers, la Scène est un Païsage : celle des Rois est un Palais ; ainsi du reste. Pourvu qu'on conserve le caractère du lieu, il est permis de l'embellir de toutes les richesses de l'art ; les couleurs & la perspective en font toute la dépense : cependant il faut que les mœurs des Acteurs soient peintes dans la Scène même ; qu'il y ait une juste proportion entre la demeure & le Maître qui l'habite ; qu'on y remarque les usages des tems, des pays, des nations. Un Américain ne doit être ni vêtu, ni logé comme un François ; ni un -François comme un ancien Romain ; ni même comme un Espagnol moderne. Si on n'a point de modèle, il faut s'en figurer un, conformément à l'idée que peuvent en avoir les Spectateurs. Les deux principales espéces de Poëmes Dramatiques sont la Tragédie & la Comédie ; ou, comme disoient les anciens, le Cothurne & le Brodequin. La Tragédie partage avec l'Epopée la grandeur & l'importance de l'action, & n'en diffère que par le Dramatique seulement. Elle imite le beau, le grand ; la Comédie imite le ridicule : l'une éleve l'ame & forme le cœur ; l'autre polit les mœurs, & corrige les dehors. La Tragédie nous humanise par la compassion, & nous retient par la crainte. La Comédie ôte le masque à demi, & nous présente adroitement le miroir. La Tragédie ne fait pas rire, parce que les sottises des Grands sont presque toujours des malheurs publics :

Quidquid delirant Reges, plectuntur Achivi.

La Comédie fait rire, parce que les sottises des petits ne sont que des sottises : on n'en craint point les suites. La Tragédie excite la terreur & la pitié ; ce qui est signifié par le nom même de la Tragédie. La Comédie fait rire : & c'est ce qui la rend Comique ou Comédie. Au reste , la Poésie Dramatique fit plus de progrès depuis 1635 jusqu'en 1665 ; elle se perfectionna plus en ces trente années-là, qu'elle ne l'avoit fait dans les trois siécles précédens. Rotrou parut en même tems que Corneille : Racine, Molière & Quinaut vinrent bientôt après. Quels progrès a fait depuis, parmi nous, cette même Poésie Dramatique ? Aucun. Mais il est inutile d'entrer ici dans de plus grands détails.

Références :

Pièce :

Racine, Phèdre, acte 5, scène 6 : la mort d’Hippolyte ne peut qu’être rapportée dans un récit.

Critique littéraire :

Horace, Art poétique, vers 179-184 : il y a des choses qu’on ne peut montrer au public, et qu’on ne peut que raconter.

Horace, Épitres, livre 1, épitre 2, vers 14 : ce qui fait qu’on ne peut imaginer de rire à la tragédie, c’est que les folies des rois font le malheur de leur peuple.

La fin de l’article fait un résumé vigoureux de l’histoire de la comédie en France ; après trois siècles d’errements, un premier auteur, Rotrou, puis les quatre noms du Grand Siècle, Corneille, racine, Molière, Quinault,. Deux dates limites : 1635-1665.

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