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Théâtre russe

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Théâtre russe.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome III, p. 261-264 :

Théâtre Russe. Le dernier jour de l’année on donne, en Sibérie, un Spectacle, dont le but est de rappeller l'idée de la mort, & dont le motif principal, dans ceux qui y jouent, est de gagner quelqu'argent. « Nous vîmes tout -à coup, dit un Voyageur, entrer dans notre chambre, une troupe de Masques. L'un d'eux, habillé de blanc, tenoit une faulx, qu'il aiguisoit avec un morceau de bois ; il vint droit à moi, me menaça avec sa faulx, & me dit : Christ veut que tu meure. Parmi les- autres Masques, l'un étoit le Diable, & l’autre la Mort ; quelques-uns, des Muficiens ; & d'autres, des Hommes, des Femmes qui dansoient au son des instrumens. La Mort.& le Diable les regardaient, en disant : ces gens-là seront bientôt en notre pouvoir. Comme ce Spectacle ne nous amusoit pas, nous donnâmes bien vite à la Mort de quoi boire à notre santé ; & toute la compagnie prit congé de nous ».

Pâques & les autres grandes Fêtes, où les Théâtres sont fermés en Europe, sont proprement les jours de Spectacles en Sibérie. Pour donner une idée de ce qu'on y joue, je rapporterai une courte analyse d'une de ces représentations Théâtrales. On y reconnoîtra nos anciens Mystères, nos anciennes Moralités ; & l'on conclura qu'en Sibérie, l'art Dramatique n'est précisément que ce qu'il étoit en France il y a quatre sïécles Le premier Acte s'ouvre par des chants : un petit garçon se présente ensuite, & vient souhaiter une bonne Fête aux Spectateurs. Un autre habillé comme on nous peint le Diable. fait marcher devant lui un vieillard, qui lui représente la foiblesse de son âge L'Esprit infernal fait mille espiégleries, lui met autour du cou un serpent empaillé, qui tient une pomme dans sa gueule ; & le vieil Adam tombe à ses pieds, sans connoissance & sans vie. La Mort entre, une faulx à la main, & se prépare à enlever le cadavre. Le petit Diable s'y oppose ; mais J. C., une Croix d'une main, & de l'autre une Couronne, oblige l'Esprit infernal à s'enfuir. La vertu de la Croix donne au vieil Adam une nouvelle vie. Jesus-Christ le fait lever, lui met sur la tête la Couronne ; & le vieillard transporté de joie, lui témoigne sa reconnoissance ; le Sauveur lui dit de le suivre dans le Ciel ; ils disparoissent l'un & l'autre. Dans l'Acte suivant, on joue les dix Commandemens de Dieu ; & dans le troisieme, le Baptême. Ici un homme armé, représentant un Seigneur Tartare, vante sa bravoure avec fanfaronnade. Deux Chrétiens, sans armes & demi nuds, s'approchant de lui, le dépouillent de ses habits, font apporter une cuve, le jettent dedans, l'arrosant de trois ou quatre seaux d'eau ; le font renoncer à ses vêtemens, à ses armes, & à tout ce qu'il posséde. Voilà l'image & le Symbole du Baptême On fait ensuite quelques bouffonneries ; & le Spectacle finit comme il a commencé ; c'est-à-dire, que le Diable, le vieil Adam, la Mort, Jesus-Christ, reparoissent sur la Scene, & un petit Garçon vient prononcer un discours, suivi de chants. Toutes ces Pièces sont versifiées ; & les Jeunes gens, qui les débitent, le font avec une assurance étonnante. Ce sont les Prêtres qui président à ces Jeux, & qui exercent les Acteurs.

L'Impératrice Élisabeth fit construire à Moscou la première Salle d'Opéra ; elle est très-vaste, & peut contenir cinq mille Spectateurs. Peu de tems après, on donna, pour la première fois, à Pétersbourg. un Opéra en langue Russe. L'Auteur des Paroles, l'Auteur de la Musique, les Acteurs & les Actrices étoient tous de la Nation. Ce phénomène fut suivi d'un plus remarquable encore par sa singularité ; c'étoit une Musique de Chasse, qui par son goût & son exécution, se distingue de toutes les autres musiques de ce genre en Europe.

Catherine II, étant montée sur le Trône, appella à sa Cour le fameux Balthasar Galuppi, surnommé Buranelle, Maître de Musique de la Chapelle de Saint Marc, à Venise, un des plus célèbres Compositeurs de l'Italie moderne. Sa Didone Abbandonata eut le plus grand succès. Après la première représentation, l'Impératrice remit elle-même à l'Auteur une magnifique boëte, remplie de pièces d'or. A Galuppi a succédé Tomaso-Traetta, Artiste Napolitain, non moins célèbre ; de sorte que l'Opéra de Pétersbourg est aujourd'hui un des plus brillants de l'Europe.

Références :

Galuppi (Baldassare, dit il Buranello, 1706 à Burano-1785), compositeur en particulier d’opéra buffa. Il séjourne en Russie à partir de 1765.

Traetta (Tommaso,1727-1779), compositeur italien en particulier d’opera seria. Il est au service de Catherine II de 1768 à 1775.

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