Créer un site internet

Unité d'action

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Unité d’action.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome III, p. 393-394 :

UNITÉ D'ACTION. Outre ce qu'on vient d'en dire dans l'Article précédent au mot Unité, on ne croit pas inutile d’ajouter ici les remarques particulières qu'on a faites sur l'Unité d'Action, nécessaire dans tout Drame régulier.

Selon le grand Corneille, le mot d'Unité d'action ne veut pas dire que la Tragédie ne doive faire voir sur le Théâtre qu'une seule action Celle que le Poète choisit pour son sujet doit avoir un commencement, un milieu, & une fin ; & ces trois parties non seulement sont autant d'actions qui aboutissent à la principale, mais en outre chacune d'elles peut en contenir plusieurs avec la même subordination. Il est nécessaire que chaque Acte laisse une attente de quelque chose qui doive se faire dans l’Acte suivant. Par Unité d'Action, on entend donc une action principale, à laquelle soient subordonnées toutes les autres. Souvent même la pièce prend son titre de cette action principale, comme la Mort de César, le Siège de Calais, Rome Sauvée &c.

Mais on demande pourquoi il ne faut s'attacher qu'à une seule action principale ? C'est que l’esprit humain ne peut embrasser plusieurs objets à la fois ; c'est que l'intérêt qui se partage, s'anéantit bientôt ; c'est que nous sommes choqués de voir, même dans un tableau, deux événemens ; c'est qu'enfin la nature seule nous a indiqué ce précepte, qui doit être invariable comme elle.

Mais en quoi consiste l'art de cette Unité dont on parle ? C'est , si je ne me trompe, à fçavoir dès le commencement d'une pièce indiquer à l’esprit & au cœur l'objet principal dont on veut occuper l'un & émouvoir l'autre ; ensuite à n'employer de personnages que ceux qui augmentent ce danger, ou qui le partagent avec le Héros ; à occuper toujours le spectateur de ce seul intérêt, de manière qu'il soit présent dans chaque Scène, & qu'on ne s'y permette aucun discours qui, sous prétexte d'ornement, puisse distraire l'esprit de cet objet ; & enfin à marcher ainsi jusqu'au dénouement où il faut ménager le plus haut point du peril, & le plus grand effort de la vertu qui le surmonte ; tout cela soutenu d'une variété de circonstances, qui en servant à l'unité, ne la laissent pas dégénérer en répétition & en ennui. Je ne doute point que ce ne soit là le plus grand art d'une Tragédie, & qu’à beautés d'ailleurs égales, celles où ces conditions seroient le mieux observées, ne l'emportassent de beaucoup sur les autres.

Le Poëte n'est pas tenu d'exposer à la vue toutes les actions particulières, qui conduisent à la principale. Il doit choisir les plus avantageuse , & faire connoître les autres par une narration, ou par quelqu'autre adresse de son art. Sur-tout il doit se souvenir que les unes & les autres doivent avoir une telle liaison ensemble, que les dernières soient produites par celles qui les précèdent, & que toutes ayent leur source dans la protase , qui doit former le premier Acte.

L'Unité d'action dans la Comédie consiste dans l'unité d'intrigues, ou d'obstacles aux desseins des principaux Acteurs ; & dans la Tragédie, en l'unité de péril, soit que le Héros y succombe, soit qu'il en sorte. Ce n'est pas qu'on ne puisse admettre plusieurs périls dans l'une, & plusieurs obstacles dans l'autre ; car alors la sortie d'un premier péril ne rend pas l'action complette, puisqu'elle en attire un second ; & l’éclaircissement d'une intrigue ne met point les Acteurs en repos, puisqu'il les jette dans une autre.

Références :

Pièces :

Belloy (Pierre-Laurent de, 1727-1775), le Siège de Calais (Comédie Française, 1765) : exemple de titre reprenant l’action principale.

Voltaire, la Mort de César (créée à la Comédie Française en1746) : exemple de titre reprenant l’action principale.

Voltaire, Rome sauvée (1752) : exemple de titre reprenant l’action principale.

Critique littéraire

Corneille, qui a défini l’unité d’action dans son Discours des trois unités d'action de jour, et de lieu (1660), souligne qu’il ne s’agit pas de limiter l’intrigue à une seule action, mais qu’une tragédie, ayant un commencement, un milieu et une fin, doit contenir au moins une action dans chacune de ses parties, voire plusieurs, toute devant aboutir à l’action principale, qui est elle unique.

Ajouter un commentaire

Anti-spam