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Auguste, ou l'Enfant naturel

Auguste, ou l'Enfant naturel, drame en trois actes, d'Étienne Gosse ; 25 août 1812.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre :

Auguste, ou l’Enfant naturel

Genre

drame

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

25 août 1812

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Étienne Gosse

Almanach des Muses 1813.

Valmont, époux de la nièce d'un vieux marin, a eu dans les commencemens de son mariage un enfant naturel dont l'existence est ignorée de tout le monde. Le hasard conduit ce marin chez Valmont, au moment où il va donner une fête à sa femme. Un mot de l'enfant fait reconnaître son père, et jette le trouble dans la maison. Le vieux marin, furieux, fait enlever le petit Auguste ; mais Mme Valmont, touchée de la douleur et des remords de son époux, lui remet son fils, et tout est pardonné.

Fond romanesque, style extrêmement négligé ; point de succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Martinet, 1812 :

Auguste, ou l'enfant naturel, Drame en trois actes et en prose, Représenté pour la première fois à Paris, sur le théâtre de S. M. l'Impératrice, le 25 août 1812. Par E.·. G....

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 1812, tome 5, p. 204-206 :

[Le compte rendu s’ouvre sur le résumé de l’intrigue sur un ton un peu ironique : « Le marin seul se donne au Diable d'avoir manqué sa prise ; tout le reste bénit l'honneur, l'amour, l'hymen et la nature ». La pièce est ensuite jugée sévèrement : intérêt nul, en raison de « l'inconvenance des sentimens que l'on rencontre dans le père, dans le vieil oncle, et sur-tout dans la jeune épouse » (la morale ! L’ordre d’énumération des personnages est intéressant. Et de plus, « nulle espèce d'art, nul effet dramatique », « l'ouvrage se traîne par scènes décousues ». Même ce qui pourrait sauver la pièce est imparfait : « Le style a paru correct, mais il est lâche et trivial ».]

Auguste, ou l'Enfant naturel, drame en trois actes et en prose, représenté le 27 août.

Varmon, époux de la nièce d'un vieux marin, qui a fait leur fortune en les mariant, a eu dans le commencement de son mariage ce qu'on appelle une distraction; il en est résulté un enfant naturel, dont Varmon a d'abord pris soin ; mais, ramené à son épouse par ses grâces, sa douceur et son extrême sensibilité, il a cessé de soigner son fils, il se contente de payer une pension pour lui, de baiser son portrait, et n'ose plus s'informer de son sort, de peur, dit-il, de chagriner sa femme : cependant Madame de Varmon prépare secrètement une fête pour son époux ; le jardinier, chargé des détails de cette fête, se sentant fort peu musicien, a recours à un aveugle, qui lui présente le jeune Auguste, qu'il a trouvé perdu dans un bois ; le jardinier présente le jeune chanteur à Madame, qui l'accepte. Le vieux marin enrage seul de ces préparatifs ; cet homme n'aime point Varmon, il paroît désolé du bonheur qui est rentré dans sa famille, il préfère les combats et les tempêtes qu'il essuyoit sur l'Aimable Jeannette (c'est le nom de son vaisseau) ; en conséquence, il fait épier Varmon, il tente de convaincre sa nièce que son mari ne l'aime point ; son espion vient tout-à-point lui annoncer que son maître a baisé un portrait, grande querelle ; le mari tremblant, surtout quand on lui reproche qu'on a fait sa fortune, montre humblement la petite boîte qu'on lui demande, et dit que c'est le portrait de son neveu ; à ces mots, la fête commence, l'enfant est porté sur un palanquin de fleurs. Au lieu de chanter, il s'écrie de loin : Voilà mon papa ! – Son papa ! ciel ! Madame Varmon se trouve mal ; l'oncle jure, et l'acte finit. La pièce auroit dû finir aussi en ce moment ; mais la douce, la bonne, la sensible Madame de Varmon exige que son époux abandonne de nouveau son malheureux enfant ; l'oncle lui reproche encore une fois le sacrifice qu'il lui a fait de sa fortune, et de son Aimable Jeannette, il médite un certain tour de marin.... En effet, l'enfant resté seul, après avoir inutilement supplié Madame de Varmon, est enlevé tout-à-coup par un grand laquais, mais il reparoît sur le champ dans les bras de Madame de Varmon qui l'envoye dans ceux de son époux. Le marin seul se donne au Diable d'avoir manqué sa prise ; tout le reste bénit l'honneur, l'amour, l'hymen et la nature.

L'intérêt est nul, ou du moins le peu qu'en inspire l'enfant est sans cesse détourné, affoibli, anéanti par l'inconvenance des sentimens que l'on rencontre dans le père, dans le vieil oncle, et sur-tout dans la jeune épouse. D'ailleurs, nulle espèce d'art, nul effet dramatique, pas une seule situation ne relèvent la puérilité du sujet : l'ouvrage se traîne par scènes décousues. Le style a paru correct, mais il est lâche et trivial.

L'auteur va, dit-on, prendre sa revanche, par une comédie en cinq actes, au Théâtre Français.

Gosse n'a pas fait jouer de comédie en cinq actes au Théâtre Français avant le Flatteur en 1820 (voir dans la base La Grange de la Comédie Française).

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome 10, octobre 1812, p. 288-292 :

[Il n’est jamais bon de se faire attendre, dans la vie mondaine comme au théâtre : on fait naître des attentes le plus souvent déçues. C’est le cas de la pièce nouvelle, « dont le sujet n'est guère qu'un épisode de la Femme Jalouse [roman de Ségur, paru en 1790, à moins qu'il ne s'agisse de la comédie de Desforges, créée en 1785 et restée au théâtre] ». Le résumé de l’intrigue est fait avec un certain parti-pris ironique (sur la fatalité de quitter sa femme, avant de revenir à elle, interrogation sur certains épisodes jugés peu vraisemblables, mention amusée de cette forêt où on peut perdre les enfants). Le dénouement est particulièrement tourné en dérision, « cet heureux dénouement, un peu troublé par le bruit des sifflets ». L’auteur a choisi de garder l’anonymat. Le critique approuve cette prudence sans en comprendre les mobiles : sa pièce n’a aucun intérêt (on ne peut s’intéresser à aucun des personnages). Même l’enfant laisse indifférent, lui qui parle, non comme un enfant de sept ans, mais « comme un héros de mélodrame ». la pièce est mal conduite. Et le style est à la fois d’une grande trivialité et d’une grande inexactitude dans l’emploi des mots. Le seul usage qu’il voit de cette pièce, c’est de permettre aux femmes de donner une sérieuse leçon à leurs maris infidèles.]

THÉÂTRE DE L'IMPERATRICE.

Auguste, ou le Fils Naturel.

Bien des gens croient qu'il est du bon air de se faire attendre dans un cercle. J'ai presque toujours remarqué que cela n'était pas très-adroit. Souvent, au lieu de regretter la personne absente, on dit du mal d'elle, on cherche les motifs qui l'empêchent d'arriver, on s'amuse à prévoir ce qu'elle dira en entrant, et toutes ces conjectures sont nuisibles. Si l'on fait d'injustes soupçons, il faut beaucoup d'efforts pour les détruire ; si, donnant dans un autre excès, plus favorable en apparence, mais plus fâcheux en réalité, on s'exagère le mérite de la personne attendue, on devient plus difficile et plus exigeant ; mais le pis de tout est de ne rien trouver de ce qu'on avait imaginé. C'est à-peu-prés la même chose au théâtre que dans le monde ; une pièce est annoncée avec emphase, quelques; journaux assurent qu'elle est d'un homme habitué aux succès. Cette pièce est retardée de jour en jour. Chacun en parle : le retard excite la curiosité, et si par malheur la pièce est mauvaise, la chute n'en devient que plus éclatante. Voilà précisément l'histoire du drame qu'on a représenté au théâtre de l'Odéon. Si cette pièce, retardée depuis long-temps par indisposition, car les indispositions ne sont pas le privilége exclusif des acteurs des grands théâtres, n'avait pas été si solennellement annoncée, elle n'en eût pas été meilleure, il est vrai, mais il y aurait eu moins de fracas dans sa chute. Je ne doute pas que l'auteur ne s'élève contre ce mot de chute, et qu'il ne prétende même que sa pièce a eu du succès, puisqu'on doit la redonner; mais si les sifflets du parterre et l'ennui bien marqué des spectateurs constatent une chute, celle-ci est bien incontestable. Je vais essayer de donner une idée de cette pièce, dont le sujet n'est guère qu'un épisode de la Femme Jalouse.

Varmont, par une fatalité dont on voit de temps en temps des exemples, a quitté sa femme pour prendre une maîtresse, et n'est revenu à ses premiers liens que quand les seconds ont cessé d'avoir des charmes pour lui, ce qui se voit encore quelquefois. Accueilli de sa femme avec indulgence, malgré son infidélité. Varmont eût été l'homme du monde le plus heureux, sans un oncle vindicatif qui ne peut oublier ses torts, et sur-tout sans un malheureux enfant naturel, aussi funeste aux deux époux qu'il l'a été à l'auteur de la pièce. On ne devine pas pourquoi Varmont, qui paraît très-fier de sa sincérité, et qui se vante beaucoup de n'avoir jamais caché ses infidélités à sa femme, n'a pas le courage de lui avouer la suite de sa faute. Un mot dit à propos aurait tout arrangé ; mais il se .contente de gémir en secret, et de baiser quelquefois en cachette le portrait de sou enfant. Malheureusement ce portrait a été apperçu par un des espions de l'oncle, et cette découverte amène une scène fort vive entre le mari et la femme, où celle-ci, qui avait été annoncée comme un modèle de douceur, se montre méchante comme un démon.

Cependant elle veut donner une fête à son mari ; le jardinier qui doit chanter des couplets perd tout-à-coup la voix, et imagine de se faire suppléer par un enfant de sept ans qui vient d'arriver, à point nommé, dans le village, conduit par un aveugle. On devine déjà que cet enfant est le fils naturel : il arrive sur le théâtre pour chanter ses couplets. Il reconnaît son père, son père le reconnaît, et la sensible Emilie devient furieuse. Le petit Auguste, qui parle comme un livre, conte son histoire : sa mère ne payait point sa pension, et pour s'en débarrasser, elle l'a envoyé perdre dans une forêt. (Cette forêt, aux environs de Paris, produit un effet admirable ; il y a là de quoi faire peur aux petits enfans.) Tout cela n'attendrit pas le moins du monde la jalouse Emilie. L'enfant se jette à ses pieds, elle le repousse ; il se jette aux pieds de l'oncle, auquel il ne manque qu'un poignard et des moustaches pour être un vrai tyran de mélodrame; il est repoussé. Enfin ce petit malheureux, rebuté de tout le monde, ne sait que devenir. Ici il y a eu parmi les spectateurs un mouvement de pitié très-sensible, mais je crois que ce n'était pas pour l'enfant.

L'oncle tyran exige que sa nièce se sépare de son mari, à moins que celui-ci ne consente à abandonner son cher Auguste ; en attendant, il traite de turc-à-maure cet époux repentant, dont la soumission ne le désavoue point ; et pour arranger les affaires, il fait enlever l'enfant par son domestique. Alors grand coup de théâtre : le petit est ramené par son père ; tout le monde croyait qu'Emilie et son oncle allaient pardonner, mais point du tout, ce n'est pas ainsi que l'auteur l'entendait : les époux se raccommodent, à la vérité, mais on envoie le pauvre enfant servir en qualité de mousse sur l’aimable Jeannette, frégate commandée par l'oncle bourru. Pour avoir la paix, le père consent à tout, et d'ailleurs on ne s'amuse pas trop à le consulter. Après cet heureux dénouement, un peu troublé par le bruit des sifflets, quelques amis ont voulu faire nommer l'auteur, mais on est venu annoncer qu'il désirait garder l'anonyme.

Je n'essayerai pas de percer le nuage dans lequel il a jugé à propos de s'envelopper ; l'analyse de la pièce suffit pour prouver qu'il n'y a pas même d'intérêt : or, point de miséricorde pour un drame sans intérêt, car c'est là l'excuse du genre. Ici, à qui s'intéresserait-on ? Ce ne peut être au père, car malgré sa douceur et sa résignation sans pareille, on est révolté de son irrésolution et de sa faiblesse ; ce n'est point à Emilie, qui, après avoir pardonné la faute de son mari, devait en pardonner la suite, et dont la jalousie contre l'enfant est plus ridicule que touchante ; encore moins à l'oncle, mauvaise copie de tous les oncles bourrus qui sont au théâtre. Peut-être on eût été touché du sort de l'enfant, si l'auteur lui avait prêté un langage convenable â son âge ; mais, à sept ans, il est déterminé comme un héros de mélodrame. La conduite de la pièce ne vaut pas mieux que les caractères. Il n'y a nulle action, et l'exposition est d'une maladresse choquante. Quant au style, outre qu'il est souvent d'une extrême trivialité, on y remarque un si grand nombre de termes impropres, qu'on est toujours tenté de croire que les acteurs se trompent. Malgré tous ces défauts, j'engagerais presque les femmes à braver l'ennui et à mener leurs maris voir cette pièce. Les infidèles y sont vertement tancés, et souffrent les réprimandes avec une docilité admirableCela peut être d'un fort bon exemple.

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