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L’Ancien Caveau

L’Ancien Caveau, vaudeville, de MM. Ségur jeune et Philippon-Lamadelaine, 21 prairial an 9 (10 juin 1801).

Théâtre du Vaudeville.

[La pièce est également connue sous le titre de le Chansonnier du Caveau.]

Titre :

Ancien Caveau (l')

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

 

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

21 prairial an 9 (10 juin 1801)

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Ségur jeune et Philippon-Lamadelaine

Courrier des spectacles, n° 1564 du 22 prairial an 9 [11 juin 1801], p. 2 :

[Sur un sujet bien mince, les vaudevillistes ont brodé une intrigue légère, mettant en scène les tension de la petite société du Caveau où se rassemblent tous les talents du petit monde dramatique. On les voit se faire des farces, mais pour rendre service à celui qui n'a pas d'argent, et pour doter la fille de Collé. De cette pièce, le critique nous invite à retenir « une série de bons mots et de saillies qui ont extrêmement amusé », et il en donne quelques exemples.]

Théâtre du Vaudeville.

Tandis que la gravité siégeoit au Caffé Procope à côté de messieurs les Académiciens, la gaité habitoit avec quelques rieurs l’humble Café du Caveau. C’est-là que les Piron ; les Collé, les Saurin, les Gallet passoient les jours entiers à rire, à chanter, à boire et à composer. Dans leur société étoit aussi Ducios, qui faisoit ainsi de tems eu tems et en secret quelque passe-droit à l’Académie, dont il étoit membre.

Cette joyeuse réunion fut célébrée hier à ce théâtre dans une piece intitulée l'Ancien Caveau, par les cit. Ségur jeune et Philippon la-Magdeleine. Ils ont peint les divers caractères sous des couleurs si gaies, si naturelles qu’il semble qu’ils aient été commencaux de ceux dont ils nous ont tracé les portraits. Aussi ce vaudeville a-t-il obtenu un brillant succès, quoique l’intrigue en soit foible.

Tapin, vieil habitué du Café Procope et passablement bête, veut obtenir la main de Cecile, fille de Landais, maitre du Caveau. La jeune personne lui préfere un garçon limonadier. Elle met clans ses intérêts Piron, Collé et toute leur société. Tapin, qui se croît considéré, tandis qu'il n'est que l’objet du persifflage, décide que la piece nouvelle de Collé, 1a Partie de Chasse d'Henri IV, n’aura pas de succès.

Piron, afin de tirer de la bourse de Tapin de quoi acquitter une dette pressée de Landais qui est sur le point d’être saisi par les recors, l’engage à parier cinquante louis contre Collé que sa comédie tombera à la première représentation. Collé parie contre ; et il avoit raison, car le titre seul étoit garant du succès.

Tapin est obligé de payer les cinquante louis, et Collé donne pour dot à Cécile et à son amant le produit des trois premières représentations de la Partie de Chasse.

Ce joli ouvrage offre une série de bons mots et de saillies qui ont extrêmement amusé. Le dénouement est heureux. Le rôle de Piron est d’une gaité folle.

Parmi les couplets que l’on a le plus vivement applaudis nous citerons les suivans :

Préville à Collé (en lui annonçant le succès de la Partis de chasse).

    Air : Ce fut par la faute du sort.

Ne crains plus rien, mon citer ami,
L’envie auroit beau te combattire,
Aujourd'hui ton nom s’est uni
Avec le grand nom d’Henri Quatre.
Une feuille de ce laurier
Qui du bon roi couvre la tête,
S’échappe et vient se marier
A la couronne du poëte.

Le même y en parlant d’Henri :

      Air: Vive Henri.

    Sevère histoire,
Vrai juge du héros,
    Combien :sa gloire
Embellit tes tableaux,
    Quand tu le nommes,
On croit voir à-la fois
    Le meilleur des hommes
Et le plus grand des rois.

F. J. B. P. G***          

Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 264, 24 prairial an 9, p. 1100 :

[Article repris dans l’Esprit des journaux français et étrangers, trentième année, tome X, messidor an IX [juillet 1801], p. 210-213.

Critiquant à chaud une pièce consacrée à des gloires littéraires du début du siècle précédent, le critique ne prend pas grand risque  il commence par faire l’éloge du fameux Caveau où se réunissaient dans la bonne humeur et l’entente les amis de Piron. Ce sont ces réunions amicales que la pièce nouvelle tente d’évoquer, et le critique est obligé de la comparer à Piron et ses amis, de Deschamps, qui lui paraît supérieure « sous le rapport de la franche gaieté, du comique de situation et même des couplets ». De plus, le plan de la pièce nouvelle « a le défaut d’être calqué sur l’ancien ». Piron est présenté comme plein d’esprit, mais le critique exprime une réticence : tant d’esprit, inlassablement répété, finit par lasser le spectateur. Et il conteste également le respect de la chronologie : les rencontres que montre la pièce sont impossibles. Les auteurs sont simplement cités.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Le Chansonnier du Caveau.

Les amis des lettres, de l'indépendance, de la gaité des bons couplets, de la critique franche, de l'éloge désintéressé, de la rivalité sans jalousie, se forment l'idée la plus agréable du Caveau et des réunions aimables qui s'y trouvaient vers le milieu du dernier siecle, sous les auspices de la Folie et du Dieu du vin.

Ce lieu, disait un journaliste du tems, vaut bien une académie : c'est la seule académie ou l'on ne dorme jamais, disait Piron : là l'esprit vit avec l'esprit, disait Collé : là, si l'on en croit l'éditeur des Œuvres de Piron, s'était formée une espece d'aréopage littéraire, dont l'entrée était interdite aux talens vains, faux, orgueilleux et jaloux: on n'y élevait point d'idoles; l'encens qu'on y brûlait était pur : la louange y était sincere, la critique sévere et franche : on y lisait ses ouvrages avec modestie : on y était écouté sans prévention, jugé sans partialité : si l’amour-propre voulait se révolter, il était assailli, confondu par un torrent d'épigrammes : là l'auteur de Rhadamiste et son fils, le chantre de l'Art d'aimer, le peintre de Vert-Vert, le poète facile, appelé l'Anacréon de son tems ; l'auteur sévere des Considérations sur les mœurs, et une foule d'autres entouraient Piron, l'excitaient, enflammaient son imagination, et en fesaient éclore une foule de bons mots, de saillies pleines de sens et de verve, que l'on ne se lassait point d'entendre : le plaisir et la liberté donnaient le ton à cette société de poëtes amis : s'élevait-il par hasard quelque dispute ? Jelyote chantait, et le calme renaissait à sa voix.

C'est l'intérieur de ce temple de la Gaieté que deux auteurs viennent de dessiner. Déjà dans une piece charmante, le citoyen Deschamps, ou plus prudent, ou plus habile, ou plus heureux, avait emprunté de la vie de Piron, la charmante scene du commissaire Lafosse ; sans descendre au caveau, il en avait donné l'idée la plus vraie : les nouveaux auteurs ont franchi le seuil, et nous ont présenté, le verre à la main, Piron et ses inséparables Galet et Collé. On a pu les reconnaître à une foule de traits saillans ; mais sous le rapport de la franche gaieté, du comique de situation et même des couplets, Piron avec ses amis, nous semble, au mérite d'une priorité de dix années, joindre celui d'une supériorité incontestable. Ajoutons que le plan du nouvel ouvrage a le défaut d'être calqué sur l'ancien.

Les premieres scenes sont celles qui ont fait le plus de plaisir, et dans lesquelles on remarque le plus d'esprit : Piron y est assez brillant ; mais à la longue on éprouve en l'entendant ce que Rousseau dit de lui, après un long entretien chez le respectable Dussaulx, son exubérance et son feu roulant me fatiguent et m'éblouissent. D'ailleurs de semblables traits ont cela de propre qu'en se réunissant en faisceau ils s'émoussent réciproquement, et que leur nombre nuit à leur effet. On a dit avec beaucoup de raison en parlant des saillies de Piron, « que telle chose qui a pu faire rire lors de l'à-propos, devient maussade lorsqu'on la répete, sur-tout si en la répétant on veut lui donner de l'importance ; » c'est ce qui est arrivé quelquefois pendant la représentation du Chansonnier du caveau.

N'y aurait-il pas de plus quelques anacronismes à relever dans l’ouvrage ? Préville y paraît pour annoncer à Collé le succès de la Partie de chasse de Henri IV. Mais la société du caveau, si l'on en croit Rigoley de Juvigny, cessa de se réunir à la suite d'une scene désagréable, vers 1739. Or Préville ne parut aux Français qu'en 1753. On nous présente Duclos comme singeant au caveau les formes des scenes académiques ; mais Duclos ne fut reçu de l'Académie française qu'en 1747 ; et en supposant qu il s'en soit jamais moqué, il n'a pu se le permettre en 1739 comme membre de cette société célebre. Nous pouvons être ici abusés par des dates inexactement énoncées ; mais en supposant que ces remarques soient justes, il resterait à examiner jusqu'à quel point, dans des ouvrages de cette nature qui sont en quelque sorte historiques, il est possible de confondre les époques et d'altérer les situations.

L’ouvrage est des citoyens Ségur, jeune, et Philippon.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 7e année, 1801, tome I, p. 418-420 :

[La pièce évoque une réunion des auteurs de théâtre du siècle précédent, dans leur Caveau, et c’est largement une collection d’allusions qui parlaient sans doute plus aux gens du temps qu’à nous. Le jugement porté dans le compte rendu enchaîne compliments (« Beaucoup de gaieté et du comique », « couplets soignés ») et défauts (couplet d’annonce « assez foible », placer dans la bouche d’hommes d’esprit « de pitoyables jeux de mots »).]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

L'ancien Caveau.

Cette pièce a été jouée, le 21 prairial, avec succès.

COUPLET D'ANNONCE.

AIR : Le bonheur en famille.

Pour varier votre plaisir,
Nous évoquons des sombres rives
Des hommes, qui surent jouir
En beaux esprits, en bons convives :
Vous allez entendre leur voix,
Que votre indulgence y réponde.
Ils sont déja morts une fois,
Les tueriez-vous une seconde.

Ce couplet assez foible n'a pas été redemandé.

Piron, Gallet, Duclos, Saurin et Collé, dont on doit jouer, le soir même, la Partie de chasse de Henri IV, sont réunis au caveau. M. Tapin, marchand de drap, de la rue Saint-Denis, vieil habitué du café Procope, fait la cour à la fille de Landel, maître du caveau. Les auteurs lui ont persuadé qu'il avoit beaucoup d'esprit, et en font leur jouet. Arrive un huissier qui vient pour saisir tous les meubles de Landel, et qui a même contre lui un décret de prise de corps. Les auteurs trouvent plaisant de se faire passer l'un et l'autre pour Landel. Il n'y a que Collé qui enrage de ne pouvoir assister à la première représentation de sa pièce. Tapin qui a pris le vent du café Procope, assure qu'elle tombera. Piron le lui persuade encore, et l'engage à parier contre Collé 50 louis pour la chute. Préville vient annoncer le succès brillant de la pièce, et Tapin perd les 5o louis qui sont donnés à l'huissier pour Landel ; et Collé donne pour dot à la jeune fille qui épouse son amant, le produit des quatre premières représentations dé sa pièce.

Beaucoup de gaieté et du comique rachètent quelque foiblesse dans l'action ; mais on est fâché d'entendre Piron et Duclos faire de pitoyables jeux de mots. Les couplets sont soignés. Nous en citerons un en l'honneur, d'Henri IV, qui a été redemandé au milieu des applaudissemens universels.

Air : Vive Henri IV.

  Sévère histoire,
Vrai juge des héros ;
  Toujours sa gloire
Embellit les tableaux :
  Quand tu le nommes,
On croit voir à-la-fois
  Le meilleur des hommes
Et le plus grand des rois.

Les auteurs sont les CC. SÉGUR jeune et PHILIPPON-LAMADELEINE.              T. D.

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