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L'Âne à Créon

L'Âne à Créon, parodie d'Anacréon chez Polycrate, de Jean-Louis Gabiot, 23 ventôse an 5 [13 mars 1797].

Théâtre d'Emulation.

Courrier des spectacles, n° 67 du 24 ventôse an 5 [14 mars 1797], p. 3-4 :

[Le compte rendu s'ouvre par le résumé de l'intrigue de la parodie, dont la saveur ne peut se juger qu'en la comparant avec celle de l'original. Puis vient le jugement, savamment équilibré : « des détails et des scènes fort jolis », mais un style « souvent bien mauvais ». Et une énorme invraisemblance, l'indispensable vraisemblance que la pièce bafoue : le père de l'enfant n'est pas assez vieux pour avoir un fils de cinq ans (la gravité de l'accusation ne se comprend que si on pense à l'absolue nécessité pour les gens du temps de la vraisemblance, sans laquelle aucune adhésion à la pièce n'est pour eux possible faute d'illusion. Deux couplets remarquables, ou supposés tels ; le nom de l'auteur, et des félicitations au directeur du théâtre, grâce à qui la pièce est bien montée.]

Théâtre d Émulation.

On donna hier sur ce théâtre l'Ane à Créon, parodie d'Anacréon chez Polycrate.

Le maire de Pantin a voulu marier sa fille à un paysan de son village ; mais Denise, c’est le nom de la jeune personne, a depuis long-temps choisi Timide pour son amant. De leur amour mutuel est né un enfant. Ils sont sur le point de fuir la colère du père de Denise, lorsqu’ils rencontrent, dans une plaine voisine, Créon, habitant de Belleville, où il est connu sous le titre du père Lajoie. Créon est arrivé à Pantin, conduit par son âne ; et vraisemblablement vaincu par la fatigue, il s’étoit endormi sur le gazon. Apprenant le malheur des deux amans, il desire leur être utile, et prête son âne à Timide pour qu’il puisse échapper à ceux qui le poursuivent. Denise ne sachant où cacher son enfant, Créon lui dit qu’il le fera passer pour son fils. Les soldats envoyés par le maire arrivent ; ils veulent emmener Denise, mais ils refusent de croire que Créon, vu son âge, soit le père d’un enfant si jeune. Il les suit. Arrivés chez le maire, ce dernier furieux qu’on n’ait pas attrapé Timide, s’intéresse à l’enfant qu’il voit près de Créon, qui lui dit que c’est un enfant abandonné de son père. Le maire veut l’adopter, Créon le lui cède. On amène Timide, il reconnoît son fils. Le maire rejette alors loin de lui cet enfant, ne veut pas pardonner à sa fille ; mais enfin il cède, séduit par le chant et le violon du père Lajoie.

Cette pièce a des détails et des scènes fort jolis ; tel est la scène de l’adoption de l’enfant par le maire ; mais le style est souvent bien mauvais. Une invraisemblance choquante, c’est que Timide déclare avoir quinze ans, et son fils en a au moins cinq. Cette parodie présente dans certains endroits une critique assez forte et peut être juste de l’opéra d’Anacréon chez Polycrate. Il y a d’assez jolis couplets, tel que celui-ci :

Le plaisir n’offre plus d’appas,
Quand l’avenir nous désespère :
On veut avoir ce qu’on n’a pas,
Et ce qu’on a cesse de plaire.

Et cet autre que l’on a fait répéter :

En Grèce comme en France
Il fut des intrigans,
Arrachant la balance
Des mains des braves gens ;
Moi, je dis en cadence :
A bas tous les méchans.

L’auteur de cet ouvrage est M. Gabiot ; les décorations du troisième acte sont belles, et font honneur aux soins de M. Ribié.

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