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Le Chevalier de Sénange

Le Chevalier de Sénange, opéra comique en trois actes, d'Alexandre [Ségur jeune et Auguste de Forbin], musique d'Henri-Montan Berton, 23 juillet 1808.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Les deux auteurs se cachent derrière un pseudonyme commun, Alexandre.

Titre :

Chevalier de Sénange (le)

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en prose, avec des coouplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

23 juillet 1808

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Alexandre

Compositeur(s) :

Berton

Almanach des Muses 1809.

Le chevalier de Sénange, jeune étourdi, a le projet d''enlever du couvent une belle pensionnaire dont il est épris. Il a pour ami un baron allemand nommé Munich, amoureux, de son côté, d'une autre pensionnaire qui se trouve être la sœur du chevalier. A l'aide d'un valet intrigant et d'un jardiner qu'on enivre, on dispose tout pour obtenir des demoiselles un rendez-vous nocturne. Durant l'entretien des amants, les religieuses s'apperçoivent de l'évasion des deux pensionnaires. On court de tous côtés : Muniche effrayé ferme la porte du jardin, et le jardinier emmene les deux demoiselles étourdies de l'aventure.

Cependant Sénange court au rendez-vous qui lui a été donné par un inconnu avec lequel il a pris querelle. Le bruit de l'aventure se répand ; les religieuses rendent plainte contre les ravisseurs ; des gardes viennent pour s'emparer de Sénange et de Munich ; mais le valet, qui a conduit toute l'intrigue,désigne aux soldats, pour véritables ravisseurs, l'inconnu avec qui Sénange s'est battu et un vieil oncle de Sénange, récemment arrivé pour gourmander son neveu. Un commissaire commence l'instruction de l'affaire ; on fait paraître les prévenus et les demoiselles : l'inconnu se trouve être le pere de l'amante du chevalier ; l'oncle reconnaît sa nièce ; le valet avoue sa ruse ; et la piece finit par un double mariage.

Poëme un peu faible ; musique charmante ; peu de succès.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1808, tome IX (septembre 1808), p. 269-274 :

[Le critique exprime d’abord son embarras face à la pièce dont il doit rendre compte : trop riche en événements trop peu vraisemblables. Mais il ne voudrait pas accabler d’ironie un auteur à peine sifflé, et qui a modestement choisi de rester anonyme. Il tente néanmoins de raconter une intrigue d’une grande complexité (un jeune homme amoureux qui est accompagné d’un autre jeune homme amoureux de la sœur du premier, qui se retrouvent tous deux dans le jardin de la pension où sont les jeunes filles, un duel heureusement sans victime, une dénonciation scandaleuse, un dénouement « où le nœud est tranché faute de pouvoir être dénoué » : le critique affirme fortement sa conviction qu’il est impossible de dénouer une telle intrigue). Conclusion sur le livret : « le public a pardonné à l'auteur de l'avoir ennuyé pendant deux heures ». « La musique vaut beaucoup mieux que les paroles » : sans originalité certes, mais « d’une bonne facture » : le critique multiplie les notations positives, mais il condamne la « multiplicité des motifs », quand il vaut mieux, à l’image des Italiens, « vari[er] le même motif ». Plusieurs morceaux ont été vivement applaudis. Mais c’est surtout le premier acte qui a plu : les deux autres actes sont presque entièrement chantés, et « on lasse ses auditeurs quand on leur donne trop de musique, fût-elle de Cimarosa » (et ici, ce n’est pas du Cimarosa !).]

THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.

Le Chevalier de Senange, opéra-comique en trois actes, musique de M. Berton.

Voici un de ces ouvrages dont il est bien difficile de rendre compte. Quoique sa représentation n'ait duré que deux heures, les événemens y sont tellement entassés, que les bornes ordinaires d'une analyse ne sauraient les renfermer tous. Ils sont amenés avec si peu de vraisemblance, qu'un nouvel embarras se présente lorsqu'on vient les motiver en les racontant ; et le ton de la plaisanterie devient presque coupable envers un auteur qui, n'ayant reçu qu'un coup de sifflet pendant tout le cours de la pièce, et quelques autres à la chûte du rideau, s'est fait plus strictement justice que les spectateurs, et a voulu garder l'anonyme. Voyons cependant si, malgré ces difficultés, nous pourrons sans ennuyer nos lecteurs, leur dire ce qu'ils peuvent désirer de savoir sur le Chevalier de Senange.

Ce chevalier est un jeune homme à la mode, qui, indépendamment de l'oncle à écouter et des créanciers à éconduire qui ne manquent jamais à ses pareils, se trouve avoir, dès le premier acte, un duo italien à répéter, une affaire d'honneur à vider et une amante à séduire. II a pour aide son valet Jasmin ; et de plus, il est accolé d'un Allemand fort empressé, nommé le baron de Munich, qu'il s'est chargé de présenter dans le monde et qu'il y laisse encore paraître, on ne sait pourquoi, en habit noir et en cheveux longs, comme un petit-maître de robe. Le baron doit accompagner Senange au rendez-vous qu'il s'est ménagé avec sa Sophie, car il est amoureux lui-même d'une jeune personne élevée dans la même pension et sœur du chevalier, qui n'en sait rien. Cette exposition, la séduction du jardinier qui doit ouvrir la porte aux deux pensionnaires et la répétition du duo remplissent le premier acte.

Le second se passe sous les murs de la pension. Le rendez vous a lieu de nuit, ce qui empêche le chevalier: de .reconnaître sa sœur ; mais pendant que les amans s'entretiennent, l'heure du. cartel sonne. Senange s'échappe ; on entend du bruit dans la pension ; le baron ferme prudemment la porte et se .sauve avec les deux demoiselles, Jasmin et le jardinier. C'est ici que les grands embarras commencent. On entend deux coups de pistolet. Senange paraît avec son adversaire qu'il a généreusement épargné, et qui se trouve être le père de Sophie. M. de Pontis, c'est son nom, voudrait aller la voir ; mais Senange, qui sait bien qu'elle n'y est pas, l'en détourne ; il s'échappe une seconde fois et laisse à Jasmin le soin d'amuser le père. Arrive l'oncle du chevalier ; belle reconnaissance entre lui et M. de Pontis, qui veut absolument l'embrasser, mais qu'il repousse impitoyablement sans qu'on en devine la cause ; alors la garde paraît ; elle est en quête des ravisseurs, et nommément de Senange. Jasmin dénonce l'oncle qui porte le même nom que son neveu, et on l'emmène, ainsi que M. de Pontis, malgré tout ce qu'ils peuvent dire.

Pour peu que cet exposé soit clair, nos lecteurs sentiront qu'il était impossible de démêler raisonnablement, dans l'acte qui restait, une intrigue aussi embrouillée. Les jolies pensionnaires, le baron de Munich et Senange sont on ne sait où ; on ne sait pas non plus où la garde, envoyée je ne sais par qui, aura conduit l'oncle et le père. On ignore entièrement le projet de Jasmin, qui a eu l'effronterie de les dénoncer. Mais on sait bien que tout doit se découvrir, et l'on se demande ce que dira la justice d'un enlèvement qui a fait un pareil éclat ; ce que pensera le chevalier de son ami qui abuse de sa confiance pour enlever sa sœur à ses yeux ; ce qu'il deviendra lui-même, ainsi que son fidèle Jasmin, quand la fraude de celui-ci sera connue de l'oncle ; et l'on ne devine pas mieux où l'auteur viendra à bout de réunir tous ses personnages.

Le sentiment de l'impossibilité où il s'était mis d'amener à bien son intrigue, avait réduit les spectateurs à un état d'indifférence qui leur a permis d'écouter paisiblement le troisième acte, où le nœud est tranché faute de pouvoir être dénoué. On s'est servi pour cela d'un vieux commissaire sourd et avare, chez qui on a conduit les prisonniers et où les coupables se rendent, Munich pour se découvrir et Senange au risque d'être découvert. Le commissaire n'entend rien de ce qu'on lui dit, mais reçoit fort bien l'argent qu'on lui donne. Ainsi disposé à l'indulgence, il s'en va au moment où les découvertes se font, et son indulgence devient contagieuse. L'oncle Senange pardonne à son neveu et & Jasmin. Le chevalier de Senange pardonne à Munich, Pontis lui pardonne à lui-même. L'oncle et le père s'embrassent, les amans sont unis, et le public a pardonné à l'auteur de l'avoir ennuyé pendant deux heures.

La musique vaut beaucoup mieux que les paroles; sans avoir beaucoup d'originalité, elle est au moins d'une bonne facture. On y remarque d'excellentes intentions, des motifs heureux ; les accompagnemens ont de la douceur et même quelquefois de l'énergie et de la verve. Il est fâcheux que l'auteur abandonne souvent ses intentions et ses motifs les plus heureux pour passer à d'autres, avant de les avoir développés, et que les effets d'orchestre, plutôt calculés que venus par inspiration, ne remplissent pas toujours leur but. Ce qui paraîtra singulier, c'est que cette multiplicité de motifs ne produit pas une grande variété dans la musique : mais l'expérience prouve que c'est plutôt en variant le même motif, qu'en .le faisant suivre de beaucoup d'autres, qu'on rend sensibles l'expression et l'agrément. C'est-là une des ressources que les compositeurs italiens mettent en usage avec tant de succès. M. Berton devait la leur emprunter avec d'autant plus de raison, qu'il les a imités avec succès en plusieurs autres choses. Tout son premier acte rappelle l'opera-buffa et son finale est un morceaux de beaucoup de mérite. Au moment où le maître de musique du chevalier de Senange lui fait répéter son duo italien, que le baron de Munich accompagne. Jasmin apporte au chanteur le cartel de M. de Pontîs. Le chevalier, sans s'interrompre, profite des pauses de sa partie pour dicter à Jasmin une réponse dont celui-ci, en fidèle secrétaire, répète les derniers mots, et la beauté de l'effet musical fait oublier que la situation n'est pas extrêmement vraisemblable. On a vivement applaudi ce morceau, ainsi qu'un trio du même acte et le premier air de Jasmin ; mais la musique des deux autres actes, et sur-tout celle du dernier, est bien inférieure. Il semble que 1a verve du musicien lui ait manqué, à mesure qu'il cessait d'être soutenu par le poëte. Disons aussi que ces deux actes sont presque entièrement chantés, et-qu'on lasse ses auditeurs quand on leur donne trop de musique, fût-elle de Cimarosa.

Mémorial dramatique: ou Almanach théâtral pour l'an 1809, p. 71-73 :

[Le compte rendu débute par le traditionnel résumé de l’intrigue qui n’est, pour cette pièce, pas facile à faire. Une fois les mille fils de l’intrigue dénoués, un jugement sévère sur le livret (« Si l'on en excepte une partie du premier acte, toute cette pièce est au-dessous du médiocre ») est compensé par un jugement plus positif sur la musique, dont plusieurs morceaux sont présentés comme remarquables. Deux acteurs sont mis en avant, ils « ont obtenu beaucoup d'applaudissemens ».]

LE CHEVALIER DE SÉNANGE, opéra en 3 actes, de M. Alexandre, musique de M. Berton. (23 juillet.)

Un chevalier de Senange, jeune étourdi, a le projet d'enlever du couvent une jeune fille, Mlle. de Pontis, qu'il aime beaucoup. Il a pour ami un jeune baron allemand, nommé Munich, espèce de caricature, qu'il ne s'est associé que pour s'amuser et lui emprunter de l'argent. Ce baron est fort épris d'une autre pensionnaire, qui n'est autre que la sœur du chevalier. A l'aide d'un valet intrigant et d'un jardinier qu'on enivre, on dispose tout pour obtenir des demoiselle un rendez-vous pendant la nuit.

Dans l'intervalle, Sénange se fait une querelle et reçoit un cartel ; il l'accepte et n'en poursuit pas moins son projet amoureux ; au signal, donné les portes du jardin s'ouvrent, les deux jeunes pensionnaires paraissent, l'entretien commence, mais les religieuses de l'intérieur s'apperçoivent de l'évasion ; on court de tous les côtés : le baron effrayé, ferme la porte du jardin, les deux demoiselles ne savent plus où donner de la tête, le jardinier les emmène.

Cependant l'heure du cartel est arrivée ; Senange y court, son adversaire tire sur lui, le manque, et lui ne répond qu'en tirant son coup en l'air ; quel est cet aventurier, c'est M. de Pontis, le père de la jeune personne que Senange vient d'enlever.

Le bruit de l'aventure se répand ; les religieuses rendent plainte contre les ravisseurs ; des gardes accourent pour s'emparer de Senange et de Munich ; mais Senange a un oncle bourru, qui vient d'arriver pour le gourmander sur sa conduite. Son valet profite de cette occasion, et désigne aux soldats, Forlis et le vieux Senange. On les emmène, et un commissaire commence l'instruction du procès. Munich veut tout avouer ; le commissaire ne comprend rien à ce qu'il voit. On fait paraître les coupables et les demoiselles. Pontis reconnaît sa fille, le vieux Senange reconnaît sa nièce, le valet avoue sa ruse, et de tout cela , il résulte deux mariages.

Si l'on en excepte une partie du premier acte, toute cette pièce est au-dessous du médiocre ; mais il n'en n'est [sic] pas de même de la musique, qui est remplie d'expression. Le trio et le finale du premier acte sont admirablement composés, ainsi que la scène où le chevalier, occupé à chanter avec son maître un morceau de musique italienne, profite des intervalles de sa partie, pour dicter une réponse au cartel qu'il vient de recevoir.

Gavaudan, dans le rôle du chevalier, et Lesage dans celui de Munich, ont obtenu beaucoup d'applaudissemens.

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