Les Conjectures,

Les Conjectures, comédie en actes et en vers en cinq actes, puis en quatre, de Picard, 28 vendémiaire an 4 [20 octobre 1795].

Théâtre de la rue Feydeau, ou des Comédiens françois

Titre :

Conjectures (les)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5, puis 4

Vers / prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

28 vendémiaire an 4 [20 octobre 1795]

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Picard

Almanach des Muses 1797.

Prosper, jeune artiste, allant à Limeuil, son pays natal, porter des secours à une sœur infortunée, et ne trouvant point d'auberge, est reçu dans la maison d'un ancien militaire, dont la loyauté contraste avec le caractère d'un certain barbier, pour qui les moindres apparences servent de fond à des conjectures inépuisables. Aux yeux de ce soupçonneux personnage, Prosper est successivement prisonnier anglais, général chargé d'une mission secrète, séducteur de sa sœur Pauline, &c. Toutes ces conjectures se détruisent par les faits, et Prosper épouse la fille du militaire.

Du bon comique, de l'esprit.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, Chez Huet, an quatrième :

Les Conjectures, comédie en trois actes, en vers, par L. B. Picard. Représentée au Théâtre de la rue Feydeau ; par les Comédiens Français, pour la première fois, le 28 Vendémiaire, l'an quatrième de la République.

Sur la page de titre de la seconde édition, Paris, chez Huet, X – 1802 :

Les Conjectures, comédie en trois actes et en vers, Représentée, pour la première fois, au Théâtre de la rue Feydeau, par les Comédiens Français, le 28 vendémiaire, l'an 4 de la République. Par L. B. Picard. Seconde édition.

Réimpression de l'ancien Moniteur, tome vingt-sixième, Gazette nationale ou le moniteur universel, n° 38, Octidi 8 Brumaire, l'an 4 (Vendredi 30 Octobre 1795, vieux style), p. 298 :

[Un homme est accueilli « chez un bon et honnête cultivateur », mais un voisin s'applique à trouver qui il est, successivement un prisonnier évadé, puis un général voyageant incognito, et encore le mari ou peut-être le séducteur d'une femme qui arrive avec son enfant. L'inconnu finit par dire qu'il est son frère, et qu'il vient lui annoncer que son séducteur se repent et souhaite l'épouser. Fonds bien léger, intrigue presque absente. Réduite à quatre actes, elle a été mieux reçue à la deuxième représentation, et elle pourrait encore être réduite à trois. L'auteur a le mérite de vouloir faire renaître « le goût des comédies comiques », avec « de la gaîté, de l'esprit, et l'entente de la scène ». Mais il faudrait qu'il travaille plus la construction de sa pièce, qu'il soigne plus son style.]

THÉÂTRE DE LA RUE FEYDEAU.

On vient d'y donner une nouvelle comédie en vers, sous le titre des Conjectures ; elle était en cinq actes, lors de la première représentation, et a été réduite à quatre pour la seconde. En voici le sujet :

Dans une campagne, chez un bon et honnête cultivateur, se présente, un soir, un jeune voyageur ; il demande à coucher, le maître du logis y consent, quoique l'inconnu n'ait point de passeport, et s'obstine à cacher quel est le but de son voyage. Un voisin du laboureur, barbier de son métier, se piquant d'être un observateur habile, et de deviner les gens sur leur figure, trouve, dans le jeune inconnu, matière à exercer son talent pour les conjectures. D'abord, comme il a lu dans le journal qu'un prisonnier d'importance a trouvé moyen de s'échapper, il .s'imagine que Prosper (c'est le nom du jeune homme) doit être ce prisonnier ; il le persuade à toute la maison, et l'on est sur le point de chasser l'étranger. Celui-ci s'apercevant que le barbier Rigollot aime à deviner, lui en fournit une nouvelle occasion ; il jette à dessein quelques mots que le conjectureur recueille précieusement, et d'où il conclut que Prosper est un militaire, un général d'armée qui voyage incognito pour préparer une expédition secrète.

Dans la même soirée, arrive encore, par hasard, une jeune paysanne portant un petit enfant qu'elle nourrit. On remarque au cou de son enfant un portrait de Prosper; Rigollot conjecture alors avec quclqu'apparence de raison qu'elle est sa femme ; grand sujet de chagrin et de colère pour Rose, la fille de la maison, à laquelle Prosper a fait la cour, et qui commençait à l'aimer ; la jeune étrangère se trahit elle-même, et avoue qu'elle n'est pas mariée ; qu'elle a été séduite et puis abandonnée ; alors l'indignation redouble contre Prosper, qu'on regarde comme son séducteur ; enfin on les confronte l'un à l'autre et cette pièce est celle du dénoûment.

Prospère et Pauline sont frère et sœur ; le jeune homme, instruit du malheur de sa sœur, allait la secourir ; et la nature de l'événement l'engageait à le tenir secret. Il annonce à Pauline que l'homme qui l'a trompée ne demande qu'à réparer ses torts en l'épousant, et lui-même obtient la main de Rose.

On voit qu'un fonds si léger, et presque dénué d'intrigue, pouvait difficilement fournir cinq actes. La pièce a eu beaucoup plus de succès à la seconde représentation qu'à la première ; et peut-être en aurait-elle encore davantage, si des quatre actes qui restent, l'auteur n'en faisait plus que trois. On doit savoir gré au citoyen Picard de chercher à ramener le goût des comédies comiques ; ses ouvrages, les Visitandines, les Deux-Postes, etc. offrent en général de la gaîté, de l'esprit, et l'entente de la scène. On peut faire aux Conjectures les reproches d'être une pièce un peu décousue, faite avec des scènes qui se suivent, sans être bien liées ensemble ; le style en est facile, mais un peu négligé. Cet auteur, encore très-jeune, quoiqu'il ait déjà beaucoup travaillé, ne paraît pas assez persuadé de l'importance du précepte de Boileau :

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.

On peut dire que c'est dommage; car il paraît destiné à obtenir un rang distingué dans la carrière dramatique. Qu'il pardonne à l'amitié d'exprimer franchement ses regrets sur ce qu'il ne s'occupe pas assez d'atteindre le degré de succès auxquels ses talents devraient le faire aspirer.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1795, volume 5 (septembre-octobre 1795), p. 258-259 :

[Le compte rendu s’ouvre sur la réduction de la pièce à quatre actes, qui a renforcé le succès obtenu à la première représentation. Détails brillants, jeu soigné des acteurs, tout rend la représentation irremplaçable pour apprécier la pièce. Sinon, une intrigue amusante, mais le critique ne valorise pas un des aspects essentiels de ce genre de pièce, l’intrigue sentimentale (la pièce finit, tout de même par l'indispensable mariage...). La pièce est pleine de qualités : « Des scènes d'un bon comique, des caractères variés & vrais, & toujours de la gaîté, de l'esprit, de l'originalité », comme dans toutes les pièces de Picard, mais aussi, et c’est essentiel et nouveau dans les pièces de Picard (auteur, tout de même des Visitandines, « les préceptes d'une morale douce & vraiment sociale ». Juste un petit reproche, celui de n’avoir pas assez utilisé le barbier Rigolo et ses conjectures, dont toutes d’ailleurs ne sont pas si bêtes...]

THÉÂTRE DE LA RUE FEYDEAU.

La première représentation des Conjectures, pièce en cinq actes & en vers, avoit obtenu les applaudissemens du public ; mais cette même pièce, réduite à quatre actes, à la seconde représentation. a eu un succès beaucoup plus marqué.

Voici le précis de la pièce, dont les détails très brillans ne peuvent être sentis qu'à la représentation & par le jeu soigné des acteurs.

Prosper jeune, artiste, allant á Limeuil, son pays natal, porter des secours & terminer la peine d'une sœur séduite & abandonnée après être devenue mère, arrive à la nuit dans un petit village où il n'y point d'auberge. Il est reçu dans la maison de Michel, ancien militaire, dont la franchise, la loyauté & la confiance contrastent avec le caractère soupçonneux d'un barbier nommé Rigolo, grand physionomiste, & pour qui les moindres apparences servent de fond à des conjectures intarissables. Prosper, par la tournure d'esprit de Rigolo, est cru successivement prisonnier anglais échappé de sa prison, général chargé d'une mission secrète, & séducteur de sa sœur Pauline, qui, par le même hasard que lui, arrive dans la maison de Michel. Toutes ces conjectures se détruisent de même successivement par des faits ; & Prosper, redevenu aux yeux de tous un honnête artiste, obtient la main de la fille de Michel, à qui il a su plaire.

Des scènes d'un bon comique, des caractères variés & vrais, & toujours de la gaîté, de l'esprit, de l'originalité, voilà ce qui fait constamment applaudir les ouvrages du cit. Picard. Mais il est bon de remarquer que les préceptes d'une morale douce & vraiment sociale, donnent un nouveau mérite à la comédie des Conjectures, qui est aussi du jeune auteur des Visitandines.

On peut cependant reprocher à l’auteur de n'avoir pas assez multiplié les erreurs du barbier Rigolo, & sur-tout de n'avoir pas toujours choisi des circonstances assez comiques pour les motiver ; par exemple : Rigolo est persuadé que Prosper est l'amant de Pauline, & père de son enfant. Mais qui ne partageant pas avec lui cette erreur, en voyant au col de Pauline le portrait du même Prosper ?

Dans la base César : 7 représentations, 6 du 20 octobre 1795 au 5 décembre 1795, et 1 le 4 novembre 1796, toutes au Théâtre Feydeau.

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