La Fête de Mars (ballet, 1809)

La Fête de Mars, ballet en un acte, par M. Gardel, musique de M. Kreutzer, 26 décembre 1809.

Académie impériale de Musique.

A ne pas confondre avec l’intermède homonyme d’Esménard, musique de Steibelt, ballet de Gardel, joué en 1806.

Titre :

Fête de Mars (la)

Genre

ballet

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose

Musique :

oui

Date de création :

26 décembre 1809

Théâtre :

Académie impériale de Musique

Auteur(s) des paroles :

M. P. Gardel

Compositeur(s) :

A. Kreutzer

Chorégraphe(s)

M. P. Gardel

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 15e année, 1810, tome I, p.202-203 :

[François-Robert Marcel (1683-1759) qui s'écrie qu'il y a bien des choses dans un menuet est un danseur célèbre du début du 18e siècle, et son propos est devenu comme un proverbe.]

ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.

La Fête de Mars, ballet en un acte, représenté le 26 décembre 1809.

Les allégories sont toujours un peu froides au théâtre. Le talent de M. Gardel a donné à celle-ci tout le charme que peut avoir une composition noble et variée. Les premiers sujets ont contribué à son ensemble.

Mercure de France, journal politique et littéraire, tome trente-neuvième, n° CCCCXLI (samedi 30 décembre 1809),

Académie Impériale de Musique.

Il se tue à rimer; que n'écrit-il en prose ?

Et pourquoi écrit-il même en prose, le rédacteur de ce programme de la Fête de Mars que nous avons sous les yeux, et à l'aide duquel, à la représentation de mardi dernier, nous essayions de suivre et de comprendre l'allégorie tracée dans ce divertissement pantomime ? M. Gardel est tellement habile le crayon à la main, qu'il pourrait en conscience se dispenser de prendre la plume; ses figures de rhétorique sont moins heureusement disposées que celles de ses danses enchanteresses, et il doit être très-persuadé qu'on peut être maître des ballets de l'Opéra, et même membre d'une société savante, sans être obligé d'être un écrivain distingué ; mais qu'alors il est bon de se renfermer dans les règles de son art, de s'imposer un rigoureux silence et de ne parler au public que par les gestes de ses pantomimes : c'est-là l'éloquence véritable d'un chorégraphe, et M. Gardel a bien assez de celle-là pour soutenir la réputation que lui ont acquise tant d'ingénieux et brillans ouvrages.

Pour rendre animés ou séduisans des tableaux allégoriques, la chaleur énergique de Rubens ou l'imagination gracieuse de l'Albane sont nécessaires : ce genre est essentiellement froid; quelquefois il est obscur, et c'est bien pis encore : la flatterie a trop épuisé ce langage dans mille circonstances ordinaires pour qu'il puisse vivement parler à notre imagination au milieu des événemens dont nous sommes les contemporains, événemens au-dessous desquels l'éloge restera toujours, sous quelque forme qu'il se multiplie.

Cette observation, au surplus, est plutôt relative au genre allégorique en général, qu'à la manière dont M. Gardel l'a traité cette fois : son intention est en effet très-digne d'éloge ; que le lecteur ne croie pas ici que nous nous servons de termes impropres. Le ballet dont il s'agit repose sur une idée morale : ce divertissement est philosophique ; or, comme la morale et la philosophie sont de très-bonnes choses, on doit savoir gré à celui qui nous en présente des leçons, même à l'Opéra. Que de choses dans un menuet ! disait Marcel ; après avoir vu la Fête de Mars de M. Gardel, on pourra dire : Que de philosophie dans un ballet pantomime !

N'est-ce pas, en effet, une idée d'un ordre assez élevé et vraiment philosophique que de représenter le Dieu de la guerre s'armant, non pour détruire, mais pour défendre et protéger ; non pour allumer un vaste incendie, mais pour l'éteindre ; non pour anéantir les cités et pour ravager les campagnes, mais pour ramener dans leur sein la paix et le commerce, l'industrie et l'abondance, les arts et leur culte libéral ? Ce Dieu est ici présenté sous ses plus nobles traits, sous ceux que lui empruntent les héros dignes de le servir ; la Discorde et les fléaux qu'elle traîne à sa suite ne peuvent soutenir ses regards : Jupiter a parlé, Mars a combattu, la paix est rendue à l'humanité, qui célèbre son triomphe : telle est l'idée principale de la Fête de Mars.

Ce divertissement a réussi ; il n'a pas été jugé avec rigueur, parce qu'il a été présenté avec raison sous un titre modeste : l'allégorie a été saisie dans son véritable sens, et alors il n'est pas un Français qui pût lui refuser ses applaudissemens ; mais la critique a pu s'attacher à quelques détails. Nous ne suivrons pas le programme ; nous craindrions de dire, avec son auteur, qu'à la première scène, au moment où des cultivateurs, des négocians richement vêtus et des artistes qui le sont un peu moins, rendent hommage à leurs Divinités respectives, tout est doux, tout est gracieux. Il faudrait dire aussi que la Discorde paraît, suivie d'un nombre infini de soldats armés, dans le dessein de mettre tout à feu et à sang ; que les habitans expriment par leurs gestes le motif de leur frayeur ; que Mars fait un appel à ses braves en se tournant de tous les côtés, et qu'ils partent en bon ordre ; que dans la bataille livrée à la Discorde, les monstres se cachent derrière des buissons ; que la rage de la Discorde se manifeste d'une manière horrible, et qu'ensuite elle témoigne son courroux et sa rage de toutes les manières ; que les peuples égarés viennent de toutes parts, qu'ils vont et viennent dans l'incertitude : il faudrait sur-tout décrire la fête qui termine le divertissement, et ceci nous conduirait trop haut dans l'Olympe, Mars va reprendre sa place.

Nous nous bornerons à remarquer qu'en général la fable de ce divertissement a paru manquer de développemens et de clarté, et que certains détails n'ont pas semblé de bon goût. La Discorde est représentée par un danseur ; le rôle de Mars est insignifiant; son appel à ses soldats n'a rien de divin, ni même d'héroïque ; les faisceaux d'armes qui, à sa voix, sortent de terre, sont mesquins, et les soldats du dieu dé la guerre sont en bien petit nombre ; la cour de l'Olympe, descendue au-dessus de l'arc de triomphe, est à peine apercue et ne se développe pas dans une grande magnificence ; Mars monte avec peine jusqu'à elle par un chemin dont on sent trop la difficulté ; enfin, quelques accidens imprévus ont un peu détruit l'illusion. Deux danseurs sont tombés assez malheureusement ; un soldat, renversé sur le champ de bataille, a,conservé son bouclier, mais il a perdu sa perruque, et en se cachant la tête, il laissait un peu trop à découvert la partie qu'il avait blessée dans sa chute. Voilà de ces accidens dont l'Opéra de Paris lui-même n'est pas exempt, et dont le public ne peut s'empêcher de rire, malgré la gravité qu'il apporte à ce spectacle. Il a reconnu tout l'art de M. Gardel dans la manière dont sont dessinés les pas d'Albert et de Mlle Chévigny, ceux de Vestris et de Mme Gardel, et sur-tout de Mlle Clotilde, qui, dans le rôle de Bellone, a développé toute la richesse de son admirable taille, et, on peut le dire, le grandiose de son talent. Près d'elle, Mme Gardel dansait le rôle de Terpsichore ; ce ne sont pas les mêmes moyens, mais c'est, dans le même art, un autre secret de plaire. M. Gardel a été demandé après la représentation, et ses camarades l'ont, comme à l'ordinaire, présenté au public, qui l'a vivement applaudi.

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