Les Français dans le Tyrol

Les Français dans le Tyrol, fait historique, en un acte et en prose, par M. Bouilly, 1er février 1806.

Théâtre Français.

Titre :

Français dans le Tyrol (les)

Genre

fait historique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

1er février 1806

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

J. N. Bouilly

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1806 :

Les Français dans le Tyrol, fait historique, en un acte et en prose, Par J. N. Bouilly, Membre de la Société Philotechnique. Représenté à Paris, au Théâtre Français, le 1er. février 1806.

Courrier des spectacles, n° 3289 du 2 février 1806, p. 2-4 :

[Le Courrier des spectacles fait une grande place à la pièce de Bouilly. Deux pages consacrées à une pièce de circonstance, promu fait historique pour l’occasion. L’article commence par la glorification des armées françaises, dont les exploits sont égalés à ceux des grands conquérants de l’antiquité, et qu’on aura peine dans l’avenir à considérer comme des faits réels, et non des « récits fabuleux ». Tous les théâtres ont entrepris de célébrer l’événement, et le Théâtre Français est le premier des grands théâtres à offrir un spectacle à la gloire de cette dernière guerre, non pas en retraçant ce qui s’est passé – ce n’est pas possible – mais en mettant en avant les paroles de l’empereur : « Respect au courage malheureux ». Les faits appartiennent au registre de l’épopée, et le théâtre ne peut « »saisir que quelques traits épars ». Après ce long préambule, le critique commence à décrire « de quelle manière l’auteur de la pièce nouvelle a traité son sujet ». Il a choisi de centrer son actions sur le sort des officiers autrichiens blessés qui se sont réfugiés à Innsbruck. L’arrivée des Français dans la ville surprend le gouverneur autrichien qui n’imaginait pas que les Français pourraient être dans ses murs aussi rapidement. L’officier français prend des mesures pour qu’on accueille ses soldats, mais il insiste sur la nécessité de respecter « les vaincus »L Les grenadiers français font plus que lui obéir : ils vont jusqu’à donner leur prime pour soigner les blessés ennemis. Il y a bien sûr une petite intrigue amoureuse dans la pièce, et elle trouve bien sûr une issue heureuse, tout le monde s’exclamant : « Vive Napoléon », tandis que les soldats français récupèrent des drapeaux perdus. Il est temps de donner des informations sur les interprètes, membres du Théâtre Français (ils ont plus l’habitude de jouer les « classiques » que des faits historiques, et ils ne sont pas chanteurs). Pour compléter ce long comptes rendus, une série de couplets qui clôturent la pièce sont à la gloire de Napoléon et des ses troupes. Même les Autrichiens participent à la célébration du grand homme. Il ne reste plus qu’à nommer l’auteur et dire un mot de ce qui complète la représentation, Iphigénie et la présente de l’Empereur, grand amateur de théâtre, surtout quand il est tout à sa gloire.]

Théâtre Français.

Les Français dans le Tyrol.

La gloire des armées françaises et les prodiges qu’elles ont opérés dans la mémorable campagne qu’elles viennent de terminer seront à jamais le sujet des entretiens de nos derniers neveux , et l’objet de l’admiration des siècles les plus reculés. On en parlera comme ou parle des exploits d’Alexandre et des conquêtes de César ; mais quand on examinera la différence des tems, des hommes et des circonstances, on sera tenté de croire que les historiens de notre tems ont voulu tromper la postérité par des récits fabuleux ; mais les témoignages de tant de gloire subsisteront ; nos temples, nos monumens publics, nos mémoires contemporains et jusqu’à nos plaisirs en attestent tout la réalité.

Une noble émulation s’est répandue parmi nos auteurs dramatiques ; et, de tous nos théâtres, il n’en est pas un seul qui n’envie l'avantage de consacrer une représentation au souvenir de quelques-uns de ces grauds évenemens. C’est ici assurément le cas de ne pas se plaindre de leur multiplicité.

Le Théâtre Français, qui le premier a joui de l’honneur de posséder dans son sein le héros d’Austerlitz, est aussi le premier des grands théâtres qui ait offert au public un tableau dramatique relatif aux grands événemens de la derniere guerre. L’auteur n’a pas eu l’intention de peindre tant de prodiges. Quel poëte pourroit même en tracer une légère esquisse ? Son but unique, dans cette foible expression des sentimens qu’il partage avec tous les Français, pareil, avoir été d’offrir à l’admiration et à la reconnoissance publiques les mémorables paroles de l’Empereur : Respect au courage malheureux.

Il est toujours très-difficile d’enfermer dans le cadre d’une pièce de théâtre des événemens qui appartiennent à la Muse de l’épopée. La grandeur et le nombre des faits deviennent alors une source de difficultés pour le génie du poète qui se trouve surchargé de ses-richesses. Il ne peut donc saisir que quelques traits épars, et comme on demande toujours une action accessoire à laquelle il est obligé de les rapporter, il se voit souvent réduit à les dépouiller d’une partie de leur éclat, pour les mettre en harmonie avec des circonstances qui n’ont rien que d’ordinaire.

Voici à-peu-près de quelle manière l’auteur de la pièce nouvelle a traité son sujet :

Après la célèbre capitulation d’Ulm, un grand nombre d’officiers autrichiens, blessés dans diverses actions, parviennent à se retirer à lnspruck, capitale du Tyrol. Ils y sont reçus avec tous les égards dus à la valeur, par le comte d’Armisthal, gouverneur de la ville, et par la Comtesse, son épouse , qui a été elevée en France. On les réunit dans une des galeries de l’Arsenal, où la Comtesse, femme pleine de douceur ei de sensibilité, leur prodigue les soins les plus généreux. Parmi les blessés se trouvent deux personnages qui excitent un intérêt particulier ; l’un est le major de Rheinberg, qu’un officier français a généreusement sauvé à la journée d’Ulm ; l’autre est Ernest de Rheinberg, frere du major, jeune homme plein de courage, qui s’est couvert de nobles blessures à la même journée, et qui est tendrement aimé d’Amélie, fille du Gouverneur.

Tandis que les soins de l’amitié leur sont prodigués a Inspruck, les Français continuent leur marche triomphale, et déjà ils ont pénétré dans le Tyrol et sont aux portes d’Inspruck, sans que le Gouverneur songe à prendre aucune mesure, tant il est persuadé que toutes les merveilles qu’on lui raconte sont exagérées et impossibles. Mais bientôt le canon se fait entendre, la citadelle d’Inspruck est attaquée et prise en quelques instans. Florinval, officier Français, vient à la tête d’une colonne de grenadiers, prendre possession de l’arsenal. Le Gouverneur sort enfin de sa profonde sécurité pour reconnoitre qu’il est à la dispositiou du vainqueur. Mais quel est cet officier qui commande une colonne de grenadiers ? On devinera facilement que c’est celui même qui a sauvé la vie du Major de Rheimberg. Ce Major le reconnoît, se jette dans ses bras, et l’indique à son frère et à ses amis comme son brave libérateur.

Florinval, après avoir satisfait aux premiers épanchemens de cette réconnoissance, continue de remplir ses devoirs ; il s’assure de tous les postes, et fait disposer des lits pour ses soldats épuisés par des marches forcées. Parmi les lieux qu’il choisit pour y faire reposer la troupe, il désigne la galerie où la Comtesse a réuni les Officiers Autrichiens blessés devant Ulm. Cette femme sensible et compatissante en fait ouvrir les portes, et montre à Florinval ses hôtes chéris. A leur aspect, cet officier s’écrie : Soldats Français, n'oublions pas les paroles sublimes de notre Empereur: Respect au courage malheureux.

Tous les grenadiers se découvrent aussi-tôt, et fidèles à la voix de leur chef et à la générosité nationale, ils prient la Comtesse d’accepter pour le soulagement de ses blessés un mois de gratification qu’on vient de leur faire payer.

En cet instant, un aide-de-camp Français vient annoncer la prise de Vienne et l’entrée triomphante de l’Empereur dans cette capitale de l’Allemagne. La rapidité de tant de victoires étonne tous ceux qui sont présens ; l’incrédulité du Gouverneur cède enfin à tant de preuves ; et Florinval présage d’avance la paix générale. Cette heureuse espérance est saisie avidement par tous ceux qui l’entendent ; tous les cœurs se confondent dans les mêmes sentimens d’admiration, et Amélie donne sa main à Ernest, qui répète avec les Français : Vive Napoléon !

Au moment où les Français sont sur le point de se retirer, un soldat apperçoit le N°. 76 sur un drapeau ; il le saisit avec transport, et s’écrie : « Général, voilà deux drapeaux français, vos soldats vous les redemandent. » Florinval les remet entre les mains de ses grenadiers, eux acclamations de toute la troupe.

Cette pièce a été jouée par les premiers sujets de la scene. Mlle. Contat y a rendu avec beaucoup de grâce le rôle de la Comtesse, et sur-tout le passage où le public a reconnu avec enthousiame le portrait de l’Impératrice.

Mlle. Mars s’est fait vivement applaudir dans le rôle d’Amélie, qu’elle a joué avec une naïveté et un naturel exquis. On a reconnu avec beaucoup de plaisir Mlle. Amalric Contat (qu’on voit bien rarement) dans le personnage d’un jeune Trompette. St.-Prix et Michot n’ont point dédaigné des rôles de simples Grenadiers. Baptiste ainé, Fleury, Damas et Armand ont aussi été l’objet de la satisfaction et des applaudissemens du public. Cette fête a été terminée par les couplets suivans, dont plusieurs ont été redemandés.

Le Gouverneur ( Baptiste ).

Français, malgré le sort des armes,
Le nom d'un prince généreux
Pour tous les braves a des charmes :
Aux vôtres nous joignons nos vœux.
On ne gémit point de sa gloire :
Il sait honorer le malheur.
Nous regrettons moins la victoire
Quand nous admirons le Vainqueur.

Un jeune Trompette (Mlle. Mars).

A mé prendre il faut que j’invite
Cet Monarque aussi grand’ qu’humain :
Afec ein chef qui va si vîte
On fait pien vîte son chemin.
Lui capable avec son armée,
Pûr faire dans ein seul moment,
Ein drompette de renommée
D’ein drompette de régiment.

Blondel (Michot).

Soixante-seize doit me plaire :
Ces chiffres pour moi pleins d’appas
Indiquent l’âge de ma mère
Et le nombre de mes combats.
Pour assurer nos destinées
Et la gloire de notre nom,
Puissent-ils marquer les années
Du règne de Napoléon !

Ernest, à Amélie, (Armand).

Souvent dans les champs de la gloire
Le hazard trahit un guerrier,
Et .l’on peut perdre la victoire
Même en méritant un laurier.
Quels que soient les maux qu’on endure,
J'en fais l'épreuve dans ce jour,
De Mars on chérit la blessure
Quand on est guéri par l’Amour.

La Comtesse, au public, (Mlle. Contat).

Comment, dans une bagatelle,
Tracer nos rapides succès ? Messieurs, n y voyez que le zèle
Et les sentimens d'un Français.
Il est aisé de se convaincre
Qu’avec Napoléon le Grand,
Pour peindre comme il a su vaincre,
Il falloit écrire eu courant.

Nous regrettons de n’avoir pu nous procurer le couplet chanté par Mlle. Mars. L’auteur est M. Bouilly.

Avant la pièce nouvelle, on avoit joué Iphigénie, où Mlle. Duchesnois, Lafond et St Prix ont développé de grands talens. Cette représentation a été honorée de la présence de l’Empereur, qui a reçu des témoignages de l’enthousiasme public aussi vifs et aussi nombreux que le premier jour où il a paru an spectacle.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 11e année, 1806, tome II, p. 177 :

[Compte rendu qui s'interdit toute attitude critique envers une oeuvre à la gloire de l’Empereur. « Cet ouvrage pouvoit-il ne pas réussir ? » Tout est dit.]

THÉATRE FRANÇAIS.

Les Français dans le Tyrol.

Tous les théâtres ont donné des pièces relatives à l'heureuse circonstance où nous nous trouvons. Le Théâtre Français devoit donner l'exemple, et son zèle a été justifié par l'accueil du public. Sans entrer dans les détails de la pièce, il suffira de dire que c'est un cadre dans lequel on a su placer avec art l'éloge de l'Empereur et le tableau rapide de ses combats et de ses triomphes. Cet ouvrage pouvoit-il ne pas réussir ? Il est de M. Bou1ly, connu par plusieurs succès.

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1806, tome III (mars 1806), p. 276-278 :

[Bien qu’elle ait réussi, la pièce est jugée avec une certaine sévérité. La conduite de la pièce ne vaut pas celle des armées françaises par « leur intrépide général », et son succès tient sans doute au « nom de Napoléon-le-Grand, souvent prononcé dans la pièce ». Certes, la pièce est faible, mais elle s’accorde avec les sentiments de l’opinion publique. « on pouvait aisément faire mieux, mais […] il était possible de faire pis ». Le sujet est rapidement présenté, l’auteur a su utiliser les propos de l’Empereur, qui ont été « applaudis avec transport », les comédiens ont été excellents. La fin de l’article signale que l’Empereur, présent au début de la représentation, a quitté le théâtre avant la pièce de Bouilly.]

THÉATRE FRANÇAIS.

Les Français dans le Tyrol ont complettement réussi. Peut-être trouvera-t-on que M. Bouilly, auteur de cette pièce de circonstance, n'a pas su diriger leur marche avec autant d'habileté que leur intrépide général ; peut-être même se permettra-t-on d'insinuer que sans le nom de Napoléon-le-Grand, souvent prononcé dans la pièce, et toujours entendu avec enthousiasme, ils auraient été un peu moins heureux sur la scène qu'ils ne le furent dans les gorges du Tyrol ; mais plus on s'attachera à démontrer la faiblesse de la pièce, plus on prouvera la force et l'excellence de l'opinion publique qui en a décidé le succès ; et l'ouvrage dont il s'agit n'eût-il réellement que le mérite de fournir à de bons Français l'occasion de manifester leurs sentimens pour notre auguste monarque, ce serait bien le cas de s'écrier :

L'effet en est trop beau pour en blâmer la cause.

La vérité est, au surplus, qu'on pouvait aisément faire mieux, mais qu'il était possible de faire pis.

Les soldats du 76me. régiment d'infanterie retrouvant leurs anciens drapeaux dans la citadelle d'Inspruck, ont fourni le sujet de la pièce. L'auteur a su amener fort adroitement quelques-unes de ces paroles sublimes, que le vainqueur de la coalition a prononcées dans le cours de sa dernière campagne, et toutes ont été applaudies avec transport ; on en a fait répéter plusieurs qui avaient, entre autres , excité un grand enthousiasme.

Cette comédie, ou plutôt ce petit mélodrame, est joué avec beaucoup de soin et de talent par Mme. Contat, Mlles. Mars et Amalric-Contat , et par Fleury, St.-Prix, Damas, Baptiste, aîné, Larochelle, Michot et Armand.

S. M, qui avait honoré le spectacle de sa présence pendant la représentation de la première pièce (Iphigénie), et que le public enthousiasmé avait accueillie par des cris mille fois répétés de vive l'empereur, n'est pas restée à la pièce nouvelle. Quelques minutes avant l'arrivée de S. M., on avait encore applaudi avec la plus grande chaleur ces deux vers de la tragédie :

« Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent,
» Achille va combattre et triomphe en courant ».

D’après la base La Grange de la Comédie Française, la pièce de Jean-Nicolas Bouilly a connu trois représentations.

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