Monsieur Beaufils, ou la Conversation faite d'avance

Monsieur Beaufils, ou la Conversation faite d'avance, comédie en un acte et en prose, de Jouy, 14 octobre 1806.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre :

Monsieur Beaufils, ou la Conversation faite d’avance

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

14 octobre 1806

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Jouy

Almanach des Muses 1807.

Folleville, jeune étourdi, fait des vers et des dettes, double motif pour que M. Vertsec lui refuse la main de sa niece. Il a pour rival M. Beaufils, original qui cherche par-tout une femme et de l'esprit. Folleville lui abandonne la propriété d'une de ses comédies, moyennant mille écus, qui lui servent à payer ses dettes ; il lui donne en outre une conversation par écrit qu'il doit débiter devant M. Vertsec, et qui suffira pour lui assurer une réputation de bel esprit. Malheureusement pour M. Beaufils, son futur beau-pere trouve cette conversation très ridicule, et il n'a pas tort. Il apprend ensuite que M. Beaufils a fait une comédie, et cela suffit pour qu'il lui donne son congé. Folleville alors promet d'être plus sage à l'avenir, épouse sa maîtresse, et M. Beaufils, qui prend bravement son parti, promet d'égayer la noce par sa présence.

Beaucoup de traits comiques, du succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mad. Masson, 1808 (seconde édition) :

M. Beaufils, ou la Conversation faite d'avance, comédie en un acte et en prose, Par M. V. Jouy, Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Impératrice, le 14 octobre 1806.

M. Beaufils reparaît dans le Mariage de M. Beaufils, ou les Réputations d'emprunt.

Courrier des spectacles, n° 3536 du 15 octobre 1806, p. 2 :

[La première représentation a été une belle bataille entre les cabales, ceux qui sifflent contre ceux qui applaudissent. Le critique semble croire que les siffleurs, qui ont commencé à se manifester dès la première scène, étaient venus seulement pour faire échouer la pièce. Il tient même à rassurer l’auteur : sa pièce a été largement applaudie, et elle ne méritait pas une opposition forte : c’est une pièce « sans prétention ». Il en raconte l’anecdote, empruntée à Chamfort, transformé en M. Folleville. Désireux de se marier, il paraît peu sérieux aux tuteurs de la jeune fille, qui lui préfèrent un insipide Monsieur Beaufils. Folleville réussit à retrouver la confiance des parents de Sophie, en ridiculisant Beaufils, dont il montre la bêtise. Finalement, c’est bien lui qui épouse. La pièce a bénéficié d’une interprétation remarquable, l’acteur qui jouait Beaufils ayant beaucoup « contribué au succès de l’ouvrage ». Le nom de l’auteur est donné sans commentaire.]

Théâtre de l’Impératrice.

M. Beaufils, ou la Conversation faite d avance.

Cette comédie avoit contr’elle un parti d’ennemis qui ont commencé les hostilités dès la première scène. Un sifflet maladroit est venu étourdiment se mêler aux applaudissemens, et à l’instant, ces derniers se sont multipliés au point de réduire pour quelque tems l’indiscret au silence. Bientôt l'intrigue s’est développée, les scènes ont amené des mots piquants, des saillies aimables, de vives réparties; les situations ont excité de longs éclats de rire, mais cette gaîté du public étoit toujours troublée par deux ou trois sifflets obstinés, qui s’étoient joints au premier, et qui n’ont voulu cesser leur bruit aigu qu’au moment où le rideau est tombé. L’auteur de M. Beaufils doit-il regarder ces attaques obscures comme un échec ? Non sans doute ; son ouvrage est une folie sans prétention, une mystification bien gaie, bien bouffonne ; elle est d’un homme d’esprit, que doivent rassurer les applaudissemens de la grande majorité des spectateurs. Le trait qu’il a mis en scène est attribué à Champfort, Cet auteur figure ici sous le nom de Folleville. Il est jeune, il a des créanciers, il file une intrigue avec une coquette, et il fait des comédies, trois grands torts que ne peuvent lui pardonner M. et Mad. Vertsec sou oncle et sa tante, et Sophie leur nièce. Cette jeune personne lui a été promise, mais il ne s’est pas corrigé ; Il vient de faire encore pour mille écus de dettes ; on a surpris une lettre de la coquette, et on sait qu’il a donné une nouvelle comédie à un des théâtres de la capitale. Tout bien pesé, on lui donne s»n congé, et on se décide à marier Sophie à M. Beaufils, bourgeois de Beaugency, que l’on attend dans a soirée. Folleville est embarrassé , mais son esprit fertile en expédiens, lui offre une idée lumineuse.

Beaufils arrive ; c’est un homme à prétentions, c’est le coq de Beaugency ; dans son endroit, on ne l’appelle que le beau séducteur : ce qui rappelle le Lovelace de Villeneuve-sur-Yonne dans le Collatéral. Beaufils joint à ces avantages celui d’être riche, et il désireroit avoir quelque leçon du bon ton qui pût lui donner une certaine réputation d’esprit. Folleville qui a besoin d’argent, demande à lui en emprunter ; Beaufils lui promet deux mille écus, et va les lui chercher. Mais le jeune homme n’a aucune hypotheque à lui offrir, et le Provincial veut un effet. Folleville lui présente sa comédie, et finit par lui en abandonner la propriété, le revenu et l’entrée au spectacle. Il fait plus, il le style aux formes du beau monde, lui apprend à parler de tout à tort et à travers ; et pour lui inculquer mieux ses leçons, il lui donne une conversation écrite que Beaufils se promet bien d’apprendre. Tous deux ainsi contents de leur lot, vont, l’un payer ses dettes, l’autre apprendre son thème de conversation. Ce dernier revient ensuite, et se présente à M. et à Mad. de Vertsec. Sophie est avec eux ; on s’assied, on fait quelques questions à Beaufils, qui ne sait que répondre, et qui ramène la conversation au point où il la désire. C’est alors qu’il récite sa leçon, se trompe quelquefois ; mais sans s’arrêter, parle de manière que M. de Vertsec se lève impatienté de tant de sottises. Cependant un notaire arrive ; Mad. de Vertsec s’empresse de faire dresser le contrat ; tuais Folleville survient, montre les quittances de ses créanciers, se justifie sous le rapport de mauvaise con duite, et prouve, d’après l’aveu de Beaufils, qu’il n’est plus l’auteur de la comédie qu’on lui attribuoit. Il a sa grâce, et obtient la main de sa cousine.

Cette pièce est fort bien jouée par MM. Picard frères, Barbier, et par Mesd. Légé et Adeline Clozel offre une caricature très-plaisante dans le rôle de Beaufils , et il n’a pas peu contribué au succès de l’ouvrage. L’auteur est M. Jouy.

Gazette littéraire, octobre 1806, p. XX :

[L’auteur de l’article ne laisse pas planer de doute : la pièce n’a pas réussi par son mérite, mais par le recours à de vieilles plaisanteries, et à une cabale favorable supérieure à la cabale dénigreuse. Il lui suffit d’expliquer le titre, avant toutefois de reconnaître un élément en faveur de la pièce, la cession d’une pièce en échange d’une somme d’argent qui permet au rival de M. Beaufils de lui prendre sa fiancée...]

Théâtre de l'Impératrice.

M. Beaufils, ou la Conversation faite d'avance, comédie en un acte, en prose , de M. Jouy.

Quelques bonnes plaisanteries mêlées à d'autres qui ne sont ni des plus neuves ni du meilleur goût, et les applaudissemens de quelques amis très-zélés, ont fait triompher cet ouvrage d'une cabale très-maladroite et la maintiennent encore au théâtre, malgré le peu d'intérêt d'une intrigue pleine d'invraisemblance. Il seroit inutile de l'analiser : nous en expliquerons seulement le titre, en disant que M. Beaufils, jeune provincial très-ignorant et très-fat se flatte de réussir dans le monde et d'y passer pour un bel esprit, au moyen d'une ou deux tirades et de quelques traits qu'on lui fait apprendre d'avance pour les placer dans la conversation. Il y a cependant une idée heureuse dans cet ouvrage, et il est juste d'en tenir compte à l'auteur. Folleville ne peut épouser la belle qu'il aime qu'en prouvant à ses parens qu'il n'est pas l'auteur d'une pièce en répétition qu'on lui attribue et en payant ses créanciers. Il vient à bout de l'un et de l'autre en cédant sa comédie à M. Beaufils son rival, qui, de son côté, ne croit pas acheter trop cher la réputation d'auteur dramatique, en prêtant à Folleville les deux mille écus dont il a besoin.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1806, p. 279-282 :

[Pour présenter la pièce, le critique nous instruit d’une curieuse habitude, de préparer des conversations pour améliorer la capacité des gens à débattre. C’est à peu près ce que montre la pièce, sauf que, contrairement à ce que le titre lui faisait attendre, le critique note qu’il y a ici un sot à qui on réussit à vendre des éléments de conversation destinés à éblouir la famille de sa future : « sa situation est plaisante, mais celle que nous supposions disposée par l'auteur, nous semblait comique » (il est donc un peu déçu !). Il déplore aussi que l’acteur (ou l’auteur) ait poussé le personnage jusqu’à la caricature, ce qui le fait sortir « du ton de la comédie », et aussi de la vérité. Si la pièce a fait rire, la représentation a été perturbée par un siffleur, qui n’a guère réussi qu’« à ranger le public du parti de l'auteur » et à faire demander son nom, qui est un auteur déjà connu.]

THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.

M. Beaufils, ou la Conversation préparée.

On prétend que pour perfectionner l'art de la conversation, la rendre plus piquante, plus instructive et plus facile dans les occasions brillantes, quelques beaux-esprits ont parmi nous l'habitude de sa préparer entr'eux par des espèces de répétitions. Là, dit-on, le sujet d'ouverture est arrêté, la transition à un autre sujet convenue, les demandes et les réponses sont concertées : là les rôles se distribuent ; les anecdotes, les traits, les jeux de mots, les calembourgs sont partagés entre kes auteurs. Tel est aujourd’hui le parleur éblouissant, l’homme au feu d'artifice (ce sont les termes de l'art), qui demain sera réduit au métier de compère. Dans ces conférences préparatoires, chaque impromptu est médité, chaque saillie rédigée, chaque bon-mot préparé, et ensuite l'on confie à la mémoire tout ce qu'on doit improviser. Ce procédé n'est point à mépriser. Il suffit ainsi pour avoir de l'esprit tous les jours, d'en avoir eu une fois, ou d'avoir des amis qui consentent à cet égard à se mettre avec vous en association d'amabilité et de succès.

Ce sont ces spirituels ridicules qu'a voulu jouer l'auteur de la pièce nouvelle donnée au théâtre Louvois, sous le titre de M. Beaufils, ou la Conversation préparée. Ce petit ouvrage paraît donné sans prétention ; c'est une esquisse légère dont le dialogue étincelle de traits piquans, de saillies, d'épigrammes, d'allusions à certaines circonstances, d'esprit, et de malignité : le sujet était neuf et heureux ; l’auteur s'est peut être trop reposé sur les avantages qu'il lui donnait ; il pouvait le traiter non pas avec plus d'esprit, mais d'une manière plus comique.

Le titre nous semblait annoncer une conversation préparée par deux beaux-esprits jaloux de briller dans une soirée ; et leur situation devait être comique, si un tiers eût pris à tâche de les dérouter, de rompre leur concert, et de faire rire à leurs dépens une assemblée prévenue de cette scène mais dans la pièce nouvelle, un M. Beaufils qui s'annonce comme ayant à Beaugency l'emploi de séducteur principal, vient à Paris, y trouve un bel-esprit tant soit peu aigrefin, qui lut vend au prix et pour la somme de six mille livres, payées en or, une conversation et une pièce de théâtre reçue. Ici le titre a quelque chose de faux, car Beaufils n'achète point une conversation, mais quelques moyens pour en soutenir une, tels qu'une formule sûre et tranchante pour juger sans appel les pièces et les acteurs, une tirade sur les femmes, une autre sur les parvenus, etc., etc., etc.

Beaufils, en présence des parens de sa future, cherche à placer ces tirades ; sa situation est plaisante, mais celle que nous supposions disposée par l'auteur, nous semblait comique.

Nous ajouterons que par la faute, soit de l'auteur, soit de l'acteur chargé du rôle de Beaufils, ce personnage dégénère tout-à-fait en caricature, et sort du ton de la comédie; il n'est pas dessiné d'ailleurs d'une manière vraie. Pour sentir le prix de l'esprit, pour désirer en montrer beaucoup et pour l'acheter si cher, il faut en avoir un peu : or, Beaufils en paraît dépourvu sans ressource. L'auteur s'était proposé sans doute d'en faire un sot, mais il n'y a pas tout-à-fait réussi ; de bonne-foi, ce Beaufils ne mérite tout juste que le nom que Piron donnait à son frère.

Cette petite pièce au surplus a beaucoup fait rire ; elle a essuyé quelques attaques obstinées ; certains siffleurs cachés dans l'ombre l'ont vivement harcelée, et leur injustice n'a pas peu contribué, dans le cours de la représentation, à ranger le public du parti de l'auteur, à faire demander et prononcer son nom. Cet auteur est M. Jouy, déjà connu par des productions légères et spirituelles, notamment par la part qu'il a eue à l'une des plus jolies parodies qui aient été faites, celle de Misanthropie et Repentir, intitulée : Comment faire ?

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des arts et des arts, année 1806, tome VI, p. 180 :

[Le succès de la pièce, qui est digne du Théâtre Montansier (alors qu’elle est jouée au Théâtre de l’Impératrice ! Ce n’est pas flatteur !) repose sur des détails agréables et sur sa gaieté. L’analyse est plutôt critique : l’intrigue n’a guère d’intérêt.]

Théâtre De l'Impératrice.

M. Beaufils, ou la Conversation faite d'avance.

Folie digne du théâtre Montansier, qui s'est soutenue, grâce à quelques détails agréables et surtout par sa gaieté. M. Beaufils est une espèce de Danière auquel on donne quatre ou cinq mots qui suffisent, lui dit-on, pour répondre à tout ce qu'on dit dans les sociétés. Il les place à contresens, et donne par là une fort mince idée de son mérite et de son jugement. Il ne falloit pas de grands efforts pour éconduire M. Beaufils ; aussi son rival, qui lui a joué lui-même ce tour, est-il préféré.

Cette pièce est de M. Joui.

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