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Monsieur de la Giraudière ou Masques contre masques

M. de la Giraudière ou Masques contre masques, comédie en deux actes et en prose, par M. *** ; 28 janvier 1813.

Théâtre de l'Impératrice.

L’auteur a été nommé, Antoine Brignoles. Mais il semble que ce soit un pseudonyme du chevalier Aude, auquel les divers recueils biographiques du temps attribuent la pièce.

Titre :

Monsieur de la Giraudière ou Masques contre masques

Genre

comédie

Nombre d'actes :

2

Vers ou prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

28 janvier 1813

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Antoine Brignoles (chevalier Aude)

Almanach des Muses 1814.

M. de la Giraudière, qui est mécontent de son neveu, refuse de payer ses dettes, et pour mieux se venger de lui, il forme le projet de se marier. Il s'avise, pour fixer son choix, de se présenter à un bal masqué sous des habits de femme. Son neveu, instruit de ce projet, se déguise en jeune innocente, et parvient à séduire son oncle ; il lui promet sa main, à condition qu'il paiera les dettes de son neveu. M. de la Giraudière y consent ; il signe, les masques tombent ; on se reconnaît, et tout se pardonne en faveur du carnaval.

Un peu plus que de la gaîté ; peu de succès.

Esprit des journaux, français et étrangers, volume II, février 1813, p. 293-296 :

[Le critique s’en prend vigoureusement à la pièce nouvelle, une « pièce de carnaval », une « parade ». Son point de vue est qu’il faut, même dans ces formes mineures, garder une certaine dignité, et ne pas se laisser aller au-delà des limites du bon goût et du bon sens. La pièce a été mal reçue ; elle n’est allée à la fin que grâce à des costumes bizarres qui ont éveilléla curiosité du public. Elle n’est pas vraiment unepièce : ni plan, ni intrigue, une histoire peu morale, d’un homme dont on ne sait pas ce qu’il est, qui a promis d'épouser sa gouvernante, promesse qu’il se garde bien de tenir. Pourvu d’un neveu qui a fait des dettes qu’il refuse bien sûr d’honorer, il décide de donner un bal costumé au cours duquel il choisira celle qui sera sa femme. Le neveu y participe déguisé en femme, et séduit son oncle, lui-même en costume féminin. Conclusion : l’oncle paie les dettes et épouse sa gouvernante. Me jugement porté par le critique est clair : « rien de comique », sauf le costume féminin porté par l’acteur principal, « avec sa rotondité, vêtu comme une femme, les bras, les épaules et la poitrine nues ». Sur la scène, rien moins que quatre hommes déguisés en femmes et faisant « mille grimaces ». Mais cela ne devrait pas suffire pour attirer, même avec « billets gratis » un public à « cette farce dégoûtante ». L’auteur a été nommé, ce qui est présenté] comme un malheur.]

M. de la Giraudière.

Il faut un peu de bon sens, même dans la parade ; il ne suffit pas de déraisonner pour faire rire, et le spectateur le mieux disposé se sent refroidir malgré lui quand, au lieu des agréables folies qu'on lui avait promises, il ne trouve que de plates bouffonneries, sans sel, sans gaîté et sur-tout sans esprit. L'administration de l'Odéon en agit avec le public comme on le fait avec ces gourmands dont le goût est blasé, et dont on ne peut réveiller l'appétit qu'avec des ragoûts fortement épicés. Sans doute les bons habitans du faubourg Saint-Germain sont rassasiés de comédie, car on ne leur en sert plus. Les a-t-on attendris avec des drames bien lugubres, une farce ignoble vient sécher leurs larmes. On dit que parmi ces habitués, quelques - uns entrent gratis. Je n'en sais rien.Quoi qu'il en soit, on fait fort bien de ménager de pareils spectateurs. Il serait impossible de les remplacer, et de trouver des gens aussi dociles et aussi prompts à recevoir toutes les impressions qu'on veut leur donner.

La pièce nouvelle était annoncée comme une pièce de carnaval ; les habitués savaient d'avance qu'ils devaient rire. Cependant, malgré leur docilité et leur complaisance habituelles , M. de la Giraudière n'aurait probablement pas été écouté jusqu'à la fin sans le costume bizarre des acteurs. C'est à-peu-près là tout le comique que l'auteur a mis dans sa pièce. Le tailleur doit donc partager avec lui les honneurs du succès.

Il n'y a ni plan, ni intrigue dans la pièce. On ne sait ce que c'est qu'un M. de la Giraudière, vieux fou qui vit d'une manière très-suspecte avec sa gouvernante, à laquelle il a fait une promesse de mariage qu'il ne se soucie point de tenir. Ce libertin suranné a un neveu nommé Jolibois, qui se croit un prodige, parce qu'il a appris à lire à Soissons, étudié la géographie à Gisors, et l'orthographe à Melun. Aussi a-t-il quitté son collége, attendu qu'il lui paraît fort inutile de savoir le latin ; car personne, dit il, ne parle latin en société. Ce qui vaut beaucoup mieux, selon lui et selon quelques autres peut-être, c'est de suivre exactement les modes et d'être toujours bien mis. Mais pour cela il faut de l'argent, et Jolibois n'en a point. Il doit 1300 fr. à son tailleur ; M. de la Giraudière. refuse d'acquitter le mémoire, quoique le tailleur l'en prie instamment.

Cependant l'oncle veut donner un bal, et comme le prince Mirliflor, il annonce, par ses billets d'invitation, que celle qui saura toucher son cœur pendant la fête, sera son épouse. Tout le monde doit être déguisé dans la maison. Le frotteur en Hercule, la servante en berger et la gouvernante en Calypso. Lui-même s'habille en femme pour mieux examiner les prétendantes. Jolibois arrive, son tailleur le poursuit, et jure de ne point désemparer qu'il ne soit payé. Il a amené avec lui son frère, soldat gascon, que Perroud représente au naturel. Jolibois est fort embarrassé pour se tirer d'affaire. La gouvernante imagine un moyen qui doit servir sa vengeance en faisant avorter les projets d'infidélité de M. de la Giraudière. Elle fait habiller le neveu en nymphe ; sous ce déguisement, il se présente à son oncle comme une jeune fille à marier. Le tailleur et son frère, sous des habits de femme, lui servent de mère et de tante. Ce qu'on avait prévu ne manque pas d'arriver : M. de la Giraudière devient amoureux de la nymphe Eucharis-Jolibois, et quand celle-ci est parvenue à faire signer le compte du tailleur, tout se découvre. M. de la Giraudière est d'abord furieux, il s'appaise, il pardonne, et finit par épouser sa vieille gouvernante, sans doute pour faire pénitence de ses folies.

Cet amas d'extravagances n'a rien de comique. Cependant on a ri en voyant Chazel avec sa rotondité, vêtu comme une femme, les bras, les épaules et la poitrine nues ; mais malgré le spectacle étrange de quatre hommes habillés en femmes, et qui font sur la scène mille grimaces ridicules, je doute que l'attrait des billets gratis suffise pour amener des spectateurs à cette farce dégoûtante. La pièce est de M. Antoine Brignoles, qui a eu le malheur d'être nommé.

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