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Mathilde (Dégotty)

Mathilde, drame en trois actes, en prose, par mademoiselle Dégotty ; 9 septembre 1814.

Théâtre de l'Odéon

Titre :

Mathilde

Genre

drame

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

9 septembre 1814

Théâtre :

Théâtre de l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

mademoiselle Dégotty

Almanach des Muses 1815.

Fond tiré d'un roman très-connu de Mme Cottin. Premier ouvrage d'une demoiselle. Le public et les journalistes ne pouvaient se permettre d'être sévères : c'est le cas de suivre leur exemple.

Journal des sciences, des arts et de la littérature, septième volume (1814), n° 318 (Cinquième année, 10 septembre 1814, p. 333-334 :

[Un drame en prose, un drame qui est « une véritable tragédie en prose (le critique nous rappelle ce qui constitue une tragédie, personnages illustres, pompe des propos, ici, des injures, combats en coulisse, mort du héros sur scène), c’est une innovation, mais l’échec de cet essai devrait refroidir l’enthousiasme des auteurs. La pièce reprend un roman de Madame Cottin, qu’il était difficile d’adapter au théâtre. Le critique se dispense de raconter l’intrigue. Il se contente d’énumérer les insuffisances qu’il a relevées : premier acte sans intérêt (mais le public l’a supporté parce que l’auteur est une femme...), « des entrées et sorties sans motifs », « des prières sans fin de la pauvre Mathilde », le personnage du roi, inconsistant, un style à la fois faible et d’une emphase ridicule : tout cela a fini par irriter le public. L’auteur a été nommée dans le chahut. Deux des acteurs sont signalés pour avoir fait beaucoup rire (dans un drame, hélas pour eux).]

Première représentation de Mathilde, drame en trois actes, en prose , de Mlle. Dégotty.

« J’apprends, disait Voltaire, dans une épître publiée en 1764,

Qu’aujourd’hui Melpomène propose
D’abaisser son cothurne, et de pleurer en prose. »

Ce projet, ajourné à cette époque, a été mis hier à exécution dans la salle de l'Odéon ; mais cette innovation a été si mal reçue, qu’il est très-probable que Melpomène ne se hasardera plus à passer les ponts, et voudra bien se borner à pleurer en vers.

C’est, en effet, une véritable tragédie, que le drame de Mathilde. On y voit des rois, des princesses, des ambassadeurs, des ministres ; on s’y injurie avec pompe, on combat... dans les coulisses, et le héros

Vient, en se confessant, mourir sur le théâtre.

Cette réunion de beautés tragiques n’a pu séduire le parterre, et quand Mathilde est tombée sur le corps inanimé de son Amalasis, son arrêt était déjà prononcé ; tout porte à croire qu’elle ne s’en relevera pas.

Le roman si connu de Mme. Cottin, a fourni les principales situations de ce drame ; mais il était difficile de les adapter plus mal à la scène. Je n’essaierai pas de suivre l’auteur dans la pénible contexture de sa pièce. Pourquoi faire partager aux lecteurs l’ennui que les spectateurs ont éprouvé ? On savait que l‘ouvrage sortait d’une main féminine, et la galanterie française avait bien pu contenir le mécontentement général pendant un premier acte sans intérêt. Mais la succession continuelle des entrées et des sorties sans motifs, les prières sans fin de la pauvre Mathilde (j’en ai compté au moins douze, et l'on n'en place guère que six dans un mélodrame), le role insignifiant du roi son frère, qui menace pendant toute la pièce et ne sait se faire obéir de personne ; enfin, la faiblesse ou l’emphase ridicule du style, ont triomphé de l'indulgence que devaient inspirer le sexe de l’auteur ; et quand Amalasis expirant a fait sa profession de foi, un tumulte, dont les voûtes de l’Odéon sont peu accoutumêes à retentir, a prouvé que le public était loin de vouloir contribuer au salut de l'amant de Mathilde.

Thénard qui jouait ce rôle, n’en est pas moins ressuscité quelques minutes après la chùte du rideau, pour venir intrépidement livrer aux sifflets le nom de Mlle. Dégotty, dont il a ajouté que c'était le premier ouvrage.

Dugrand et Mlle. Roy, dans les rôles du roi et de la reine d’Angleterre, ont beaucoup égayé la représentation de ce drame lugubre. Si les autres acteurs avaient été à l'unisson, on aurait plus ri à cette tragédie en prose qu’à vingt comédies de l’Odéon.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, septembre 1814, p. 262-264 :

[La nouvelle pièce était donnée au bénéfice de Mlle Desbordes, une actrice faite pour jouer le drame. Et cette pièce était toute féminine, héroïne, auteur, inspiratrice, bénéficiaire : tout devait inspirer l’indulgence au public. Mais ces bonnes dispositions n’ont pas duré bien longtemps. La pièce est inspirée d’un roman qu’elle suit fidèlement (« les changemens les plus importans » sont des changements de noms). L’analyse du sujet montre une intrigue se déroulant dans le monde des croisés, où la question religieuse est manifestement essentielle (l’héroïne, chrétienne, aime un musulman qui a promis de se convertir, mais tout ne se passe pas comme les deux jeunes gens le voudraient). La pièce finit bien de façon tragique. Le jugement porté sur la pièce souligne que « plusieurs scènes de ce drame sont écrites avec sensibilité », mais que le langage employé a « une teinte mystique peu convenable au théâtre ». Trop de prières et de génuflexions, des situations qui se répètent, et un acteur ridicule dans le rôle de Richard Cœur-de-Lion (on lui reproche ses gestes, ses trous de mémoire, son accent méridional) : voilà ce qui a nui au succès, mais la pièce a été à sa fin, et l’auteur a été nommé.]

Matilde, drame en trois actes et en prose.

Mlle. Desbordes cédait à son goût et à l'impulsion de son talent, en prenant pour la représentation à son bénéfice la primeur d'un drame, où elle devait jouer le principal rôle. Elle se lançait dans son élément.

Le célèbre Sacchini disait d'un chanteur que nous possédons encore, et auquel le dieu du chant semble avoir révélé tous ses secrets : « Il est la musique. » On peut dire aussi de Mlle. Desbordes : « Elle ne joue pas le drame, elle est le drame. »

Les spectateurs avaient été attirés en assez grand nombre, autant par la curiosité que par la galanterie ; tout était féminin dans cette nouveauté : une pièce dont une femme est l'héroïne, composée par une femme, tirée d'un roman écrit par une femme, et jouée au bénéfice d'une femme... pourquoi suis-je obligé de publier que cette galanterie n'a pas tardé à se démentir ?

Ce drame est extrait du roman de Mme. Cottin ; l'auteur s'est borné à en rapprocher les événemens. Les changemens les plus importans sont ceux du nom de Maleck Adhel en celui d’Analazis, et du personnage de Guillaume, archevêque de Tyr, en celui d'Enguerrand, comte de Poitiers, brave et pieux chevalier, à qui la mère de Mathilde a confié en mourant le soin de diriger la jeunesse de sa fille.

Mathilde a été promise à Lusignan, dernier roi de Jérusalem, par Richard Cœur-de-Lion, son frère, roi d'Angleterre ; mais elle aime Amalazis, et dans un danger imminent dont il l'a sauvée au milieu du désert, il a promis à son amante d'embrasser la foi chrétienne, et Mathilde, à cette condition, a juré d'être son épouse.

Instruit de l'amour de son frère, le sultan Saladin propose, par ses ambassadeurs, à Richard d'accorder la paix aux chrétiens et de céder à Amalazis le trône de Jérusalem s'il devient l'époux de Mathide, Amalazis, déguisé en soldat, est surpris auprès de son amante ; il se fait connaître à Lusignan, et les rivaux conviennent de se battre à outrance dans le bois voisin des remparts.

Malgré la résistance de Richard, le conseil accepte les offres du sultan, sous la condition qu'Amalazis abjurera l'islamisme : il s'y refuse. Une bataille décisive est livrée, et les chrétiens sont défaits.

Les amans se revoient ; Lusignan rejoint son rival ; ils se défient et volent au combat ; Amalazis, blessé à mort, tombe victime d'une lâche trahison, et revient expirer auprès de Mathilde, abjurant la loi de Mahomet, et béni par le vénérable Enguerrand.

Plusieurs scènes de ce drame sont écrites avec sensibilité, mais le style en général a une teinte mystique peu convenable au théâtre. Le public a trouvé trop fréquentes les pieuses oraisons et les génuflexions religieuses. Ce. défaut et la répétition un peu monotone des mêmes situations ont moins nui au succès de la pièce, que la manière ridicule dont le rôle de Richard Cœur-de-Lion a été joué par l'acteur Dugrand.

Ses gestes gauches, sa mémoire infidèle, et son accent tolérable à peine sur les bords du Var, tout a contribué à faire une caricature du bouillant et terrible Richard. L'effet que son rôle a produit était bien différent sans doute de celui qu'en espérait l'auteur, qu'il serait très-juste, au surplus, de rendre responsable des fautes d'un comédien.

A travers quelques marques de défaveur balancées par des applaudissemens, le drame est arrivé à la fin. On a demandé l'auteur, et Thénard, qui avait joué avec beaucoup de chaleur et d'énergie le rôle d'Amalazis, est ressuscité pour venir annoncer que Mathilde était le premier ouvrage de Mlle. Degotty.              A. MARTAINVILLE.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année (1814), p. 414 :

[Sans entrer dans le vif du sujet, le critique dresse un constat d’échec.]

Théâtre de l’Odéon.

Mathilde, drame en trois actes.

Mathilde, si intéressante dans le Roman de Madame Cottin, a beaucoup perdu en paroissant sur le théâtre. On ne peut pas, dans un ouvrage dramatique, se livrer à tous les développemens que permet le Roman ; les incidens plus rapprochés se nuisent les uns aux autres. La pièce n’a pas eu de succès. Elle est d’une Dame, et, à ce titre, elle méritoit peut-être d’être traitée avec plus d’indulgence.

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