L'ombre de Jean-Jacques Rousseau, comédie en un acte & en vers ; par Desriaux, jouée en 1793.
Théâtre des Variétés Amusantes.
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Titre :
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Ombre de Jean-Jacques Rousseau (l’)
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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1797 ? 1793 ?
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Théâtre :
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Théâtre des Variétés Amusantes
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Auteur(s) des paroles :
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Dériaux
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L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 12 (décembre 1793), p. 339-343 :
[La pièce commence comme une comédie épisodique (une succession de personnages venus consulter Rousseau), et finit comme un apothéose de Rousseau. Elle est tout entière à la gloire de Jean-Jacques, qui résout tous les problèmes de ceux qui le consultent, et qui apparaît à la fin comme le garant de la liberté. Le compte rendu raconte l’intrigue, avec un certain recul : surprise devant la transformation de Rousseau en philosophe cynique, devant la médiocrité des propos qui lui sont prêtés (il ne fait qu’y répéter, plutôt mal, les propos développés dans ses œuvres), devant la disparition de Rouseau une fois qu’il a réconcilié les amants, devant l’apparition de la liberté. La suite critique la pièce, d’abord sur le fond : il ne sert à rien à recourir à de supposés miracles pour faire aimer la liberté aux Français, et le « message » de Desriaux n’est pas des plus clair. Critique aussi sur la forme : il est si négligé qu’on ne sait pas si la pièce est en vers ou en prose. Critique en fin sur la nouveauté d’un sujet « qui est un de ces sujets qui font le tour du monde, comme le dit Voltaire, depuis huit jours après le déluge ». L’auteur a été nommé et a paru, mais cela ne semble guère convaincre le critique de l’excellence de la pièce...]
L'ombre de Jean-Jacques Rousseau, comédie en un acte & en vers ; par Dériaux.
L'Ombre de Jean-Jacques Rousseau a résolu de s'amuser aux dépens des foibles mortels, & c'est non-seulement pour qu'ils ne se connoissent pas en venant le consulter, mais encore qu'ils le prennent pour un autre, qu'il paroît sous la figure de Diogene. Il faut convenir que Jean-Jacques est bien déguisé ; car, comme tout le monde le sait, jamais personne moins que lui ne ressembla au philosophe cynique.
Voilà donc Jean-Jacques Rousseau avec cette figure, établi philosophe consultant. Un homme fort avancé en âge, & grand amateur des enterremens pompeux, se présente. Qui le croit ? Il languit de mourir ; ce qui, par parenthese, n'est pas très-naturel dans les vieillards ; mais il veut préalablement accaparer tout l'argent de ses enfans, pour que son enterrement soit plus beau, & que toutes les cloches y sonnent. Jean-Jacques, bien loin de rire au nez de cet imbécile, & de le renvoyer aux petites maisons, lui fait très-sérieusement la réprimande, & un discours dans lequel se trouve délayée la pensée de Boileau, qui, plus concis & plus plaisant que le philosophe de Geneve, nous a dit en un seul vers , que les cloches pour honorer les morts font mourir les vivans.
Après ce grand amateur du bruit, un amant désolé se présente. Abandonné de sa maîtresse, parce qu'il vient de perdre un procès qui l'a ruiné, ce malheureux veut absolument mourir, & sans un portier, il se seroit déjà précipité du haut en bas du clocher. Vraisemblablement il ne s'est pas jetté dans la riviere, où il auroit trouvé un champ plus libre à son désespoir, parce qu'il ne sait pas nager. Jean-Jacques ne manque pas une si belle occasion de faire un discours sur le suicide, & ce n'est pas sa faute si les lettres qui traitent du même sujet dans la nouvelle Héloïse, valent mieux que cette dissertation qu'il conclut, en invitant le jeune homme à aller se consoler dans la vallée d'Emile, ci-devant de Montmorenci, auprès de la tombe de Jean-Jacques.
La troisieme visite que reçoit notre philosophe, est celle de deux époux en dispute. La femme veut allaiter son enfant; le mari, qui est un petit-maître, ne le veut pas. Rousseau, comme cela va sans dire, se répete encore lui-même à ce sujet, & donne gain de cause à la bonne mere, qui se retire avec son époux.
Un financier qui se fait porter dans un fauteuil par deux domestiques, est la quatrieme, & heureusement la derniere personne qui vient voir le Diogene travesti. Ce sybarite ne trouve rien de plus agréable que de s'engraisser aux dépens du peuple ; & malgré tout ce que peut lui dire l'ombre de Jean-Jacques, il soutient que sa maniere de vivre est fort bonne, & promet de ne la pas changer. Pour prouver même au philosophe qu'il a raison, il veut l'emmener chez lui, &, comme on s'y attend bien, il est rembarré d'importance, & obligé de partir seul.
Rousseau rit de bon cœur de tout ce qu'il vient de voir & d'entendre, & il veut ensuite aller trouver le jeune homme qu'il a envoyé à Ermenonville, ce qu'il fait au moyen d'un changement de théatre. On voit alors cet extravagant, auprès du tombeau de Jean-Jacques, au moment de se percer le cœur en présence de sa maîtresse. Par bonheur, le coup de sifflet qui fait lever la toile du fond, & Diogene-Rousseau, arrivent assez à tems pour empêcher le fer de devenir homicide, & bien en prend à l'amant & à la maîtresse, puisque notre philosophe parvient à les rapatrier, & qui pis est, à les unir; après quoi, il..... disparoît.
Aussi-tôt une foule de personnages, parmi lesquels se trouvent aussi un enfant, & les époux qui étoient venus consulter Diogene, arrivent à la file, ou, si l'on aime mieux, en procession. On répand des fleurs sur la tombe de Jean-Jacques. Mais voici une chose à laquelle on ne s'attend guere : le tombeau s'ouvre, & montre à nos yeux étonnés, la nouvelle divinité des François, la liberté, qui prononce un discours relatif aux circonstances, & infiniment louable, à cause des motifs qui y sont développés. Après avoir dit, la liberté imite Jean-Jacques en disparoissant, elle laisse son bonnet à sa place. La piece finit par l'éloge du philosophe & de la liberté, proféré par tous les personnages, avec le plus saint enthousiasme : éloge qui, par parenthese, est ce que l'auteur a fait de plus à propos.
Mais pourquoi lui a-t-il fallu, pour l’amener, cinq à six miracles ? Est-ce qu'il supposeroit que les François ont besoin aujourd'hui de prodiges, pour leur faire aimer l'humanité & la liberté, ou pour les leur présenter d'une maniere capable de les émouvoir ? Non, sans doute, il ne le pense pas ; & si M. Dériaux a fait paroître ici la liberté comme par miracle, c'est qu'il ne s'est pas souvenu qu'il n'est pas un seul lieu en France où elle ne soit présente maintenant. Disons mieux, c'est peut-être parce qu'il a supposé que la liberté doit actuellement se trouver par-tout, que l'auteur l'a fait sortir du tombeau de Jean-Jacques.
Le style de cette piece est extrêmement négligé ; aussi se demande-t-on si elle est en vers ou en prose : on étoit d'autant plus fondé à faire une pareille question, que l'on avoit entendu un acteur dire : Ce tombeau où ; ce qui ne peut guere entrer dans un vers. Or, soit que les hiatus ou les incorrections vinssent de l'auteur ou de l'acteur, la question n'étoit pas déplacée. Quant au fond de la piece, on voit assez ce qu'il est, sans que nous ayons besoin de faire remarquer par où il peche ; & quand nous ajouterions que c'est un de ces sujets qui font le tour du monde, comme le dit Voltaire, depuis huit jours après le déluge, nous ne dirions nous-mêmes rien de nouveau. A la fin de la représentation , on demanda l'auteur, qui parut.
César : la pièce a été publiée en 1787. A-t-elle été représentée à cette date ? Elle est de Philippe Desriaux. César cite 8 représentations : 6 en 1794, du 28 janvier au 27 décembre, 1 en 1795 (le 29 décembre) et 1 en 1796 (le 20 janvier). Il ignore donc la représentation dont il est ici question.
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