Le Procès du fandango ou la Fandangomanie

Le Procès du fandango ou la Fandangomanie, vaudeville en un acte, de Barré, Radet et Desfontaines, 8 mai 1809.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Procès du fandango (le) ou la Fandangomanie

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en vers, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

8 mai 1809

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Radet et Desfontaines

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1809 

Le Procès du fandango, ou la Fandangomanie, comédie-vaudeville, en un acte ; Par MM. Barré, Radet et Desfontaines. Représenté pour la première fois au Théâtre du Vaudeville, le 8 mai 1809.

Journal de Paris du 9 mai 1809, p. 957-958 :

[Pour parler de cette pièce, qui « a complètement réussi », il faut d'abord définir le fandango, puis transporter le lecteur au Pays Basque. On peut ensuite résumer l'intrigue, centrée sur les ravages que le professeur de fandango fait auprès des dames. Il séduit en particulier une jeune dame du lieu (provençale ?) avec qui il danse tout le jour. Les hommes décident de faire un procès à cette danse jugée licencieuse, et c'est à un procès ridicule qu'on assiste : tout le monde se met à danser, et le fandango est innocenté, tandis que le beau danseur épouse sa belle danseuse. Le critique ironise sur la prétention de la pièce à être un « fait historique », mais il insiste aussi sur les mérites de la pièce : si elle pourrait être plus rapide et contenir moins de plaisanteries usées, elle fait rire par des situations grotesques (les juges dansant sur le tribunal). « Folie de carnaval » (la formule lui convient mieux que « fait historique... »),elle est un mélange heureux de bon esprit et de grosse gaieté. Les interprètes sont inégaux : si les acteurs ont bien tenu leur rôle (en particulier celui qui joue le professeur de fandango), l'actrice qui joue la jeune provençale doit apprendre à contrôler sa voix et son débit. L'article s'achève sur le nom des trois auteurs.]

Théâtre du Vaudeville.

Le Procès du Fandango, fait historique en un acte.

Cette pièce a complètement réussi.

Le Fandango est une danse qui nous vient d'Espagne, & qui plaît beaucoup, dit-on, à nos Françaises.

La scène se gaffe à S. Jean de Lux, dans le pays des Basques. Un jeune maître de danse nommé Gavottino, y est arrivé depuis peu, précédé d'une grand- réputation. Toutes les femmes sont folles de son fandango ; tous les maris en prennent de l'ombrage.

Une jeune Provençale, M.me Folignac, nièce d'un président au tribunal de 1.re instance, & promise en mariage à M. Clopino, ancien juge du grenier à sel, s'est tellement éprise du Vestris espagnol, qu'elle danse tout le jour avec lui sans se lasser, & même sans craindre de le lasser. De son côté l'ardent & infatigable Gavottino prend tant de plaisir à montrer le fandango à cette belle Provençale, qu'à la fin de chaque exercice, il lui reste toujours assez de force pour faire encore deux entrechats.

Les succès de cet Espagnol soulèvent contre lui toute la confrérie des maris ; on le dénonce comme un séducteur qui enfreigne aux femmes, une danse licencieuse. Clopino, qui le déteste, doit porter la parole contre lui ; l'avocat Poupardin se charge de le défendre.

La cause se plaide ; Clopino commence 1'attaque ; il est vingt fois interrompu parles femmes & les filles qui se trouvent à l’audience. Poupardin répond à Clopino, & parle avec tant de chaleur, qu’il détermine le tribunal à connoître avant de juger, c’est-à-dire à faire comparoir le Fandango en personne, pour être à même de décider jusqu’à quel point il peut être pernicieux ou tolérable.

Gavottino comparoit avec M.me Folignac, & exécute avec elle cette danse si fameuse qui excite tant de rumeur dans la ville. L'air en est si gai, le pas est si vif & si entraînant, que les hussiers, le greffier, les juges, 1'auditoire finissent par danser involontairement, comme le parterre de Scarmentade. Le Fandango est absous tout d une voix, les maris se frappent le front, & Gavottino épouse la Provençale.

Ceux qui pourroient croire que le sujet. de cette pièce est un conte fait à plaisir, seroient grandement dans l’erreur. Il y a fait historique sur l’affiche, & les affiches ne mentent jamais.

Un fait non moins sur, C'est qu'historique ou non, la pièce méritait de réussir. Les chicaneurs diront que l’action en est un peu lente, qu'elle contient plus d’une plaisanterie usée ; mais ils ne nieront pas du moins que la figure grotesque de Clopino, & le vertigo ces magistrats basques qui dansent sur leur tribunal, n'aient fait partir de grands éclats de rire. C'est véritablement une folie de carnaval, où une allez bonne dose d'esprit assaisonne beaucoup de grosse gaieté. — Joly est très-plaisant dans le rôle de Clopino, ainsi qu’Edouard dans celui du greffier. M.llc Rivierre n’a pas mal joué son personnage de Provençale ; elle a cependant besoin de quelques études, pour apprendre à modérer la force de sa voix dans le dialogue, & pour donner à son débit plus de grâce & de légèreté. Seveste, qui jouoit le rôle de Gavottino, a dansé le fantango comme un professeur ; il a la jambe très-agaçante, &. même s’il est permis de le dire, le pied tant soit peu libertin.

Les auteurs ont été demandés ; ce sont MM. Barré , Radet & Desfontaines.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome III, p. 159 :

[Le critique reconnaît dans la pièce « un véritable vaudeville, et se réjouit de voir le Théâtre du Vaudeville retrouver « l'esprit et la gaieté ». Il énumère tout ce qu’il a trouvé si drôle dans ce spectacle. « De très-jolis couplets et un spectacle varié » justifie d’autant plus le succès que les acteurs ont été excellents, même si on peut faire ressortir le jeu de Joli.

La date du 4 mai n'est pas exacte : la pièce a bien été jouée le 8 mai, comme le montre le Journal de Paris de ce jour, ou le Journal de l'Empire.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Le Procès du Fandango, joué le 4 mai.

Il y avoit longtemps que ce théâtre n'avoit donné un véritable vaudeville. Le succès de celui-ci prouve que l'esprit et la gaieté seront toujours de saison. On trouve comique la colère de l'avocat Clopineau, contre le Fandango, qui a rendu sa maîtresse amoureuse d'un maître à danser ; son plaidoyer, la réponse de maître Poupardin, la scène où le Fandango sommé de comparoir en personne, est dansée avec beaucoup de grâces et d'à-plomb par Mademoiselle Rivière et Seveste. Ce qu'il y a de très-drôle encore, ce sont ces pauvres maris qui viennent à l'audience entendre le plaidoyer contre le Fandango qui leur donne des craintes terribles, l'huissier qui crie toujours silence Mesdames, et la scène où M. Gavotino fait en dansant une déclaration d'amour.

De très-jolis couplets et un spectacle varié, ont complété le succès de cette folie que l'on doit à MM. Barré , Radet et Desfontaines.

On a remarqué la caricature très-originale et très-vraie de Joli qui fait rire sans charge dans le rôle de Clopineau ; il rappelle le-bon temps de Juliet. Les autres acteurs ont tous très-bien joué.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1809, p. 281-287 :

[Une petite pièce qui appelle un long compte rendu, mais c’est surtout parce qu’on y traite des questions qui ne sont pas directement lié à la pièce. Le problème est simple : la pièce représente une situation ridicule, un procès dans lequel des juges se penchent sur l’éventuelle interdiction du fandango. Sujet qui prête bien au rire, mais curieusement le critique n’a pas (beaucoup) ri lors de la représentation, au Vaudeville. Pourquoi ? L’explication est simple : parce que ce qui est risible dans un tribunal cesse de l’être au théâtre du Vaudeville, où on s’attend à des situations ridicules. Un juge danse au Vaudeville ? Cela n’a rien de surprenant, c’est s’il le fait dans un tribunal que c’est étonnant. On nous dit que cette histoire est un « fait historique », et il fallait montrer ce fait historique même. Et le critique explique très longuement que ce qui paraît drôle dans la réalité peut ne pas l’être du tout au théâtre. L’exemple choisi est celui d’une anecdote concernant Turenne que son domestique frappe par accident (le coup était destiné au garçon de cuisine) et qui, loin de s’irriter d’avoir reçu un coup, blâme l’auteur de la violence d’avoir voulu donner un pareil coup au pauvre cuisinier. Ce qui est drôle avec Turenne nous toucherait moins avec, par exemple, un fermier général. L’anecdote serait grandement affaiblie. C’est la même chose avec une scène de tribunal mise au théâtre. Si le sujet égaie les auteurs, il excite moins l’hilarité des spectateurs. Il faut pour cela ajouter beaucoup à l’anecdote. Rendre ridicule le tribunal ne suffit pas (comme le montre la scène du procès dans le Mariage de Figaro). Il aurait fallu plus d’un moment aussi drôle que la scène de danse dans le tribunal pour rendre moins ennuyeuse la pièce, et l’attente de la séance au tribunal a paru bien longue. Il y avait mieux à faire de l’anecdote. Les auteurs, nommés, ont déjà fait mieux.]

Théâtre du Vaudeville.

Procès du Fandango.

J'ai vu danser trois matelottes,
Trois jeux, deux plaisirs et six vents.

disait Panard ; et moi j'ai vu danser une audience, les juges en robe sautaient sur leur tribunal, l'huissier figurait avec le greffier, l'assistance préludait à une entrée de ballet, tandis que les avocats plaidaient en vaudeville. J'ai vu tout cela, et je n'ai pas beaucoup ri. Est-ce ma faute où celle du tribunal? Que puis-je cependant demander de mieux et de plus plaisant à un tribunal, que d'ordonner au Fandango de comparoir pour répondre aux charges portées contre lui ? Si j'avais été témoin d'un pareil procès au palais, il m'aurait fait rire ; si j'avais vu au palais les juges gravement occupés à prononcer sur un pas de danse, et se laissant insensiblement entraîner au charme du spectacle, suivre de leurs gestes et de leurs mouvemens les pas des danseurs, et juger que le Fandango doit être permis, parce qu'il leur a fait tourner la tête, certainement eussé-je vu cela il y a cinquante ans, le souvenir m'en ferait rire encore. Pourquoi donc n'ai-je pas ri au Vaudeville? C'est que c'était au Vaudeville ; qu'il ne me paraissait pas extraordinaire au Vaudeville de voir des juges chanter et danser, comme cela m'aurait paru extraordinaire au palais. Dès que je les trouve au Vaudeville, je sais bien que c'est pour m'amuser; je n'arrive plus pénétré de l'idée de leur gravité qu'il sera ensuite si plaisant de voir déranger. Elle a été dérangée d'avance ; c'est dans le moment qui a rendu des juges dignes de figurer au Vaudeville qu'il fallait les voir. C’est le fait historique qui était plaisant (car on nous assure que c'en est un) et le vaudeville peut ne pas l'être : cela est d'autant plus nécessaire à remarquer que le fait est au fond très-propre au Vaudeville, que les auteurs sont spirituels et gais, et que le vaudeville historique est à la mode (parmi les auteurs s'entend), ce qui ferait croire que c'est le genre le plus aisé. Et en effet, la facilité que croient trouver les auteurs à faire un bon vaudeville historique, est ce qui fait qu'ils ont tant de peine à y parvenir ; ils ne savent pas combien ils doivent se méfier de ce qui leur a paru plaisant hors de la scène, leur gaîté même les trompe. C'est un instinct, une sorte de génie, si l'on peut le dire, auquel il faut se livrer dans la composition, mais qu'il ne faut pas consulter dans le jugement : l'homme disposé à rire jugera mal de ce qu'il peut faire rire les autres. Dans un sujet de son imagination, il n'a pas besoin de juger, il peut s'en fier à lui-même, car il imaginera gaîment. Si c'est, comme le sont les auteurs du vaudeville, un homme d'esprit accoutumé à la scène sur laquelle il se présente et accoutumé à y réussir, il y adaptera naturellement son sujet, et l'imaginera tel qu'il doit être pour y obtenir du succès. Il ne se laissera pas tromper par des circonstances faites pour amuser par-tout ailleurs qu'au théâtre, parce que c'est le théâtre qu'il a uniquement en vue, et que rien ne s'est offert à son esprit que ce qui convient au théâtre ; mais s'il prend son sujet dans l'histoire ou dans des anecdotes de société, dans un fait enfin qui se soit offert à lui d'abord sous une toute autre forme que la forme dramatique, il lui faut une grande attention pour dépouiller dans son imagination le fait qui l'a frappé du prestige des circonstances qui l'environnaient et qu'il ne peut transporter sur le théâtre. Si l'on prend par exemple un trait plaisant dans l'histoire d'un grand homme, le trait sera d'autant plus plaisant, qu'il contrastera davantage avec l'élévation à laquelle notre imagination place le personnage qui y joue le principal rôle ; or, si vous placez un grand homme au Vaudeville, votre première obligation sera de le rapetisser, et par conséquent de diminuer le contraste d'où pouvait naître la gaité que vous voulez produire. Qu'est-ce qui nous parait plaisant dans la petite aventure de Turenne qui, à la fenêtre de son antichambre, en bonnet et en veste blanche, reçoit par derrière le coup vigoureux qu'un de ses gens croyait appliquer à Georges, le garçon de cuisine ? C'est que nous représentons la figure que devait faire, non pas seulement un grand seigneur, mais Turenne, le plus grand général de l'Europe à cette époque, se retournant un peu étonné de cette manière si familière, et nous rions de ce qui vient d'arriver à un homme qui imposait à Louvois lui-même. C'est la même idée qui fait que nous sommes si frappés de la bonhomie de cette réponse : Quand c'eût été Georges, il ne fallait pas frapper si fort ? Supposez la même aventure arrivée à un homme simplement connu comme riche, à un fermier-général, il aurait été tout aussi étonné que Turenne d'une semblable caresse de la part d'un de ses gens ; mais son étonnement ne se présenterait pas à notre imagination d'une manière aussi plaisante. Il aurait eu tout autant de droit de se mettre en colère, et il lui aurait fallu pour répondre comme Turenne, tout autant de bonté qu'en a montrée ce grand homme, mais nous ne serions pas tentés d'en être aussi touchés. Cependant, ce serait beaucoup, si l'on représentait Turenne au Vaudeville, de lui donner la consistance et l'aplomb qu'avait un fermier général dans le monde, et tandis que l'effet du trait subsisterait pour l'auteur, qui verrait toujours dans Turenne le grand général, il s'affaiblirait pour le parterre, à qui on montrerait autre chose.

Il en sera de même pour un trait transporté d'un tribunal sur le théâtre, Il faut nécessairement écarter ce que pouvait avoir d'imposant le lieu de la scène, et par conséquent ce qui contrastait d'une manière plaisante avec la petitesse de l'action. On sent tout ce qu'on peut tirer pour un vaudeville d'un procès sérieusement intenté au Fandango et mûrement discuté par les juges d'un bailliage, qui, les avocats ouïs et le Fandango dansé en plein parquet, décident gravement en sa faveur. Mais c'est un sujet qui est fait pour exciter la gaîté de l'auteur qui le traite, et ne suffit pas sans accessoires pour exciter celle des spectateurs. Les formes judiciaires fort plaisantes, lorsqu'on les applique réellement au procès de Fandango, ne sont pas amusantes au Vaudeville. Quand Beaumarchais a mis une plaidoierie sur le théâtre, ce n'est pas des formes de la justice qu'il a tiré le plaisant de la scène ; s'il a un peu chargé le grotesque personnage de Bridoison, c'est qu'il a senti qu'il peut être aisé de rendre une audience ridicule, mais qu'il faut beaucoup d'efforts pour la rendre amusante. Il en aurait fallu quelques-uns de plus pour rendre gaie celle du Vaudeville dont nous parlons. C'est un joli moment que celui où le maître de danse, M. Gavotino vient avec sa plus chère écolière, Mme. de Folignac, danser le Fandango devant les juges, & la requéte de son avocat qui l'accompagne de son plaidoyer chanté sur un air do vaudeville. Mais ce qui précède est long ; les amours de Mme. de Folignac avec M. Gavotino et la colère de M. Clopinau, son boîteux prétendu, ne remplissent pas d'une manière assez neuve et animée le temps que l'on passe dans l'attente de la séance. Il me semble qu'il y avait un meilleur parti à tirer du désordre d'une ville (Saint-Jean de Luz) soulevée toute entière pour ou contre son maître de danse que les vieilles et les maris poursuivent, que les femmes et les jeunes filles recherchent et protégent. Les couplets sont spirituels ; mais les mêmes auteurs en ont fait de plus gais. On a cependant beaucoup applaudi, sur-tout le Fandango, mieux dansé par Seveste que par Mlle. Rivière.

Les auteurs ont été demandés ; ce sont MM. Barré, Radet et Desfontaines.

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