Une nuit de la Garde nationale

Une nuit de la Garde nationale, tableau-vaudeville en un acte, de Scribe et Delestre-Poirson, 16 juin 1814.

Théâtre de l’Odéon.

Titre :

Une nuit de la Garde nationale

Genre

tableau-vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

prose avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

16 juin 1814

Théâtre :

Théâtre de l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

MM. Scribe et Delestre-Poirson

Sur la page de titre de la brochure, seconde édition, à Paris, chez Fages, 1816 :

Une Nuit de la Garde nationale, tableau-vaudeville en un acte; par MM. Eugène Scribe et Delestre-Poirson, représenté, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le samedi 4 novembre 1815.

La date proposée par la brochure ne correspond pas à la réalité : la pièce a été jouée dès juin 1814 au Théâtre de l’Odéon, le 13 juin selon le Magasin encyclopédique, le 16 juin d’après l'Histoire de la Garde nationale de de Labédollière (Paris, 1848), p. 343. Et c’est lui qui paraît avoir raison...

Dans trois numéros successifs, le Journal des arts, des sciences et de la littérature rend compte de la courte vie de la pièce :

Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 301 (cinquième année), 15 juin 1814, p. 358 :

Dimanche 12 Juin.

L’Odéon nous promet pour mardi une nuit de la Garde nationale, comédie en un acte, qui lui amènera sans doute beaucoup de curieux, au moins le premier jour.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 301 (cinquième année), 15 juin 1814, p. 360 :

Mardi 14 juin.

Une Nuit de la Garde nationale, que l'on devait jouer ce soir à l'Odéon, est retardée. Deux auteurs, qui ne se font connaître que par les initiales F. P. et L. S., préviennent le public, par la voie des journaux, pour éviter tout soupçon de plagiat, qu'ils vont faire jouer sous peu un vaudeville intitulé : Une Nuit de corps-de-garde. Nous espérons du moins que les couplets ne se ressentiront pas trop du lieu de la scène.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 302 (cinquième année), 20 juin 1814, p. 376-377 :

[Il est impossible d’échouer quand on chante la paix, mais l’auteur de la pièce y est pourtant arrivé et a donc produit « un chef-d'œuvre de ridicule et de mauvais goût ». Son intrigue mêle une histoire sentimentale à l’histoire contemporaine, la paix ramenée par le retour de nos Rois. Rien ne va dans cette pièce : « Des scènes froides ou inconvenantes, un rôle d'ingénue rempli de niaiseries, un dialogue à la glace et totalement dépourvu de mots heureux », le tout étant couronné par un divertissement final aux couplets fades et des airs tristes et mal exécutés. Certains auraient peut-être été indulgents eu égard à l’intention de l’auteur, mais la majorité a eu gain de cause : chute complète.]

Première représentation d’Une Nuit de la garde nationale, comédie en un acte, en prose.

Le but principal de cet ouvrage était de célébrer la paix qui vient de nous être rendue. Pour échouer dans un pareil sujet, il fallait sans doute produire un chef-d'œuvre de ridicule et de mauvais goût. Si l'auteur s'était imposé cette tâche, il a complètement réussi.

Dans une ville assiégée, où la nouvelle des heureux changemens survenus en France n'a pu encore parvenir, la garde nationale fait le service de la place conjointement avec la troupe de ligne. Le gouverneur est un vieux militaire, très-strict sur la discipline, mais très-indulgent pour tout le reste. Il protége de son mieux les amours de sa jeune nièce avec M. Auguste Dermance, chasseur de la garde nationale, et pousse la complaisance jusqu'à la laisser, au milieu de la nuit, en tête à tête sur la place publique avec le valet de son amant. On devine bien qu'il ne s'agit pas ici, comme dans mille autres pièces, de tromper ce bon oncle, puisqu'il prête les mains à tout ; quel est donc l'obstacle au bonheur de nos jeunes gens ? Le voici : Mme. Dermance, tante de M. Auguste, en veut beaucoup au gouverneur, qui, pour des travaux nécessaires au salut de la place, a disposé d'un jardin qu'elle avait hors des remparts. On n’ose donc lui parler de cette union ; et son mari, capitaine dans la garde nationale, profite du moment où il est de service pour favoriser les amours de son neveu. Mais, comme madame Dermance est aussi jalouse que rancunière, un billet qu'elle a surpris et qu’elle interprète d’après ses idées, lui persuade que son époux est amoureux de la jeune personne. Le valet, confident de M. Auguste, en profite pour donner une leçons à la dame. Il lui persuade de se déguiser en garde national, et placée en faction près du rempart de la citadelle, elle apprend de la jeune nièce le secret de leur passion. De-là une conversion subite de la dame qui donne son consentement au mariage. En ce moment arrive la nouvelle de la paix ; toute la garnison arbore la cocarde blanche,et se livre à la joie que cet heureux événement lui inspire.

Des scènes froides ou inconvenantes, un rôle d'ingénue rempli de niaiseries, un dialogue à la glace et totalement dépourvu de mots heureux, avaient déjà excité de violens murmures : mais c'est surtout le divertissement de la fin qui a provoqué la chute de cette pièce. Les couplets les plus fades, une ronde à boire chantée sur un air lugubre, un chœur exécuté sur le ton le plus faux par les acteurs, ont été reçus avec des huées ou des bis ironiques. Une partie des spectateurs paraissait cependant disposée à tenir compte à l'auteur de l'intention : mais le plus grand nombre a jugé, sans doute, que, plus le sujet méritait de faveur, plus on devait punir celui qui avait si mal su profiter de ses avantages.                  M.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 302 (cinquième année), 20 juin 1814, p. 380 :

Jeudi 16 juin.

Une Nuit de la Garde nationale n’avait pas attiré à l’Odéon autant de spectateurs que me titre semblait le promettre ; au surplus, cette fois les absens n’ont pas eu tort.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 303 (cinquième année), 25 juin 1814, p. 404 :

Lundi 20 juin.

L'auteur d'Une Nuit de la Garde nationale a retiré sa pièce. Les journaux qui ont été instruits de cet acte de modestie, avant de s'être occupés de l'ouvrage, ont cru devoir lui épargner une censure rigoureuse. Nous aurions imité leur exemple, si nous avions appris à temps la justice que l'auteur s'était rendue.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année, 1814, tome III, p. 393 :

[Chute complète : c’est clair. Et l’auteur a eu la bonne idée de retirer sa pièce.]

Une Nuit de la Garde nationale, comédie en un acte, 13 juin.

Chûte complète. L’auteur a retiré sa pièce avant la seconde représentation.

La pièce a été représentée au Grand Théâtre de Lyon, et le Journal du département du Rhône, n° 133 du mardi 19 décembre 1815, p. 4, en a rendu compte :

[Un compte rendu plus favorable : hommage à la Garde nationale pour son rôle dans le maintien de l’ordre ; résumé de l’intrigue ; jugement plutôt positif sur l’intrigue et des détails « qui contribue[nt] beaucoup à l’égayer », des couplets pleins d’allusions aux événements du temps (allusions très appréciées par le public). Et les interprètes sont eux aussi félicités (même si certains n’étaient pas très audibles).]

Première représentation d’une nuit de la garde nationale, tableau-vaudeville.

La garde nationale a acquis, dans les deux années malheureuse que nous venons de traverser, des droits incontestables à la reconnaissance publique. la ville de Lyon n’oubliera pas ce qu’elle doit à ces soldats-citoyens, dont le zèle et l’attitude imposante ont maintenu l’ordre et la tranquillité au milieu des événemens les plus effrayans et des circonstances les plus critiques. C’est, à coup sûr, une idée heureuse que celle d’exciter l’intérêt des Français, en mettant en scène la garde natiionale.

Avant tout, il faut une intrigue au théâtre ; voici celle que les auteurs de ce vaudeville ont imaginée. La scène se passe au corps-de-garde. Le caporal St-Léon et son ami Dorval sont tous deux de service. Le premier fait part à son camarade qu’il a demandé la main de la jeune sœur de Mad. de Versac, et que cette dame, dans la lettre qu'elle lui a écrite, a ajouté, à la suite d'un refus : Je n'aime pas les fats ; ma sœur pense comme moi. St-Léon, pour se venger, veut exciter la jalousie de Mad. de Versac, en lui faisant savoir que son mari doit avoir un rendez-vous avec une jolie femme. Versac, qui de son côté a assisté à un bal prolongé assez avant dans la nuit, a peur d’être grondé par sa femme qui tient beaucoup à l’exactitude. Il ne voit rien de plus simple que de venir prier l’officier de poste d el’arrêter, et de lui permettre d’attendre au corps-de-garde la fin de la nuit ; puis quand le jour paraîtra, de le faire conduire chez lui par deux gardes nationaux, certain que sa femme, au lieu de se fâcher, le plaindra au contraire d’avoir passé une mauvaise nuit. L’officier consent à tout et le fait entrer dans sa chambre.

Cependant Mad. de Versac, tourmentée par le prétendu billet doux que le caporal St-Léon lui a fait tenir, prend l’uniforme de son mari, et court à sa place au rendez-vous indiqué. Mais la sentinelle la fait entrer malgré elle au corps-de-garde. Le père Laquille, instructeur de la compagnie, oblige ce nouveau camarade à faire l’exercice. On revient de la patrouille, Mad. de Versac reconnaît St-Léon ; elle implore sa protection, et St-Léon s’empresse de prouver à cette dame qu’un fat peut quelquefois être utile ; il la fait donc passer pour son frère. Mais voilà qu’on fait l’appel des hommes du poste, et au lieu de dix, il s’en trouve onze. Le jour paraît ; il est question de reconduire Versac chez lui, et sa femme est désignée pour cette corvée. Surprise de la part de Versac, surprise encore plus grande de la part de sa femme ; reconnaissance, explication et raccommodement.

A quelques invraisemblances près, cette intrigue paraît nouée avec adresse. Ce qui contribue beaucoup à l’égayer, ce sont certains détails de localité qui sont à la portée de ceux qui ont monté la garde. L’instructeur, le tambour, la marchande d’eau de vie, un certain M. Pigeon qui n’a point encore d’uniforme et monte sa garde en habit maron, donnent à cette bluette un air de connaissance qui a beaucoup égayé le public ; plusieurs couplets tournés avec facilité, offrent des allusions qui ont été saisies avec empressement.

La pièce est fort bien jouée. Vizentini remplit le rôle de M. Pigeon avec une vérité qui retrace la nature. Le tambour l’Eveillé est un petit galopin bien vif, bien étourdi, représenté au naturel par cette charmante actrice, Mlle Chaubert qui joue si bien les ingénues. Mlle Valbourg fait plaisir dans le rôle de Med. de Versac ; il ne lui manque qu’un peu d’assurance qu’elle acquerra par l’exercice. Les autres acteurs sont bien dans leurs rôles ; il eût été à désirer qu’ils parlassent plus haut, vu l’affluence des spectateurs qui remplissaient la salle.

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