Anaximandre, ou le Sacrifice aux Grâces

Anaximandre, ou le Sacrifice aux Grâces, comédie en un acte, en vers, par M. Andrieux, reprise le 22 vendémiaire an 14 (14 octobre 1805).

Théâtre Français.

Titre :

Anaximandre, ou le Sacrifice aux Grâces

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

reprise le 22 vendémiaire an 14 (14 octobre 1805)

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Andrieux

Sur la page de titre de la brochure, publiée en 1805 chez Léopold Collin :

Anaximandre, ou le Sacrifice aux Grâces, comédie en un acte, en vers de dix syllabes ; Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre Italien, le 20 Décembre 1782, Et reprise au Théâtre Français le 22 vendémiaire an 14 (14 octobre 1805). Nouvelle édition, Revue et corrigée par l’Auteur.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 10e année, 1805, tome VI, p. 201-202 :

[Une petite pièce, jouée le 20 décembre 1782, inspirée d’une romance de François de Neuchâteau, dont il est facile de ridiculiser le refrain. L’intrigue est vite résumée (« il n’y a pas là beaucoup d’intrigue ». Comme on peut s’étonner que cette pièce ait réussi, on explique ce succès « par des détails agréables et par des vers heureux ». Et on regrette que l’auteur n’ait pas pris la peine de corriger les erreurs que sa jeunesse lui a fait commettre.]

THÉATRE FRANÇAIS.

Anaximandre, ou le Sacrifice aux Grâces.

Cette petite comédie en un acte et en vers fut jouée à la Comédie italienne. Ce qui en donna l'idée à M. Andrieux, est une romance qui parut alors dans l'Almanach des Muses, et dont le refrein étoit :

« L'esprit et les talens font bien ;
» Mais sans les Grâces ce n'est rien. »

On voit que cela n'est fort ni de pensée, ni de poésie ; mais enfin cela étoit à la mode, et la pièce réussit comme la romance,

Le philosophe Anaximandre, épris malgré toute sa philosophie, désespère de se faire aimer de la belle Aspasie. Phrosine, sa jeune pupille, lui conseille de sacrifier aux Grâces ; et mon philosophe se dépouille de son manteau brun et des a barbe épaisse, pour prendre les dehors d'un merveilleux d'Athènes. Le travestissement opère; et comme toutes les femmes se laissent ordinairement prendre par les formes, Aspasie épouse Anaximandre, qui n'a plus les dehors d'un philosophe austère.

On voit qu'il n'y a pas là beaucoup d'intrigue. La pièce a réussi par des détails agréables et par des vers heureux ; mais l'auteur, qui a fait cet ouvrage dans sa jeunesse, auroit dû le retoucher avant de le remettre sur la scène française.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome III, frimaire an XIV [novembre 1805], p. 271-275 :

[Le compte rendu s’ouvre par le résumé de l’intrigue, présentée comme une anecdote inventée (« L’auteur suppose que le grave Anaximandre... »). La pièce met en scène un tuteur (dont il est peu important qu’il soit philosophe) amoureux de sa pupille, et qui finit par la séduire. Il lui faut pour cela faire « offrande aux grâces », qui lui donnent meilleure allure. La pièce, si c’est bien une comédie, fait rire de l’image du sage en proie à l’amour. Mais c’est plus un tableau qu’une comédie : pas vraiment d’intrigue, d’intérêt, d’obstacles. Un tableau qui « n’est pas indigne d’attention ». Mais quelle morale en tirer ? Le programme tracé par la romance de François de Neufchâteau dont le critique reproduit le refrain ne peut avoir l’agrément « des gens raisonnables ». Il vaut mieux voir dans le succès de cette pièce vingt-trois ans après sa création le signe que les Français sont restés ce qu’ils ont toujours été, aimables, élégants, polis, malgré les épreuves traversées.]

THÉATRE FRANÇAIS.

Anaximandre, ou l’Offrande aux Grâces, comédie en un acte et en vers.

L'auteur suppose que le grave Anaximandre était l'ami du célèbre Eudamidas, et que, c'est à lui que fut légué le noble soin d'élever les deux filles du testateur, et de les pourvoir. Phrosine et Aspasie sont en âge de se marier. La première est promise à Mélidor. Aspasie n'à point encore reçu d'hommages. Anaximandre brûle d'amour pour elle, mais il renferme dans son cœur ce sentiment fatal ; il maudit la nécessité, trop douce pour lui, de voir Aspasie, de lui parler à tout moment. Il la gronde, il s'adoucit ; il s'éloigne, il la rappelle. Enfin l'austère Anaximandre est dans le délire le plus complet. L'innocente Aspasie est, comme on peut le penser, fort peu touchée de la frénésie du philosophe. Elle ne peut soupçonner que ce soit là de l'amour, mais la reconnaissance l'attache à son tuteur. Elle voudrait qu'il fût aimable, et son cœur semble désirer ce changement pour lui accorder un sentiment plus tendre. Vive, coquette, malicieuse, et par conséquent moins timide que sa sœur, Phrosine a découvert les sentimens d'Anaximandre. Elle ose lui dire qu'il est amoureux d'Aspasie. Le philosophe se révolte contre cette pensée. Phrosine insiste. Il finit par avouer sa faiblesse. Phrosine lui conseille de se rendre aimable, et de commencer par apprendre à danser. Cette proposition l'indigne d'abord, puis il cède peu-à-peu, et Phrosine le décide à essayer une seule révérence. Le pauvre tuteur s'incline humblement. Aspasie, cachée derrière un arbre, a tout vu, tout entendu. Phrosine l'attire doucement à elle, et lui dit : belle Aspasie, acceptez cet hommage. Anaximandre est furieux et se retire ; mais il est amoureux. Il revient bientôt. Mélidor, auquel il a confié ses sentimens, vient ranimer son espoir, et lui conseille de sacrifier aux Grâces s'il veut obtenir du retour. Il cède encore, entre dans le temple avec son manteau brun et sa barbe épaisse, et il en sort bientôt rajeuni par les grâces, vêtu avec élégance, et prêt à offrir ses vœux avec la tournure et le langage d'un jeune courtisan. Pendant que s'opérait cette métamorphose, Phrosine disposait Aspasie à recevoir les hommages d'un nouvel amant. Aspasie, étonnée, inquiette, ne sait que répondre. Anaximandre paraît, Aspasie n'ose le regarder. Il parle : ses discours ne sont que louanges, sermens d'amour et de fidélité éternelle. Aspasie estfilattée et touchée de ces hommages nouveaux pour elle ; mais elle dépend d'un tuteur, et ce tuteur, répond Anaximandre, est triste, austère, inaccessible à l'amour. Aspasie prend sa défense, et dit qu'elle ne ferait point d'autre choix, s'il pouvait ajouter à ses bienfaits, en faisant quelques efforts pour se rendre aimable. Anaximandre se découvre, tombe à ses pieds, obtient sa main, et la pièce se termine par un double mariage.

Le comique de cet ouvrage, si l'on veut l'appeller une comédie, consiste dans les folles incartades du philosophe contre l'amour, dans les efforts qu'il fait pour se soustraire à cette passion et dans la faiblesse qu'il a d'y succomber. Rien de nouveau dans tout cela. Regnard a fait Démocrite. Le contraste de l'innocence et de la candeur d'Aspasie avec la coquetterie et l'impertinence de Phrosine, donne lieu à des scènes assez jolies ; mais si l'on cherche le nœud de l'ouvrage, les suspensions qui animent l'intérêt, les obstacles qu'il faut vaincre pour arriver au dénouement, nous le disons avec peine, on ne trouvera rien. Il ne faut donc juger cette pièce que comme un tableau. Sous ce rapport, il n'est pas indigne d'attention. Le site et les costumes sont bien choisis. Les têtes, sont bien dessinées. Il y a de la grace
dans la manière dont elles sont ordonnées. Le coloris est frais et naturel.

Si l'on voulait tirer de cet ouvrage un résultat moral, on pourrait peut-être trouver mauvais que l'auteur ait voulu prouver que

L'esprit et les talens font bien,
Mais sans les grâces ce n'est rien.

Ce principe là est fort bon en chansons, mais il ne peut guères être adopté par des gens raisonnables. Les ames élevées, les cœurs sensibles n'entendront rien à cette maxime. Mais l'auteur expose son ouvrage à des Français, le peuple qui s'est toujours le plus distingué par son amabilité, son élégance et sa politesse. Il est peut-être heureux pour la nation, j'oserai dire pour l'humanité entière, que cette comédie jouée pour la première fois, il y a vingt-trois ans , ait encore été applaudie après quinze années d'une révolution qui pouvait nous conduire à la barbarie. Cela prouve que notre caractère originel n'est point effacé. Cet ouvrage ne peut donc être dangereux pour nos mœurs. Il n'est pas à craindre que le peuple français devienne trop aimable, et il est bon de lui rappeller qu'il ne doit pas cesser de l'être. L'ouvrage de M. Andrieux doit donc trouver grace devant les censeurs trop austères. Emollit mores nec sinit esse feros.

La base la Grange de la Comédie Française indique que la pièce d’Andrieux a été créée au Théâtre Italien le 20 décembre 1782. Elle a été reprise à la Comédie Française le 14 octobre 1805, et y a été jouée 32 fois jusqu’en 1815.

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