L'Enfant prodigue (mélodrame)

L'Enfant prodigue, mélodrame en quatre actes, à grand spectacle, mêlée de pantomime, danses et combats, de Cuvelier et Hapdé, musique nouvelle de Moranges, ballets de Blondin, 3 frimaire an 12 [25 novembre 1803].

Théâtre de la Porte Saint-Martin

Almanach des Muses 1805

La page titre de la brochure, particulièrement prolixe, porte :

L'Enfant prodigue, mélodrame en quatre actes et à grand spectacle, mêlée de pantomime, danses et combats.

Paroles de J. G. A. Cuvelier, associé correspondant de la société philotecnique, et de J. B. Hapté.

La musique est tirée des œuvres de Bocherini, Hayden, Pleyel, Kreutzer et autres auteurs célèbres. L'ouverture, les airs de danses, les marches, et plusieurs autres morceaux sont de la comp. de L. de Moranges.

Ballets de M. Blondin, dont les principales entrées sont exécutées par MM. Spitalier, Corniole et Blondin, et par mesdames Sophie d'Egville, Desgrois cadette, et la petite Blondin.

Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de la Porte Saint Martin, le 3 frimaire an 12.

A Paris, chez Barba, Libraire, palais du Tribunat, gallerie derrière le Théâtre Français de la République, n°. 51.

An XII (1803).

Courrier des spectacles, n° 2456 du 4 frimaire an 12 (26 novembre 1803), p. 2 :

[Un nouvel Enfant prodigue, ce n’est pas la pièce de Voltaire. Et le titre est mal choisi : il s’agit plus d’un mari prodigue que d’un enfant prodigue (le titre doit être le reflet de la pièce !). Et il y manque aussi les sacrosaintes unités « de lieu, de temps, etc. » (sans indication de ce que recouvre cet « etc. »). Le résumé de l’intrigue montre combien la pièce utilise les ingrédients nécessaires d’un mélodrame (la prison, le travestissement, les coups de théâtre). La fin est évidemment heureuse pour les héros. Reste à porter un jugement, assez sévère : le succès de la pièce s’explique par les éléments extérieurs, « combats, décorations, ballets », et sûrement pas par l’interprétation, la pièce étant mal jouée, sauf par les acteurs incarnant deux héros (Almour, devenu ensuite Almenor, et Palmyra), qui méritent des éloges, mais avec des réserves : lui force son talent, elle n’est pas faite pour le mélodrame. Les auteurs ont été demandés et nommés, mais la pièce a duré trop longtemps, en raison d’interminable entractes : c’est un point séreux, puisque « rien ne nuit plus au succès d’un ouvrage de pareilles lenteurs dans l’exécution » (je suggère qu’il y a des difficultés dans les changements des décors...).]

Théâtre de la Porte St-Martin.

Première représentation de l’Enfant prodigue.

Ce n’est point l’Enfant prodigue de Voltaire ,quoiqu’il n’eût pas été étonnant de le voir en mélodrame. Voltaire n’est pas plus priviligié [sic] que Racine dont on raccommode les tragédies aux Boulevards. C’est un nouvel Enfant prodigue, mais le titre ici n’est pas juste. Un jeune homme marié réclamant après un certain laps de tems passé dans les douceurs de l’hymen le plus heureux la légitime que son père, on ne sait pourquoi, ne lui a pas remise le jour de son mariage, n’est pas un enfant , mais un mari prodigue. Passons sur le titre de cet ouvrage, passons sur le manque d’unité de lieu, de temps, etc., et parlons du sujet.

Almour, époux de la belle Palmyra, séduit par les conseils perfides d’un habitant de Persépolis nommé Arbas, perdu de réputation et ennemi déclaré de Palmyra dont il n’a pu obtenir la main, se sépare de son père et de sa femme qu’il croit infidèle. Il emporte ses richesses à Persépolis, où l’entraine Arbas ; là il dissipe ses trésors, et dupe des intrigans qui l’assiègent, Il est réduit à implorer l’humanité d’un paysan qui le charge de la garde de ses chameaux.

Arbas est devenu propriétaire du château voisin. Almenor ne respirant que la vengeance, y pénetre, suivi d’une horde de Schytes qui font souvent des incursions sur ce territoire. Mais il est vaincu et ramené dans la capitale, où il va périr dans un cachot, lorsque sa femme déguisée en esclave éthyopien qui ne l’a jamais abandonné et qui a échappé aux complots formés par Arbas pour la perdre, vient lui offrir la liberté, à condition qu’il épousera sa libératrice. Almenor y consent, mais Arbas paroît et veut faire précipiter lui et l’esclave prétendu au fond du cachot, lorsqu’à un signal der gardes l’environnent et lui font subir le supplice qu’il destinoit à son rival. Almenor désabusé reprend son rang, ses richesses, et retrouve le bonheur dans les bras de son épouse et de son pere.

Ce mélodrame a obtenu quelque succès, grace aux combats, décorations, ballets, et à la pompe qui y regne ; car depuis que cette troupe occupe ce théâtre elle n’en a monté aucun avec autant de soin. Mais rien de tout cet appareil qui séduit les yeux ne peut remplacer le défaut d’ensemble, ni pallier la foiblesse des acteurs, dont plusieurs ont excité le rire par la maniere burlesque avec laquelle ils ont rendu les passages les plus sérieux. Nous devons cependant des éloges à M. Jolivet et à Mlle Laure, qui ont joué les rôles d’Almenor et de Palmira. Mais il étoit aisé de s’appercevoir que l’un forçoit ses moyens pour produire de l’effet dans un cadre trop grand pour lui, et que l’autre n’étoit point à sa place dans un mélodrame, genre peu analogue à ses talens.

Les auteurs de cet ouvrage ont été demandés et nommés : ce sont pour les paroles MM. Cuvelier et Hapdé, et pour la musique M. Morange. On n’a point sifflé la piece, mais on s’est dédommagé par des signes bruyans d’impatience contre la longueur des entr’actes qui ne finissoient pas et qui ont prolongé le spectacle jusqu’à près de minuit. Rien ne nuit plus au succès d’un ouvrage de pareilles lenteurs dans l’exécution.

La France littéraire, tome 2, p. 359 complète : Cette pièce a été depuis réduite en 3 actes, représentée et imprimée sous le titre de l'Enfant prodigue, ou les Délices et les dangers de Memphis, Paris, Barba, 1812, in-8.

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