Montano et Stéphanie

Montano et Stéphanie, opéra en 3 actes, mêlé d'ariettes,de Jean-Élie Dejaure, musique de Henri-Montan Berton. 26 germinal an 7 (15 avril 1799).

Théâtre de la rue Favart, Opéra-Comique.

Les autres œuvres de l'auteur des paroles, citées par le Courrier des spectacles (voir ci-desous), ne laissent pas de doute : elle est l'œuvre de Jean-Élie Bédéno Dejaure.

Titre :

Montano et Stéphanie

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

ariettes

Date de création :

22 germinal an VII (11 avril 1799)

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique National, rue Favart

Auteur(s) des paroles :

Dejaure

Compositeur(s) :

Berton

Almanach des Muses 1800

Stéphanie, fille d'un vieux guerrier de Syracuse, doit épouser Montano. Un rival dédaigné persuade à l'amant que sa maîtresse reçoit, la nuit, un chevalier qu'elle lui préfère. Montano est furieux ; mais pour mieux signaler sa vengeance, il attend le lendemain, jour où il doit conduire Stéphanie à l'autel. C'est là qu'à l'interpellation du prêtre, il répond par un refus qu'il motive sur la perfidie de Stéphanie. L'infortunée, accablée des injures de Montano, de l'affront qu'il lui fait, de la malédiction de son père, s'évanouit, et reste abandonnée aux soins du prêtre. Celui-ci répand soudain le bruit de sa mort. Le père et l'amant se reprochent leur rigueur et leur ressentiment ; la douleur qu'ils éprouvent s'accroît encore lorsqu'ils apprennent de la bouche même du rival dédaigné, que Stéphanie était innocente. Celui-ci allait succomber sous le fer de Montano, mais il le prévient et se précipite dans la mer. Le prêtre annonce bientôt que Stéphanie est vivante ; elle reparaît, pardonne à Montano, et s'unit à lui.

Sujet pris dans l'Arioste et dans Shakespeare.

Des défauts dans la conduite de l'ouvrage, couverts par un intérêt pressant. Une très-belle scène au second acte.

Musique généralement sentie et approuvée, des chœurs d'un grand effet.

Sur la page de titre de la brochure, sans lieu ni date :

Montano et Stéphanie, opéra en trois actes, Paroles de De Jaure, Musique de Berton. Représenté pour la première fois le 11 avril 1799.

Courrier des spectacles, n° 784 du 27 germinal an 7 [16 avril 1799], p. 2-3 :

[La pièce nouvelle a des qualités, mais aussi des défauts : elle montre de grands effets, tout en ne ménageant pas l’intérêt tout au long de l’intrigue. Le critique entreprend de le montrer en résumant l’histoire, bien compliquée, des amours contrariées de Montano et de Stéphanie, auxquelles le traître Altamonte tente de s’opposer en compromettant la réputation de la pauvre Stéphanie. Comme toujours, la vérité éclate, le traître se tue et les amants se marient. Les défauts ne manquent pas : le caractère du traître est qualifié de faible ; l’intérêt de l’intrigue n’est pas bien préservé. Mais le caractère de Montano est lui bien dessiné, avec le secours de la musique comme celui de l’interprète principal. On pourrait critiquer d’autres détails, mais il suffirait de quelques changements pour assurer le succès de la pièce. La musique est « généralement bonne », en particulier les chœurs et l’ouverture. Les auteurs ont été nommés, et le critique souligne l’excellence du jeu des acteurs.]

Théâtre Favart.

Si un ouvrage doit réussir lorsqu’il présente des beautes qui peuvent en balancer les défauts, l’opéra en trois actes représenté hier à ce théâtre sous le titre de Montano et Stéphanie, mérite tout le succès qu’il a obtenu. On a reconnu que l’auteur possédoit principalement l’art de ménager de grands effets ; il n’a pas autant celui de conduire l'intérêt et de le soutenir jusqu’au dénouement : une idée succincte de la piece justifiera l’un et l’autre sentiment...

L’action est placée en Sicile dans un château occupé par Laurenzi,seigneur des environs de Syracuses Stéphanie (fille de Laurenzi et le jeune Montano brûlent d’un amour réciproque. Ils sont à la veille d’être unis ; il ne manque au bonheur de Montano que de voir présent à la fête, dont les apprêts s’ordonnent, Altamonte son ami, que les armes retiennent loin de Syracuse mais ce guerrier, qui brûle en secret pour Stéphanie , a obtenu un congé et arrive inopinément.

L’hymen, qui est sur le point de se conclure, allume dans son sein tous les feux de la jalousie, mais il dissimule, et sous l’apparence d’une amitié parfaite, il déclare à Montano que Stéphanie doit, à la faveur des ombres, recevoir un homme dans son appartement ; il s’offre pour aider son ami à punir le traître ; ce lui-ci n’est autre qu’un valet qui , pour servir les projets du perfide Altamonte, a gagné à force d’or une servante de Stéphanie, qui doit prendre des habits semblables à ceux de sa maîtresse. C’est en présence de Montano, d’Altamoute lui-même, et de plusieurs habitans tous cachés dans des bosquets, que le valet déguisé reçoit de la prétendue Stéphanie une échelle de soie, à l’aide de laquelle il est introduit dans la maison. Altamonte modère la fureur de Montano, qui se retire résolu de voir jusqu’où Stéphanie doit porter la perfidie.

Le second acte se passe dans une chapelle aux pieds des autels même, où Stéphanie et Montano doivent prononcer le serment. Altamonte déjà dévoré de remords, a précédé dans le temple l’évêque Salvador, qui doit unir les amans.

Stéphanie conduite par son pere, et entourée d’une foule d’habitans, est bientôt suivie de Montano, et attend de lui le consentement solemnel ; mais Montano ne peut plus contenir son indignation, il parle enfin, mais pour articuler un refus formel. Laurenzi le fer à la main veut se précipiter sur Montano, mais il est retenu par la présence de Salvador , par le respect dû aux autels, et par le témoignage d’un grand nombre d’habitans contre Stéphanie, dont le déshonneur vient d’être révélé. Chacun se retire dans la plus grande agitation.

Ce coup est pour Stéphanie celui de la mort ; pénétrés d’intérêt pour elle, tous les habitans gémissent sous les fenêtres du château, dont la mer baigne les murs ; déjà Montano se répent d’avoir causé la perte de Stéphanie, en la déclarant coupable, un seul désir occupe sa pensée, celui de se baigner dans le sang du séducteur ; il le demande avec fureur, il le cherche, il interroge Altamonte, qui succombant aux plus cuisans remords, répond qu’il connoit le traître et même s’offre de le lui livrer ; au même instant Altamonte s'avance jusques sur un pont qui laisse pénétrer l’eau de la mer dans les fossés du château ; et là, avouant son crime, se perce d’un poignard et se précipite dans les flots. Stéphanie, rendue à la vie et ramenée par Salvador, est reconnue innocente ; Laurenzi l’unit à Montano.

Il est à regretter que le caractère d’Altamonte soit foible, mal soutenu ; il est dommage encore que le moyen qu’il emploie pour désunir les amans nuise à l’intérêt de la fin du premier acte, puisque ce n’est que l’exécution de ce qui vient d’être annoncé : l'aveu de ce moyen qui se fait encore aux actes suivans, en affoiblit également l’intérêt : mais tel est l'art avec lequel l'auteur a dessiné son principal caractère, celui de Montano, que, malgré le défaut dont il s’agit, rien ne manque à l’effet de la belle scene qui termine le second acte ; on doit dire qu’il a été parfaitement secondé dans cette heureuse situation, et par le compositeur qui a mis dans cette finale autant de vérité que de richesse, et par le cit. Gavaudan, dont le jeu exprime alors tous les sentimens à-la-fois, l’amour, la jalousie, la fureur, la tendresse, la contrainte et l’incertitude.

Il est d’autres détails sans doute qui, dans cet ouvrage, sont susceptibles de reproches, mais que l’auteur peut facilement corriger ; au moyen de quelques changemens légers, les représentations suivantes de cet opéra soutiendront avantageusement le succès qu’il vient d’obtenir à la première.

La musique généralement bonne, présente sur tout des beautés dans les chœurs, l’ouverture est d’un caractère neuf, et tient bien au sujet ; elle a été aussi très-applaudie.

Les auteurs ont été unanimément demandés, le citoyen Gavaudan a nommé pour les paroles le citoyen Dujaure, déjà connu par Lodoiska , le Franc Breton, la Dot de Suzette, et pour la musique, le cit. Lebreton.

Cette piece est très-bien jouée par les citoyens Philippe, Solié, Andrieux, et par la cit. Bouvier.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-huitième année, tome IX, prairial an 7 [mai 1799], p. 185-187 :

[Le compte rendu s’ouvre par une minutieuse analyse du sujet, et nous plonge dans une histoire romanesque, aux rebondissements tragiques. L’ouvrage a connu « quelque succès » (formule qui montre un faible enthousiasme !) dû sans doute aux « situations intéressantes » qu’il comporte ; mais le critique énumère des défauts : scènes brusques et peu motivées, l’arrivée d’Altamont aurait pu être mieux traitée, rendue plus mystérieuse ; intrigue faible ; dénouement mal amené ; caractère d’Altamont trop peu nuancé. Le style, lui, est jugé « élevé, & parfaitement convenable au sujet ». La musique est de qualité « elle est large, savante, énergique, & d’un grand effet ». Grand succès pour le compositeur, plus que pour le librettiste. Eloge des acteurs qui ont joué « avec beaucoup de talent », avec une mentions spéciale pour Gavaudan, qui a su « faire parler le silence & exprimer toutes les angoisses du désespoir ».]

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE NATIONAL, RUE FAVART.

Stéphanie, opéra.

La belle Stéphanie, fille d'un vieux guerrier de Syracuse, & Montano, jeune chevalier, sont à la veille de s'épouser, & font déjà les préparatifs de leur hymen, lorsqu'Altamont, faux ami de Montano, & secrètement épris de Stéphanie, forme le projet de s'opposer à leur union. Feignant de déplorer le sort du chevalier, il lui annonce confidentiellement que son amante le trahit, & qu'un rival heureux doit être introduit chez elle à une certaine heure de la nuit ; Montano surpris, indigné, veut s'assurer de ce fait, qu'il ne peut croire; il se rend avec des témoins au lieu du rendez-vous nocturne, & à peine y est-il arrivé, qu'un cavalier inconnu se présente sous le balcon de Stéphanie, & que celle-ci, ou, du moins, une femme qui lui ressemble, facilite à l'inconnu les moyens de parvenir jusqu'à elle. Montano veut éclater, mais on l'en empêche ; la nuit se passe ; au lever du soleil, la cérémonie nuptiale doit avoir lieu ; Stéphanie & son père se rendent à l'autel ; le chevalier, contenant sa fureur, s'y présente aussi ; mais au moment où le pontife va les unir, il s'y refuse, & il accuse hautement son amante. Repoussée par son père, accusée par l'homme qu'elle adore, l'infortunée ne peut supporter tant de coups à la fois, & elle tombe évanouie. Le pontife la fait conduire dans l'intérieur du temple, &, peu de temps après, il annonce sa mort. Regrets, désespoir de Montano ; Altamont, tourmenté par ses remords & également désespéré d'avoir perdu Stéphanie, déclare publiquement qu'elle est innocente. Un domestique, d'accord avec une servante, couverte des habits de sa maîtresse, avoit trompé les yeux de Montano au milieu de l'obscurité, & le traître Altamont avoit seul conduit cette horrible trame, Ce scélérat se précipite dans la mer, après s'être poignardé ; Stéphanie reparoît au grand étonnement de tout le monde, & les flambeaux de l'hymen sont aussitôt rallumés. Tel est à peu près le sujet de Montano & Stéphanie, opéra en trois actes, qui a été joué dernièrement, pour la première fois, sur ce théâtre avec quelque succès ; il offre plusieurs situations intéressantes. La scène où Montano accuse son amante aux pieds des autels, produit surtout le plus grand effet ; mais il nous semble que l'arrivée d'Altamont , au premier acte, est brusque & peu motivée; que s'il n'eût pas annoncé d'avance & avec détails son horrible stratagême, la scène de nuit, paroissant plus mystérieuse, eût été plus dramatique ; que l'intrigue est foible ; que le dénouement, peut-être trop tragique, n'est pas amené avec art ; que le caractère d'Altamont n'est point assez nuancé, & qu'enfin l'ouvrage tourne trop court, si la justesse de cette expression peut en faire excuser la trivialité. Quant au style, il nous a paru élevé & parfaitement convenable au sujet.

La musique de cet opéra doit en assurer le succès. Elle est large, savante, énergique, & d'un grand effet. Les cœurs [sic] ont entraîné tous les suffrages, surtout celui du second acte, au moment où Montano vient d'accuser son amante.

Les auteurs ont été demandés : on a nommé le C. Dejaure, pour les paroles ; & le C. Lebreton, pour la musique. Le nom du compositeur a excité de vifs applaudissemens.

Cette pièce a été jouée avec beaucoup de talent par les CC. Philippe, Solier, Gavaudan, Andrieux & Moreau ; & par la citoyenne Jenny-Bouvier. Le C. Gavaudan, surtout, s'est montré profondément comédien dans une situation difficile, où il falloit faire parler le silence & exprimer toutes les angoisses du désespoir.

Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p; 335, donnent le nom des auteurs, Jean-Élie Dejaure et Henri-Montan Berton et signalent que la pièce a été suspendue après la première représentation, parce que le décor du deuxième acte représentait des accessoires religieux. Après modifications, les représentations ont repris le 20 avril.

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