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Bertin et Colardeau

Bertin et Colardeau, anecdote en vaudevilles en un acte, de M. de Rougemont ; 24 août 1807.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Bertin et Colardeau

Genre

anecdote en vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

24 août 1807

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

de Rougemont

Almanach des Muses 1808.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Hénée et Dumas, chez Martinet, chez Barba, Août 1807 :

Bertin et Colardeau, vaudeville en un acte, Par M. B. de Rougemont ; Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le lundi 24 Août 1807.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 1807, tome IV, p. 435 :

[Les gens auxquels sont consacrées des pièces sont de moins importants, on en est arrivé à des célébrités de second plan, qui ne marqueront pas la postérité (le critique a raison sur ce point). La pièce nouvelle est « un ouvrage un peu froid, mais bien écrit et assez gracieux ». Mais cela suffit pour les auteurs du vaudeville : ils exhument les œuvres des autres pour nourrir les leurs...]

Bertin et Colardeau.

Le répertoire des hommes célèbres commence à s'épuiser : on met déjà en scène ceux qui eurent le siècle dernier des réputations de société. Assurément Bertin n'ira point à la postérité avec quelques madrigaux ; et Colardeau, malgré quelques tragédies qui ont réussi, ne sera jamais au rang de Corneille ni même de Crébillon. Son Epître à Abeilard ira peut-être plus loin que le reste de ses œuvres ; mais à peine en parle-t-on aujourd'hui, et on en parlera encore bien moins dans un demi-siècle. Quoi qu'il en soit, il figure au Vaudeville dans un ouvrage un peu froid, mais bien écrit et assez gracieux. Comme les auteurs du Vaudeville ne travaillent guère pour la postérité, autant vaut-il qu'ils chantent des hommes à demi-célèbres, dont ils réveillent les succès pour assurer les leurs, que de travailler sur des sujets d'invention peu propres aux couplets. L'auteur de Bertin et Colardeau a réussi ; c'est M. de Rougemont.

Archives littéraires de l'Europe, tome quinzième (1807), Gazette littéraire, août 1807, p. xliv-xlv :

[Demi-succès, le critique juge « l'intrigue froide et le dialogue souvent peu naturel ». Le résumé de l’intrigue en montre assez bien les limites, m^me si le critique y trouve quelque chose d’ingénieux. « de l'esprit et de jolis couplets », mais aussi de l’invraisemblance dans l’intrigue, et une belle ignorance des temps et des hommes « dont il a voulu rappeler le souvenir ».]

Le vaudeville de Bertin et Colardeau n'a en qu'un demi-succès. On a trouvé l'intrigue froide et le dialogue souvent peu naturel. L'auteur, M. Rougemont, feint que Colardeau, piqué de l'infidélité de Mme. de Saint-Phar, sa maîtresse, s'est retiré à la campagne ; que Bertin et Mme. de Saint-Phar vont l'y trouver, et que Bertin se charge de ménager un raccommodement. La manière dont il s'y prend est assez ingénieuse. Il se présente à Colardeau comme un compagnon d'infortune amoureuse ; il lui raconte comment il a été trahi ainsi que lui par l'objet de son amour, ou plutôt il lui raconte sous d'autres noms sa propre aventure. Mme. de Saint-Phar paroît alors, mais voilée et comme la maîtresse de Bertin ; celui-ci ne veut pas l'écouter ; Colardeau l'y force ; la belle voilée se justifie et finit par présenter à Bertin un diplôme de l'académie française qui se trouve être pour Colardeau. Mme. de Saint-Phar ôte son voile et la pièce finit au gré de chacun.

Il y a de l'esprit et de jolis couplets dans cet ouvrage La situation de Colardeau faisant agréer à son ami une apologie que lui-même auroit repoussée, et qui pourtant s'adresse à lui, est comique. Mais l'intrigue est d'ailleurs peu vraisemblable et annonce que l'auteur connoît peu les temps et les hommes dont il a voulu rappeler le souvenir.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome X, octobre 1807, p. 284-289 :

[Plutôt que de parler de la pièce, le critique donne un cours sur la poésie du XVIIIe siècle, et traite des écrivains que ses collègues croient bien oubliés comme des auteurs estimables : Colardeau qui est qualifié dans l’article d’« auteur de Caliste, une de ses tragédies) est longuement vanté dans une belle citation (de Palissot, Mémoires sur la littérature, reproduite dans le Supplément du Lycée de La Harpe, tome premier, p. 250) ; Bertin a droit à un traitement moins flatteur, même s’il est finalement qualifié de « charmant poëte de société », ce qui n’est pas un si grand compliment. Le traitement des deux auteurs dans la pièce paraît peu critique : l’auteur semble les mettre sur un pied d’égalité et leur fait échanger des compliments. On arrive ainsi au canevas de la pièce, une sombre histoire de tromperies supposées entre amants et de recherche de la gloire (Colardeau s’y voit promu à l’Académie, où d’ailleurs il n’entrera pas, pour cause de décès !). Le jugement porté sur la pièce est assez sévère, l’anecdote qu’elle raconte manquant de nouveauté et le portrait des deux poètes étant jugé très éloigné de la réalité (du moins celle qu’imagine le critique). On a là une pièce « un peu languissante », dont le succès repose sur « des mots heureux, un dialogue facile, et quelques couplets délicats » qu’on nous donne pour finir, avant de nommer l’auteur.]

THEATRE DU VAUDEVILLE.

Bertin et Colardeau.

Tout le monde connaît le nom de Colardeau ; toutes les femmes, les filles, les gens-de-lettres savent par cœur sa traduction de l'épître d'Héloïse à Abélard ; et il serait difficile d'opposer un seul de nos poëmes descriptifs à ses Hommes de Prométhée. Le talent de cet auteur pour ce qu'on appelle le mécanisme et le coloris du vers, était tel, qu'un de nos plus judicieux critiques, peu flatteur de son naturel, n'a pas craint d'en parler ainsi : « Sa manière est très-brillante, mais sans ostentation et sans recherche ; son coloris a beaucoup de fraîcheur ; en un mot il a su réunir à un très-haut degré l'élégance et l'harmonie..... Enfin, puisqu'il n'est question ici que du mécanisme heureux des vers, nous oserions préférer la versification de Colardeau à celle de M. l'abbé Delille, quoique très-savante; mais trop maniérée, trop fidelle aux mêmes tours et à de certaines expressions qui, à force d'être répétées, y deviennent en quelque sorte parasites. Ces défauts, masqués d'un vernis très-brillant, nous paraissent donner à sa versification (celle de M. l'abbé Delille), une monotonie très-sensible, en faire même une espèce de routine qu'il applique indifféremment à tous les auteurs qu'il traduit, quelque différent que soit leur génie, et dans laquelle on le reconnaît toujours à sa manière qui ne varie jamais : ce qui est regardé par bien des gens de goût comme un véritable vice de style, que tout l'éclat de sa réputation ne peut couvrir »

Mais si Colardeau est généralement connu et apprécié, si l'opinion des littérateurs le place immédiatement au-dessous des grands poëtes, au premier rang des versificateurs, il n'en est pas tout à fait ainsi de Bertin, qui, malgré son tome de vers élégiaques, ses amours, son projet d'orgie, et son titre de chevalier, si séduisant pour la bourgeoisie, n'est plus guères célèbre maintenant que dans la société des Rosatti, dans l'académie des jeux floraux, et dans le boudoir des Nina-Vernon.

Le chevalier Bertin avait de la facilité, autant de naturel que pouvait en comporter le genre terme de l'élégie, et quelquefois une sorte de grace mélancolique qui pouvait plaire aux cœurs malades ; mais point de pensée, peu de correction, et une mollesse de pinceau qui affadit tous les sentimens ; rien enfin qui mérite d'occuper un moment l'attention d'un homme sain de corps et d'esprit. Avec son caractère et sa facilité, Bertin devait être un charmant poëte de société : mais exposées au jour de l'impression, toutes ses productions perdent leur éclat, et vont se confondre dans la foule avec celles du chevalier de Bonnard, des marquis de Pezay et des St.-Peravi (encore ce dernier avait-il une manière plus originale, et plus de vivacité dans l'esprit).

L'auteur du vaudeville nouveau, n'a pas considéré ces différences ; à en juger par son titre, et par les complimens que Colardeau et Bertin se font réciproquement dans la pièce, on doit croire que ces deux auteurs lui paraissent également dignes de ses hommages.

Bertin dit à l'auteur de Caliste :

Ta plume facile et brillante
Nous peignit en des vers 'heureux
D'Abélard et de son amante
L'amour constant et douloureux :
Inscrit au temple de mémoire,
Ton nom ne peut s'en détacher ;
C'est en vain que tu fuis la gloire,
La gloire viendra te chercher.

Outre que ce madrigal n'est pas tout à fait neuf, il a le défaut d'être un peu déplacé : Colardeau (qui d'ailleurs était un excellent homme), ne fuyait nullement la gloire : il ne vivait même, dit on, que de l'espoir de ne pas mourir. « Il est sans exemple dans les fastes académiques, dit M. de La Harpe, qu'un homme élu ait été ainsi prévenu par la mort, avant de venir prendre sa place. (Colardeau nommé académicien français, n'avait pas eu le temps de se faire reçevoir). C'est descendre dans le tombeau une couronne à la main ; Colardeau avait reçu la sienne avec bien de la joie, et cette joie méme, pendant quelques jours, avait paru ranimer ses forces ».

Quoi qu'il en soit, ce Colardeau, qui fuit le prix légitime de ses veilles, ne peut pas être en reste avec le chevalier, et lui chante ce couplet, où la mémoire et la gloire ne riment pas moins heureusement que dans l’autre.

    Chantre des erreurs du bel âge,
    Rival du Tibulle français (1),
    Vénus t'inspire chaque ouvrage,
    Et te paya plus d'un succès :
    Les doctes filles de mémoire,
Pour que ton nom ne puisse être oublié,
    Placeront l'autel de ta gloire
    Dans le temple de l'Amitié.

Cet autel d'une gloire dans le temple de l'Amitié, fait assurément un fort joli effet : mais était-ce bien ainsi que Colardeau s'exprimait, et ne parle-t-il pas plutôt dans ces vers le langage de son ami Bertin, langage qui, pour être un peu plus intelligible que celui du marquis de Perzay, n'en est pas moins une sorte de jargon ?

Voici au surplus le canevas sur lequel on a essayé de broder les portraits de Bertin et de Colardeau.

Colardeau qui se croit trahi par sa maîtresse, Mme. de St.-Phar, aux pieds de laquelle il a surpris Dorat, se retire au fond d'une campagne (à Janville) , et s'abandonne au désespoir ; son ami Bertin, qui veut le rendre à la société, arrive à Janville comme par hasard, et après lui avoir demandé le sujet de son chagrin, feint d'avoir éprouvé le même malheur, j'ai été trahi, lui dit-il, par mon Eucharis, comme tu l'as été par ton Eugénie (Mme. de S.-Phar), et c'est le même homme (Dorat) que j'ai trouvé aux genoux de ma perfide, Cette conformité de sort ne tarde pas à adoucir la douleur de Colardeau, qui consent même à déjeûner et à chanter de très jolis refrains, entr'autres celui-ci :

Buvons aux infidelles,
Nous boirons plus long-temps.

On annonce sur ces entrefaites une dame qui veut parler à M. Bertin. Nul doute que ce ne soit Eucharis, et qu'elle ne vienne se justifier de son crime. Bertin, qui joue de son mieux la colère, feint de se refuser à toute explication ; mais Colardeau est là pour l'appaiser, et se rendre médiateur entre les deux amans ; la dame paraît, couverte d'un voile, elle explique à Bertin comme quoi il l'a trouvée en tête-à-tête avec Dorat, dans une situation un peu équivoque. Ce généreux ami, lui dit-elle, me pressait de solliciter votre admission à l'académie, et voici, en conséquence, votre nomination (elle lui présente un papier). Ce diplôme paraît à Colardeau une preuve incontestable de la fidélité d'Eucharis, et il décide que Bertin ne peut plus long-temps tenir rigueur à une si zélée protec1rice..... La dame lève alors le voile qui la couvrait, et Colardeau qui vient de prononcer sa propre sentence, reconnaît Mme. de S.-Phar.

L'idée principale, ou, si l'on veut, le motif comique de cette pièce, n'a pas coûté à l'auteur un grand effort d'imagination ; et s'il a réellement mis en action une anecdote de la vie de Colardeau, cette anecdote a le malheur de ressembler furieusement à un moyen de comédie bien usé. De deux choses l'une, ou cet auteur a voulu nous représenter une situation plaisante, et il aurait dû choisir un trait plus neuf, ou son intention a été uniquement de nous faire connaître l'esprit, le caractère des deux poëtes, et dans ce cas, il n'y a nullement réussi ; car on ne retrouve dans son Bertin rien de ce qui caractérise les meilleures poésies de ce dolent chevalier, rien de tendre, rien de mélancolique ; et son Colardeau est insignifiant.

Aussi la pièce a t-elle paru un peu languissante. Des mots heureux, un dialogue facile, et quelques couplets délicats, en ont pourtant décidé le succès. On a beaucoup applaudi sur-tout à ce jugement sur Voltaire ;

AIR : Ballet des Pierrots.

Quelques rimeurs, nouveaux Pradons,
De temps en temps montent Pégase,
Qui les conduit à reculons.
Marmontel, Laharpe et Lemierre
Le font aller au petit trot :
Car il n'est donné qu'à Voltaire
De le mener au grand galop.

Les couplets suivans n'ont pas été moins applaudis.

Couplets du vaudeville.

Cythère est un pays charmant
Où le Plaisir commande en maître :
Le Désir y conduit gaîment
Ceux qui cherchent à le connaître :
Mais quand vers ce lieu fortuné
La beauté se fraie un passage,

L'Hymen est toujours condamné
A payer les frais du voyage.
Triompher dans mille combats,
Fixer le destin des couronnes,
Conquérir de vastes états,
Créer ou renverser des trônes :
Former un peuple de héros,
Et par le traité le plus sage,
Du monde assurer le repos,
Ce fut l'affaire d'un voyage.

L'auteur a été demandé, et Vertpré qui avait joué avec beaucoup d'aplomb le rôle un peu ingrat de Colardeau, est venu nommer M. de Rougemont auteur de différentes pièces en Vaudevilles qui sont restées au répertoire.

(1) M. de Parny, qui est aussi supérieur à Bertin, que Gresset l'est à Dumoustier.

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