Créer un site internet

La Chevalière d’Eon, ou les Parieurs anglais

La Chevalière d’Éon, ou les Parieurs anglais, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, de Moreau et Ourry, 21 novembre 1812.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Chevalière d’Éon (la), ou les Parieurs anglais

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

21 novembre 1812

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

MM. Moreau et Ourry

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme. Masson, 1812 :

La Chevalière d’Eon, ou les Parieurs anglais, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, de MM. Moreau et Ourry, Représentée, pour la première fois sur le Théâtre du Vaudeville, le samedi 21 novembre 1812.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1813, p. 284-287:

[L'article s'ouvre sur l'émerveillement du critique devant le destin multiple de ce d’Éon, qui a connu tant de situations, et dont le sexe reste objet de débat, sauf pour les auteurs de la pièce, qui la font femme et lui accordent des honneurs et des titres dont il ou elle n'était pas pourvu. La pièce le place en Angleterre, où il vient de gagner une forte somme en pariant sur une course de chevaux. Deux aristocrates anglais souhaitent le ou la marier, l'un à son neveu, l'autre à sa nièce. L'intrigue se résout de façon simple : après une virile leçon d'escrime, d’Éon reparaît en femme. Mais ce n'est pas pour épouser le neveu qui lui était proposé : c'est elle (ou lui) qui unit le neveu de l'un à la nièce de l'autre. L'ambiguïté sur le sexe de d’Éon est encore objet de débat entre un valet et une servante, tous deux à son service, mais dont le mariage est suspendu à la connaissance de son sexe, le valet prétendant qu'« il n'est pas tout-à-fait sans inconvénient, pour un amant d'épouser la suivante d'un garçon ». La pièce est jugée de façon plutôt positive, puisque le critique approuve le choix d'un air de Grétry dans une scène importante. Le passage de cet air de l'Opéra-Comique au Vaudeville est heureux. La pièce a eu du succès : les auteurs sont nommés, et l'intrigue de leur pièce « marche bien », leurs couplets sont « fort agréables », et ils ont su éviter « ce qui eût trop égayé les mauvais plaisans ». Elle était précédée de Voltaire chez Ninon, et le couplet faisant le lien entre les deux pièces est jugé « joli », mais peut-être peu pertinent. Quant au rôle ambigu de d'Éon, il a été très bien tenu par Madame Hervey.

La Fausse magie, de Marmontel et de Grétry remonte à 1775.]

THÉÂTRE DU VAUDEVILLE.

La chevalière d'Eon.

Une fille élevée au collége, employée dans les bureaux du ministère ; capitaine de dragons, chevalier de Saint-Louis, aide-de-camp d'un maréchal de France, négociateur dans différentes cours de l'Europe, redevenue femme à Versailles et à Saint-Pétersbourg, et enfin exerçant la profession de maître-d'armes eu Angleterre, sur la fin dé sa vie ; voilà, assurément, une destinée bien singulière ! Le sexe de cet être bizarre est encore un problème pour quelques personnes. Les auteurs de la pièce nouvelle ont tranché la difficulté en décidant qu'il était une femme, et,. jurés-experts dans cette matière délicate, ils ont accordé au chevalier d'Eon un brevet de demoiselle. D'Eon, homme ou femme, n'ambitionna jamais ce titre ; car, forcé par les ordres du roi de prendre des habits de femme, et portant très-impatiemment ce nouvel uniforme, il écrivait, en 1779, à M. de Maurepas : « J'ai bien pu, par obéissance pour le roi et pour ses ministres, sortir en jupon, en temps de paix : mais en temps de guerre, cela m'est impossible. Vous devez penser, monseigneur, que le plus sot des rôles à jouer, est celui de pucelle à la cour, tandis que je puis jouer encore celui de lion à l'armée.... » Le roi, moins confiant que son aïeul, faisait peu de cas du chevalier d'Eon et de ses services. Au reste, il ne fut jamais honoré du titre d'ambassadeur ; c'est pure munificence de la part des auteurs de le lui avoir conféré, et de l'avoir comblé d’honneurs et de dignités. Ce personnage amphibie ne jouit jamais d'une véritable considération.

Dans la pièce nouvelle, le chevalier d'Eon est à New-Market, et, aussi bon cavalier qu'il a été habile négociateur, il vient de gagner aux courses un pari considérable ; sir Atkinson, qui a parié pour lui, et qui partage sa victoire, veut lui en témoigner sa reconnaissance. Il a vu le chevalier, en Russie, avec des habits de femme, et ne doutant point de son sexe, il vient lui proposer d'épouser son neveu, avec cent mille livres sterlings. Milord Béverley, fort épris aussi du chevalier, bien qu'il lui fasse perdre tous ses paris, veut lui donner en mariage sa nièce, jeune et jolie veuve, qui aime le neveu de sir Atkinson, et qui en est aimé ; d'Eon est donc, à-la-fois, le prétendu du neveu et la rivale de la nièce. Il refuse également l'un et l'autre parti. Les deux oncles font un pari sur le sexe du chevalier. Le neveu, que l'on supposait bien tranquille à Londres pendant toutes ces propositions de mariage, tombe des nues pour provoquer le chevalier : ils se battent. Le chevalier lui donne une leçon d'armes et de générosité, en refusant de tirer sur lui après l'avoir désarmé. On annonce un envoyé, chargé, pour d'Eon, de dépêches importantes de la cour de France. Il sort, et reparaît bientôt en habits de femme. Ces dépêches lui apportaient l'ordre de les reprendre. Mylord Beverley se désole, son antagoniste triomphe ; mais Mlle. d'Eon, aussi généreuse que l'avait été le chevalier, détruit l'effet du pari en unissant les deux amans.

Il y a dans la pièce un valet et une soubrette, qui appartiennent tous deux au chevalier ; ils s'aiment et doivent s'épouser ; mais le valet qui a des doutes sur le sexe du chevalier, voudrait qu'ils fussent éclaircis avant de conclure le mariage. Il prétend que, s'il est assez indifférent pour une femme d'épouser le valet d'une demoiselle, il n'est pas tout-à-fait sans inconvénient, pour un amant d'épouser la suivante d'un garçon. Ces deux rôles sont bien joués par Laporte et Mlle Saint-Aulere.

On a vu avec plaisir la scène où les deux oncles se félicitent, chacun de leur côté, de l'excellent pari qu'ils ont fait. C'est une fort bonne idée d'avoir mis les paroles de cette scène sur le duo des deux vieillards dans la Fausse-Magie. Chantée au Vaudeville, la jolie musique de Grétry n'a rien perdu de sou charme et de son heureuse influence. La pièce, qui est de MM. Moreau et Ourry, a eu du succès. L'intrigue marche bien, les couplets sont fort agréables, et dans un sujet aussi délicat, les auteurs ont su éviter ce qui eût trop égayé les mauvais plaisans.

La pièce nouvelle était précédée par Voltaire chez Ninon, jolie bagatelle qui fourmille de couplets remplis de grace et d'esprit. L'actrice chargée du rôle de Ninon est venue chanter le couplet d'annonce, sorte de requête que Mlle. de l'Enclos présentait au parterre en faveur de la Chevalière d'Eon :

De d'Eon la France s'honore,
Mon roman ne fut pas le sien.
De son sexe l'on doute encore,
L'on n'a jamais doute du mien.
Je la flattai d'une victoire,
Ah! n'allez pas me démentir ;
Près de l'élève du plaisir
Admettez celle de la gloire.

Ce couplet est joli : mais il serait permis de douter que Ninon eût pris un intérêt aussi vif à cet équivoque personnage.

La pièce est bien jouée. Mme. Hervey, dont le talent flexible se prête à tous les genres, a rempli avec grace et même avec une sorte de dignité le rôle de la chevalière d'Eon.
 

Ajouter un commentaire

Anti-spam