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Actes sacramentaux

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Actes sacramentaux.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome I, p. 12-15 :

ACTES SACRAMENTAUX. Ce sont des Drames Saints que l'on représente en Espagne dans certains tems de l’année, & particulièrement le jour de la Fête-Dieu. Ce sont des Ouvrages allégoriques qui traitent toujours des Mystères de notre Religion ; mais sans avoir aucune ressemblance avec les Drames d'Italie & de France, dans lesquels on représentoit les Mystères de la Passion, ou quelqu'évenement de la vie des Martyrs. Don Pedre Calderon est regardé comme le meilleur des Poètes qui ont travaillé en ce genre.

La forme de ces Drames est toujours allégorique. On personifie la Mémoire, la Volonté, l'Entendernent, le Judaïsme, l'Eglise, l'Idolâtrie, l'Apostasie, & jusqu'aux cinq Sens du corps humain. Très souvent parmi de tels Acteurs il y a des personnages réels, & on n'oublie pas d'y mettre un Acteur Comique. L'action roule toujours sur les Mystères de la Religion , & principalement sur celui de l'Eucharistie, par où le Spectacle se termine.

On ne sera peut-être pas fâché de connoître un de ces Actes Sacramentaux. Voici un de ceux qu'on représente le plus fréquemment en Espagne. Il est du fameux Calderon, & a pour titre, l’Auto Sacramental de las plantas Les Acteurs sont, l’Epine, le Mûrier, le Cèdre, l’Amandier, le Chêne, l'Olivier, l'Epi, la Vigne & le Laurier. Deux Anges entrent sur le Théâtre , & adressant la parole à toutes les Plantes, ils leur déclarent qu'une d'entr'elles, doit produire un fruit doux & admirable. Ils les invitent à un combat divin, pour mériter une couronne qu'un de ces Anges tient à la main, & qu'il va attacher à un côté du Théâtre. Ils leur donnent la faculté de parler, & ils s'en vont. Les Arbres parlent, & sont dans l'admiration.

Le Cédre arrive avec un bâton à la main, en forme de croix. Tous les autres Interlocuteurs sont surpris de le voir comme un arbre qu'aucun d'eux n'a vu. Le Cédre fait un long discours allégorique sur la création du monde, de l'homme, des animaux & des végétaux. II leur dit que, puisque les animaux qui habitent la mer, la terre & les airs, connoissent un Roi, les Arbres en doivent avoir un aussi. Il ajoute qu'il ne se vante point de mériter cette prééminence ; mais qu'il sera le Juge entr'eux de celui qui la méritera, & il sort.

Les Plantes qui restent sur la Scène , sont choquées qu'un Arbre étranger s'arroge le droit d'être leur Arbitre ; elles font valoir les attributs que les hommes leur accordent, & par lesquels chacun prétend l'emporter sur les autres.

Dans une Scène qui suit, le Cédre propose à chaque Plante de donner un placet, & de déduire leurs titres; ce qui s'exécute. Ensuite paroît le Cédre tenant devant lui une Croix dont les bras sont entrelacés de feuilles de Cédre , de Cyprès & de Palmes. Les Plantes se partagent pour & contre la prétendue violence que le Cédre leur fait, en se nommant leur Arbitre. L'Epine éclate de colere, lui demande qui il est ; & sur ce qu'il refuse même de dire son nom , elle s'irrite & dit qu'elle seule suffira pour arracher & détruire un Arbre qui n'est point connu dans le Pays, & qui veut le tyranniser. Elle s'approche de lui & l'embrasse : le Cédre s'écrie qu'elle lui déchire le corps. En cet instant on voit du sang sortir de la Croix. Toutes les Plantes en frémissent ; le Cèdre dit qu'il arrosera de ce sang toute la terre. L'Epi & la Vigne s'approchent de la Croix, pour le recevoir. Le Cédre voyant leur humilité, tenant toujours la Croix devant lui , dit ces paroles : Puisque devenus humbles & compâtissans, vous recevez tous les deux mon corps & mon sang, c'est en vous seuls que dès aujourd'hui mon corps & mon sang deviendra un divin trésor.

L'Epine, qui est restée ensanglantée, se désespere, & voyant toutes les Plantes fuir à son aspect, elle fait une grande lamentation. La Croix paroît en l’air. Quelques unes des Plantes demandent au Cédre de déclarer celle qui mérite la Couronne. Le Cèdre dit que c'est l'Humilité qui l’obtíendra, & il nomme l'Epi & la Vigne. La piéce finit ainsi par une pensée qui a rapport au Mystère de l'Eucharistie ; condition essentielle aux Actes Sacramentaux.

Ces sortes de Drames sont précedés d'un Prologue auquel on donne l'épithète de Sacramental, & on y ajoute un titre qui semble n'avoir jamais de rapport à la Fête-Dieu qui en est pourtant le seul objet. Par exemple, le Prologue Sacramental du Fou : au commencement de ce Prologue, on entend les gens dans la coulisse qui crient, prenez garde au Fou qui s'est échappé ! courons, courons après ! Le Fou paroît ensuite, disant à ceux qui crient après lui, de ne point s'inquiéter ; qu'il n'est pas ce qu'il étoit auparavant ; que le plaisir d'être témoin de la Fête, l’a fait sortir ; & en moins de deux cents petits vers, il fait l’énumération de tous les prodiges de l' Ancien Testament, & des Mystères du nouveau. II en est de même du Prologue Sacramental, du Paysan, des Equivoques, &c. qui promettent par leur début tout le contraire de ce qui se trouve à la fin.

II y a en Espagne plus de six cents de ces Actes & Prologues Sacramentaux imprimés, sans compter un nombre infini qui ne le font pas.

Références :

Calderon, Auto Sacramental de las plantas.

Prologue sacramental du Fou.

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