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Confident

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Confident.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome I, p. 292-294 :

CONFIDENT. Les Confidens, dans une Tragédie, sont des Personnages surabondans, simples témoins des sentimens & des desseins des Acteurs principaux. Tout leur emploi est de s'effrayer ou de s'attendrir sur ce qu'on leur confie & sur ce qui arrive : & à quelques discours près qu'ils sément dans la Piéce, plutôt pour laisser reprendre haleine aux Héros, que pour aucune autre utilité, ils n'ont pas plus de part á l’action que les Spectateurs. Il suit de-là qu'un grand nombre de Confidens, dans une Piéce, en suspend la marche & l'intérêt, & qu'il y jette par-là beaucoup de froideur & d'ennui. Si, comme dans plusieurs Tragédies, il y a quatre Personnages agissans, & autant de Confidens & de Confidentes, il y aura la moitié des Scènes en pure perte pour l'action, qui n'y sera remplacée que par des plaintes plus élégiaques que dramatiques : mais il ne faut rien confondre. Il y a des Personnages qui sont, pour ainsi dire, demi-Confidens & demi-Acteurs. Tel est Phénix dans Andromaque. Telle est Enone dans Phèdre. Phénix, par l'autorité de Gouverneur, humilie Pyrrhus même en lui faisant sentir les illusions de son amour ; & par le ton imposant qu'il prend avec lui, il contribue beaucoup à l'effet de la Scène entiere.

Enone, par une tendresse aveugle de Nourrice, dissuade Phèdre de se dérober au crime par la mort ; & quand ce crime est fait, elle prend sur elle d'en accuser Hypolite : ce qui, par l'importance de l'action, la fait devenir un Personnage du premier ordre.

Les Confidens qui ne sont que des Confidens, sont toujours des Personnages froids, quoiqu'en bien des occasions il soit fort difficile au Poète de s'en passer. Quand, par exemple, il faut instruire le Spectateur des divers mouvemens & des desseins d'un Personnage, & que par la constitution de la Piéce, ce Personnage ne peut ouvrir son cœur aux autres Acteurs principaux, le Confident alors remédie à l'inconvénient ; & il sert de prétexte pour instruire le Spectateur de ce qu'il faut qu'il sache. L'art consiste à construire la Piéce de maniere, que ces Confidens agissent un peu, & en leur ménageant quelque passion personnelle qui influe sur les partis que prennent les Acteurs dominans : hors de-là les Scènes de Confidence ne sont presque que des Monologues déguisés, mais qui ne méritent pas toujours le reproche de lenteur, parce que le Poëte y peut déployer dans le Personnage des sentimens ou vifs ou délicats, aussi intéressans que le cours de l'action même.

Néarque, dans Polieucte, montre comment un Confident peut être nécessaire. Fanie, dans le quatrième Acte de Tancrede, enseigne comment il peut donner lieu à de beaux mouvemens.

Le bon goût & la raison ont proscrit du Théâtre François ces Scènes, où deux Confidens seuls s'entretiennent des intérêts de leurs Maîtres. On est étonné que Corneille se soit servi de deux Confidens pour faire l'exposition de Rodogune.

On a proscrit également ces Scènes dans lesquelles un Confident parle à une femme en faveur de l'amour d'un autre. C'est ce qu'on a reproché à Racine dans son Alexandre, où Ephestion paroît en fidèle confident du beau feu de son Maître. Rien n'a plus avili notre Théâtre, dit M. de Voltaire, & ne l’a rendu si ridicule aux yeux de l'Étranger, que ces Scènes d'Ambassadeurs d'Amour.

Un grand art, dont Racine a donné les premieres leçons, c'est celui de charger le Confident d'un crime qui aviliroit le principal Personnage. C'est ainsi qu'Enone sauve Phèdre de l'horreur qu'elle inspireroit, si elle accusoit elle-même Hypolite.

Dans le Fanatisme, c'est Omar qui donne à Mahomet l’idée de faire assassiner Zopire par Séide.

Le rôle d'Octar, dans la Tragédie de l'Orphelin de la Chine, est consacré à faire sortir celui de Gengis, par le contraste de la férocité aveugle d'un Tartare & de la grandeur d'ame du Conquérant de l’Asie, adouci par l'Amour.

Quant à la Comédie, voyez Valet, Soubrette.

Références :

Pièces :

Corneille, Polyeucte : le personnage de Néarque montre comment un confident peut être nécessaire en amenant Polyeucte à la conversion, et au martyre.

Corneille, Rodogune : le recours aux confidents pour l’exposition est jugé peu convenable (ils n’ont pas à s’entretenir des affaires de leurs maîtres).

Racine, Alexandre, acte 2, scène 1 : Voltaire juge choquant qu’un confident (Ephestion) parle à celle que son maître aime, « fidèle confident du beau feu de son Maître » (acte 2, scène 1, vers 349).

Racine, Andromaque : Phénix, le confident de Pyrrhus, humilie son élève et pèse ainsi sur l’action.

Racine, Phèdre : Œnone joue un rôle essentiel dans la pièce, en dissuadant Phèdre de se suicider (acte 1, scène 3), puis en accusant Hippolyte (acte 4, scène 1). Elle se charge ainsi du crime de sa maîtresse.

Voltaire, le Fanatisme ou Mahomet le prophète (1741-1742) : Omar donne à Mahomet l’ide de faire assassiner Zopire par Séide.

Voltaire, l’Orphelin de la Chine (1755) : le rôle d’Octar sert à faire contraste avec celui de Gengis.

Critique littéraire :

Voltaire, Remarques sur Théodore, critique le fait que dans Alexandre de Racine, Ephestion, confident, soit « fidèle confident du beau feu de son Maître » (acte 2, scène 1, vers 349). La critique vaut bien sûr pour le Théodore de Corneille... où Cléobule et Théodore s’entretiennent longuement, avant que n’entre Marcelle et n’interrompe leur discussion (acte 2, scène 2) : « Rien n'est plus froid et plus déplacé dans le tragique que ces scènes dans lesquelles un confident parle à une femme en faveur de l'amour d'un autre ».

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