Parodie

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Parodie.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 378-380 :

PARODIE : maxime triviale ou proverbe populaire. Ce mot vient du Grec οδος, via, voie; & de παρα, circùm, autour, c'est-à-dire, qui est trivial, commun & populaire. Porodie [sic], Parodus, se dit aussi plus proprement d'une plaisanterie poëtique, qui consiste à appliquer certains Vers d'un sujet à un autre, pour tourner ce dernier en ridicule, ou à travestir le sérieux en burlesque, en affectant de conserver, autant qu'il est possible, les mêmes rimes, les mêmes mots & les mêmes cadences. La Parodie a d'abord été inventée par les Grecs, de qui nous tenons ce terme, dérivé du mot οδη, Chant ou Poësie. On regarde la Batramiomachie [sic pour Batrachomyomachie] d'Homère comme une Parodie de quelques endroits de l'Iliade, & même une des plus anciennes Piéces de ce genre. Enfin la dernière & la principale espéce de Parodie, est un Ouvrage en Vers, composé sur une Pièce entière, ou sur une partie considérable d'une Pièce de Poësie connue, qu'on détourne à un autre sujet & à un autre sens par le changement de quelques expressions ; c'est de cette espéce de Parodie, que les Anciens parlent le plus ordinairement : nous avons en ce genre des Pièces qui ne le cèdent point à celles des Anciens. On peut réduire toutes les espéces de Parodies à deux espéces générales ; l'une qu'on peut appeller Parodie simple & narrative ; l'autre, Parodie Dramatique. Toutes deux doivent avoir pour but l'agréable & l'utile. Les régles de la Parodie regardent le choix du sujet & de la manière de le traiter. Le Sujet qu'on entreprend de parodier, doit être un Ouvrage connu, célèbre, estimé ; nul Auteur n'a été autant parodié qu'Homère. Quant à la manière de parodier, il faut que l'imitation soit fidelle & la plaisanterie bonne, vive & courte ; & l'on y doit éviter l'esprit d'aigreur, la bassesse d’expression & de. l’obscénité. Il est aisé de voir par cet extrait, que la Parodie & le Burlesque sont deux genres très-différens, & que le Virgile travesti de Scaron n'est rien moins qu'une Parodie de l'Enéide. La bonne Parodie est une plaisanterie fine, capable d'amuser & d'instruire les esprits les plus sensés & les plus polis ; le Burlesque est une bouffonnerie misérable, qui ne peut plaire qu'à la populace. L'art de la Parodie est bien simple ; il consiste â conserver l'action & la conduite de la Piéce qu'on veut travestir, en changeant seulement la condition des Personnages. Hérode sera un Prévôt ; Marianne, une fille de Sergent ; Varus, un Officier de Dragons ; Alphonse devient un Bailli de village ; & Inès se transforme en Agnès, Servante du Bailli. Cette précaution prise, on s'approprie les Vers de la Piéce, en les entremêlant de tems en tems de mots burlesques & de circonstances risibles, qui ne le deviennent que davantage par le contraste du sérieux & du touchant auxquels on les marie. Ainsi, de l'Ouvrage même qu'on veut tourner en ridicule, on s'en fait un dont on se croit fièrement l'inventeur, à-peu-près comme si un homme qui auroit dérobé la robe d'un Magistrat, croyoit l'avoir bien acquise en y cousant quelques pièces d'un habit d'Arlequin ; & qu'il appuyât son droit sur le rire qu'exciteroit la mascarade. Mais, l'inconvénient le plus sérieux de ces Ouvrages, c'est de tourner la vertu en paradoxe, & d'essayer fouvent de la rendre ridicule. S'il y a dans une Tragédie quelques traits d'une vertu héroïque, & capables d'élever l'ame aux grands sentimens, ce sont ces traits même, que la Parodie va employer en reproche de subtilité & de chimère. Ainsi, tandis que le Poëte Tragique fait effort pour élever les âmes par de grands exemples, au-dessus des sentimens vulgaires, le Parodiste s'étudie à les faire retomber dans leur pusillanimité naturelle.

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