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Protase

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Protase.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome II, p. 488-490 :

PROTASE. Dans l'ancienne Poésie Dramatique, c'étoit la première partie d'une Pièce de Théâtre qui servoit à faire connoître le caractère des principaux Personnages , & à exposer le sujet sur lequel rouloit toute la Piéce Ce mot est formé d'un mot Grec, qui veut dire, tenir le premier lieu. C'étoit, en effet, par-là que s'ouvroit le Drame. Selon quelques-uns, la Protase des Anciens revient à nos deux premiers Actes, mais ceci a besoin d'être éclairci. Scaliger définit la Protase, (in quâ proponitur & narratur summa rei sine declaratione) ; c'est-à-dire, l'exposition du sujet, sans en laisser pénétrer le dénouement ; mais si cette exposition le fait en une Scene, on n'a donc besoin pour cela, ni d'un, ni de deux Actes ; c'est la longueur du récit, sa nature & sa nécessité, qui déterminoient l'étendue de la Protase à plus ou moins de Scènes, la renfermoient quelquefois dans le premier Acte, & la poussoient quelquefois dans le second. Aussi Vossîus remarque-t-il que cette notion, que Donat ou Evanthe ont donnée de la Protase, (Protasis est primus actus, initiumque Dramatis) n'est rien moins qu'exacte ; & il allégue en preuve (le Miles Gloriosus) de Plaute, où la Protase, ce que Scaliger appelle (rei summa), ne se fait que dans la première Scène du second Acte, après quoi l'action commence proprement. La Protase ne revient donc à nos deux premiers Actes, qu'à raison de la premiere place qu'elle occupoit dans une Tragédie ou une Comédie, & nullement à cause de son étendue. Ce que les Anciens entendoient par Protase, nous l'appellons préparation, ou exposition du sujet : deux choses qu'il ne faut pas confondre. L'une consiste à donner une idée générale de ce qui va se passer dans le cours de la Piéce, par le récit de quelques événemens que l'action suppose nécessairement. C'est d'elle que M. Despréaux a dit :

Que dès le premier Vers, l’action préparée,
Sans peine, du sujet applanisse l'entrée.

L'autre développe, d'une manière un peu plus précise & plus circonstanciée, le véritable sujet de la Piéce. Sans cette exposition, qui consiste quelquefois dans un récit, & quelquefois se développe peu-à peu dans le Dialogue des premières Scènes, il seroit comme impossible aux Spectateurs d'entendre une Tragédie, dans laquelle les divers intérêts, & les principales actions des Personnages, ont un rapport essentiel à quelqu'autre grand événement qui influe sur l'action Théâtrale, qui détermine les incidens, & qui prépare, ou comme cause , ou comme occasion, les choses qui doivent ensuite arriver. C'est de cette partie que le même Poète a dit :

Le sujet n'est jamais assez-tôt expliqué.

Cette exposition du sujet ne doit point être si claire, qu'elle instruise parfaitement le Spectateur de tout ce qui doit arriver dans la suite ; mais le lui laisser entrevoir comme une perspective, pour le rapprocher par degrés, & le développer successivement, afin de ménager toujours un nouveau plaisir partant du même principe, quoique varié par de nouveaux incidens, qui piquent & réveillent la curiosité. Car, sî l'on suppose une fois l'esprit suffisamment instruit, on le prive du plaisir de la surprise auquel il s'attendoit. C'est précisément ce que dit Donat, quand il définit la Protase. (Primus Actus Fabulæ, quo pars argumenti explicatur, pars reticetur, ad populi expectationem tenendam). Les Anciens connoissoient peu cet Art, au moins les Latins s'embarrassoient-ils peu de tenir ainsi l'esprit des Spectateurs dans l'attente. Dès le Prologue d'une Pièce, ils en annonçaient toute l'ordonnance, la conduite & le dénouement : témoin l'Amphytrion de Plaute. Les Modernes entendent mieux leurs intérêts & ceux du Public.

Références :

Pièces :

Plaute, Amphitryon : dès le prologue sont annoncés « l'ordonnance, la conduite & le dénouement » de la pièce, ce qui nuit à l’intérêt des spectateurs.

Plaute, Miles gloriosus : la protase y est placée à l’acte 2, scène 1.

Critique littéraire :

Boileau, Art poétique, chant 3, vers 27-28, vers 37 : il faut distinguer la préparation, définie aux vers 27-28 de l’exposition du sujet, définie au vers 37.

Donat (grammairien latin du 4e siècle de notre ère), Evanthe (Evanthius, rhéteur et grammairien grec du 4e siècle de notre ère, auteur d’une Brevis Dissertatio de Tragœdia et Comœdia ?)définissent la protase comme le premier acte et le commencement de la pièce.

Donat (grammairien latin du 4e siècle de notre ère) souligne que la protase ne doit révéler qu’une partie de l’intrigue, « ad populi expectationem tenendam », pour maintenir l’attente du public.

Scaliger (Joseph Juste, 1540-1609) définit la protase comme exposant le sujet sans dévoiler le dénouement.

Vossius (Gerardus Joannes, 1577-1649), Poeticarum institutionum libri tres, livre 2, chapitre 5, paragraphe 12, critique la définition de la protase par Donat ou Evanthe : par l’exemple du Miles gloriosus de Plaute, il montre que la protase peut ne pas être au début de la pièce (elle est au début du second acte).

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