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Satyre

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Satyre.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome III, p. 100-104 :

SATYRE. Poëme dans lequel on attaque directement le vice, ou quelque ridicule blâmable. Cependant la satyre n'a pas toujours eu le même fond ni la même forme dans tous les tems. Elle a même éprouvé, chez les Grecs & chez les Romains, des vicissitudes & des variations si singulieres, que les Savans ont bien de la peine à en trouver le fil. J'ai lu, pour le chercher & pour le suivre, les Traités qu'en ont fait, avec plus ou moins d'étendue, Casaubon, Heinsius, MM. Spanheim, Dacier & le Batteux. Voici les lumieres que j'ai puisées dans leurs Ouvrages.

De l'Origine des Satyres parmi les Grecs.

Les Satyres, dans leur premiere origine, n'avoient pour but que le plaisir & la joie ; c'étoient des Farces de Village, un amusement ou un Spectacle de gens assemblés pour se délasser de leurs travaux, & pour se réjouir de leur récolte ou de leurs vendanges. Des jeux champêtres, des railleries grossieres, des postures grotesques, des vers faits sur le champ, & récités en dansant, produisirent cette sorte de Poésie, à laquelle Aristote donne le nom de satyrique & de danse. C'est d'elle que naquit la Tragédie, qui n'eut pas seulement la même origine ; mais qui en garda assez long-tems un caractère plus burlesque, pour ainsi dire, que sérieux. Quoique tirée du Poëme Satyrique, dit Aristote, elle ne devint grave que long-tems après. Ce fut quand ce changement lui arriva, que le divertissement des compositions satyriques passa de la Campagne sur les Théâtres, & fut attaché à la Tragédie même, pour en tempérer la gravité qu'on s'étoit enfin avisé de lui donner. Comme ces Spectacles étoient consacrés à l'honneur de Bacchus, le Dieu de la joie, & qu'ils faisoient partie de la Fête, on crut qu'il étoit convenable d'y introduire des Satyres, ses compagnons de débauche, & de leur faire jouer un rôle également comique par leur équipage, par leurs actions & par leurs discours. On voulut, par ce moyen, égayer le Théâtre, & donner matiere de rire aux Spectateurs, dans l'esprit desquels on venoit de répandre la terreur & la tristesse, par des représentations tragiques. La différence qui se trouvoit entre la Tragédie & les Satyres des Grecs, consistoit uniquement dans le rire que la premiere n'admettoit pas, & qui étoit de l'essence de ces dernieres. C'est pourquoi Horace les appelle, d'un côté, agrestes satyros, eu égard à leur origine ; & risores satyros , par rapport à leur but principal.

Du tems auquel on jouoit ces Piéces satyriques.

Ainsi le nom de Satyre ou Satyri, demeura attaché parmi les Grecs, aux Piéces de Théâtres dont nous venons de parler, & qui, d'abord, furent entre-mêlées dans les Actes des Tragédies, non pas tant pour en marquer les intervalles, que comme des intermédes agréables ; à quoi les danses & les postures bouffonnes de ces Satyres ne contribuerent pas moins, que leurs discours de plaisanterię. On joua ensuite séparément ces mêmes Piéces, après les représentations des Tragédies ; ainsi qu'on joua à Rome, & dans le même but, les espéces de Farces nommées Exodes. Ces Poëmes satyriques firent donc la derniere partie de ces célèbres représentations des Piéces Dramatiques, à qui on donna le nom de Tétralogie parmi les Grecs.

Des Personnages des Satyres.

Si, dans les commencemens, les Piéces satyriques n'avoient pour Acteurs que des Satyres ou des Sylènes, les choses changerent ensuite. Le Cyclope d'Euripide, les titres des anciennes Piéces satyriques, & plusieurs auteurs, nous apprennent que les Dieux, ou demi Dieux, & des Heroïnes, comme Omphale, y trouvoient leurs places, & en faisoient même le sujet principal. Le sérieux se mêla quelquefois parmi le burlesque des Acteurs qui faisoient le rôle des Sylènes & des Satyres. En un mot, la Satyrique, ( car on la nommoit aussi de ce nom,) tenoit alors le milieu entre la Tragédie & l'ancienne Comédie. Elle avoit de commun, avec la premiere, la dignité des Personnages qu'on y faisoit entrer, comme nous venons de voir, & qui, d'ordinaire, étoient pris des tems héroïques ; & elle participoir de l'autre, par des railleries libres & piquantes, des expressions burlesques, & un dénouement de la Fable : dénouement, le plus souvent, gai & heureux. C'est ce que nous apprend le grand Commentateur Grec d'Homere, Eusthathius. C'est le propre du Poëme saryrique, nous dit-il, de tenir le milieu entre le Tragique & le Comique. Voilà presque le Comique larmoyant de nos jours, dont l'origine est toute Grecque, sans que nous nous en fussions douté.

Différence entre les Piéces Satyriques & Comiques.

Quelque rapport qu'il y eût entre les Piéces satyriques & celles de l'ancienne Comédie, je ne crois pas qu'elles ayent été confondues par des Auteurs anciens. Il restoit des différences assez grandes qui les distinguoient, soit à l'égard des sujets qui, dans les Piéces satyriques, étoient pris d'ordinaire des Fables anciennes, & des demi-Dieux ou des Héros ; soit en ce que les Satyres y intervinrent avec leurs danses, & dans l'équipage qui leur est propre ; soit de ce que leurs plaisanteries avoient plutôt pour but de divertir ou de faire rire, que de mordre & de tourner en ridicule leurs Concitoyens, leurs Villes & leurs Pays, comme Horace dit de Lucilius, l'imitateur d'Aristophane & de ses pareils. J'ajoute, que la composition n'en étoit pas la même, & que l'ancienne Comédie ne se lia point aux vers iambiques, comme firent les Piéces satyriques des Grecs. Concluons que ce fut aux Poëmes Dramatiques, dans lesquels intervenoient des Satyres, avec leurs danses & leurs équipages, que demeura attaché, parmi les Grecs, le même nom de Satyre, celui de satyrique ou de Piéces satyriques.

Références :

L’auteur de cet article donne une liste d’auteurs d’ouvrages savants dont il s’est servi pour s’informer : Casaubon (1559-1614), humaniste et érudit, auteur de De satyrica Graecorum poesi et Romanorum satira libri duo (1604), Daniel Heinsius (1580-1655), qui a publié une édition de la Poétique d’Aristote ou son fils Nicolas Heinsius (1620-1681), MM. Spanheim (s’agit-il d’Ezéchiel Spanheim (1629-1710), diplomate et savant allemand, qui a publié une édition d’Aristophane, de son père Friedrich ou de son frère Friedrich ?), Dacier (1651-1722), auteur d’une édition de la Poétique d’Aristote, & le Batteux. Les trois derniers noms sont précédés d’un « MM. » qui indique qu’ils sont vivants au moment de la rédaction de l’article.

C’est Aristote, Poétique, chapitre 4, qui donne le nom de poésie satyrique aux farces de village. La tragédie, d’après lui en dérive, mais longtemps après.

Euripide, le Cyclope, la seule pièce satyrique qui nous soit parvenue, met en scène Silène, Ulysse et Polyphème, et un chœur composé de satyres. Le genre que cette pièce illustre met en scène dieux, demi-dieux et héroïnes.

Eusthatius de Thessalonique, commentateur d’Homère au XIIe siècle, dit que le poème satyrique « tient le milieu » entre le tragique et le comique.

Horace emploie deux formules pour désigner ces satyres : agrestes satyros (Art poétique, v. 221) et risores satyros (Art poétique, v. 225-226)

Les auteurs de la comédie ancienne, dont le latin Lucilius est l’imitateur selon Horace (Satires livre 1, satire 4), tournent en ridicule leurs concitoyens, leurs cités, leur pays.

 

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