Tétralogie

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Tétralogie.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome III, p. 230-232 :

TETRALOGIE. On nommoit chez les Grecs Tétralogie, quatre pièces dramatiques d'un même Auteur, dont les trois premières étoient des Tragédies, & la quatrième satyrique ou bouffonne : le but de ces quatre Pièces d'un même Poëte, étoit de remporter la victoire dans les combats littéraires.

On sçait que les Poëtes tragiques combattoient pour la couronne de la gloire, aux Dionysyaques, aux Lénées, aux Panathénées, & aux Chytriaques, solemnités qui toutes, à l'exception des Panathénées, dont Minerve étoit l'objet étoient consacrées à Bacchus. Il falloir que cette coutume fût assez ancienne, puisque Lycurgue, Orateur célèbre, qui yivoit à Athènes du tems de Philippe & d'Alexandre, la remit en vigueur pour augmenter l'émulation parmi les Poètes ; il accordoit même le droit de Bourgeoisie à celui qui seroit proclamé vainqueur aux Chytriaques.

Plutarque prétend que du tems de Thespis, qui vivoit vers la soixantieme Olympiade, les Poëtes tragiques ne connoissoient point encore ces jeux littéraires, & que leur usage ne s'établit que sous Eschyle & Phrynichus ; mais les marbres d'Oxford, ainsi qu'Horace, disent formellement le contraire. Il est vrai néanmoins, que les combats entre ces Auteurs ne devinrent célèbres, que vers la soixante-dix-septiéme Olympiade, lorsque les Poëtes commencèrent à se disputer le prix par les Pièce dramatiques, qui étoient connus sous le nom général de Tétralogie.

Il est souvent fait mention de ces Tétralogies chez les Anciens : nous avons même, dans les Ouvrages d'Eschyle & d'Euripide, quelques-unes des Tragédies qui en faisoient partie On y voit sous quel Achante elles avoient été jouées, &: le nom des concurrens qui leur avaient enlevé ou disputé la victoire- Les Tétralogies les plus difficiles & les plus estimées avoient chacune pour sujet une des aventures d'un même Héros ; par exemple, d'Oreste, d'Ulysse, d'Achille, de Pandion ; c'est pourquoi on donnoit à ces quatre pieces un seul & même nom, qui étoit celui du Héros qu'elles représentoient : la Pandionide de Philoclès & l'Orestiade d'Eschyle formoient quatre Tragédies, qui rouloient sur autant d'aventures de Pandion & d'Oreste.

La première des Tragédies qui composoient l'Orestiade, étoit intitulée Agamemnon ; la seconde, les Cæphores [sic]; la troisieme , les Eumenides. Nous avons encore ces trois Pièces ; mais la quatrieme, qui était le Drame satyrique, & intitulé Protée, ne se trouve plus. Or, quoique, sur-tout dans l'Agamemnon, il ne soit parlé d'Oreste qu'en passant, cependant comme la mort du Prince, qui étoit pere d'Oreste, est l'occasion & le sujet des Cæphores & des Euménides, on donna le nom d'Orestiade à cette Tétralogie.

Ælien nous a conservé le titre de deux Tetralogies. dont les Pièces ont encore entr'elles quelqu'affinité. Il dit qu'en la quatre-vingt-onziéme Olympiade, dans laquelle Exainete d'Agrigente remporta le prix de la course, un certain Xénoclès, qui lui étoit peu connu, obtint le prix de Tétralogie, dont le sujet étoit Œdipe, Licaon & les Bachantes, suivies d'Athamas, Drame satyrique : vous voyez que ces trois Pièces, quoique tirées d'histoires différentes, rouloient cependant à peu près sur des crimes de même nature. Œdipe avoit tué son père ; Lycaon mangeoit de la chair humaine ; & les Bacchantes écorchoient quelquefois leurs propres enfans. On peut dire la même chose de la Tétralogie d'Euripide, dont la première Tragédie avoit pour titre Alexandre ou Pâris ; la seconde, Palaméde ; & la troisiéme, les Troyennes ; ces trois sujets avoient tous rapport à la même Histoire, qui est celle de Troye.

Références :

Pièces :

Eschyle, l’Orestie (458 avant notre ère) : tétralogie dont nous avons les trois tragédies, Agamemnon, les Choéphores, les Euménides. Ne manque que le drame satyrique, Protée.

Euripide est l’auteur d'une tétralogie, composée d’ Alexandre ou Pâris, de Palaméde et des Troyennes, trois tragédies ayant un rapport avec la guerre de Troie, et de Sisyphe, drame satyrique. Elle n’a pas gagnée le prix, accordé à Xénoclès.

Critique littéraire :

Elien (Claude Elien, dit Elien le Sophiste, vers 175-vers 235), Histoires diverses, livre 2, chapitre 8, nous donne le nom du vainqueur de la compétition dramatique de la 91e Olympiade, un certain Xénoclès, couronné pour Œdipe, Lycaon & les Bacchantes, suivies d'Athamas, le drame satyrique, trois tragédies sur des héros ayant commis des crimes de même nature. Il cite également, au même endroit, la tétralogie d’Euripide que Xénoclès a vaincu, au grand scandale d’Elien. Juge signorants ou juges corrompus ?

Horace, Art poétique, vers 275-279, contredit Plutarque : c’est bien Thespis qui inventa la tragédie

Plutarque, Vie de Solon, chapitre 40, fixe la création des compétition théâtrale, non à l’époque de Thespis, mais à celle d’Eschyle et de Phrynichus.

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