Tragédie lyrique

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Tragédie-lyrique.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome III, p. 304-306 :

TRAGÉDIE-LYRIQUE. Voyez Opera. On ne sera pas fâché de trouver ici ce que M. de Voltaire dit de ce Spectacle, & des observations qu'il y fait. L'Opera, dit-il, est un Spectacle aussi bisarre que magnifique ; où les yeux & les oreilles font plus satisfaits que l'esprit ; où l'asservissement à la Musique rend nécessaires les fautes les plus ridicules ; où il faut chanter des Ariettes dans la destruction d'une Ville, & danser autour d'un tombeau ; où l'on voit le Palais de Pluton, & celui du Soleil, des Dieux, des Démons, des Magiciens, des prestiges, des Monstres, des Palais formés & détruits en un clin-d'œil. On tolère ces extravagances ; on les aime même, parce qu'on est là dans un pays des Fées ; & pourvu qu'il y ait du Spectacle, de belles danses, une belle Musique, & quelques Scènes intéressantes, on est content. Il seroit aussi ridicule d'exiger dans Alceste, l'unité de lieu, de tems, & d'action, que de vouloir introduire des danses, des Démons dans Cinna, ou dans Rodogune. Le vice de notre Opera, dit-il encore, c'est qu'une Tragédie ne peut être par-tout passionnée ; qu'il y faut du raisonnement, du détail, des événemens préparés, & que la Musique ne peut rendre heureusement ce qui n'est pas animé, & ce qui ne va pas au cœur.

L'art du Musicien n'est pas moins nécessaire pour la composition d'une Tragédie-Lyrique, que le génie du Poëte. Ils doivent concourir l’un & l'autre à faire un même tableau, & à rendre par les moyens propres à leur art, les mêmes idées & les mêmes sentimens. Le Poëte trace le plan, & donne l'ordonnance. C'est au Musicien à mettre le coloris, & à- faire paroître les objets sous les traits qui leur sont propres. Selon la judicieuse remarque de l'Auteur du Spectacle des beaux Arts, le Musicien est soumis pour la composition de son récitatif & de son chant, aux mêmes régles que l'est le Poëte lui-même pour la composition de son Poëme. Il ne doit pas se contenter de donner une expression vague aux paroles du Poëte. Il doit mettre de l'unité, de la marche, de la progression ; enfin un ensemble, un tout dans sa composition, de manière qu'il y ait une gradation sensible d'intérêt dans le plan Musical, ainsi que dans le Poëme. Pour cela il faudroit, selon le même Auteur, éteindre & supprimer l'Harmonie & le chant du récitatif, & donner plus d'éclat & de saillie aux airs. Les Vers devroient être rendus plutôt d'un ton de déclamation, que d'un chant soutenu & travaillé. Les morceaux destinés à former les airs, en sortiroient mieux, au lieu qu'ils sont, pour l'ordinaire, ensevelis & noyés dans le récitatif. Une régle excellente pour le Musicien, c'est de ne donner un mouvement marqué,un chant vif & saillant, en un mot, un caractère, qu'aux traits principaux du Poëme, & de chercher seulement un ton de déclamation analogue & propre à l'accent & au génie de la langue, pour tout ce qui n'est que de récit. Il doit se conformer à la nature ; être simple dans son récit ; énergique dans les morceaux de passion & de sentiment. Ainsi dans le langage ordinaire, & dans la bonne déclamation Théâtrale, la voix a peu d'inflexion, lorsqu'elle rend des choses indifférentes ; mais elle s'élève & devient forte dans les mouvemens de passion.

Références :

Pièces :

Corneille, Cinna, Rodogune : l’article cite ces tragédies pour montrer la différence radicale entre opéra (danse, merveilleux) et la tragédie (indispensables unités).

Quinault, Alceste (musique de Lully) : exemple pris pour montrer que l’opéra ne peut respecter la règle des trois unités, indispensables à la tragédie.

Critique littéraire :

Voltaire, préface à Œdipe, de l’Opéra : son opinion sur l’opéra et les observations qu’il fait. L’opéra, spectacle aussi bizarre que magnifique. Le premier paragraphe de l’article, sauf la dernière phrase reprend une partie de cette préface.

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