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Unité de temps

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Unité de temps.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome III, p. 396-399 :

UNITÉ DE TEMS. L'Unité de Tems est jointe naturellement aux deux premières ; en voici, je crois, une preuve bien sensible. J'assiste à une Tragédie, c'est-à-dire, à la représentation d'une action. Le sujet est l’accomplissement de cette action unique. On conspire contre Auguste dans Rome ; je veux sçavoir ce qui va arriver d'Auguste & des conjurés. Si le Poëte fait durer l'action quinze jours, il doit me rendre compte de ce qui se sera passé dans ces 15 jours ; car je euis là pour être informé de ce qui se passe, & rien ne doit arriver d'inutile. Or, s'il met devant mes yeux 15 jours d'événemens, voilà au moins 15 actions différentes, quelque petites qu'elles puissent être. Ce n'est plus uniquement cet accomplissement de la conspiration, auquel il falloit marcher rapidement ; c'est une longue histoire qui ne fera plus intéressante, parce qu'elle ne sera plus vive, parce que tout se sera écarté du moment de la décision, qui est le seul que j'attends. Je ne suis point venu à la Comédie pour entendre l'histoire d un Héros, mais pour voir un seul événement de sa vie. Il y a plus, le Spectateur n'est que trois heures à la Comédie ; il ne faut donc pas que l'action dure plus de trois heures. Cinna, Andromaque, Bajazet, Œdipe, soit celui du grand Corneille, soit celui de M. de la Motte, soit celui de M de Voltaire, ne durent pas davantage. Si quelques autres pièces exigent plus de tems, c'est une licence qui n'est pardonnable qu'en faveur des beautés de l'ouvrage ; & plus cette licence est grande, plus elle est faute. Nous étendons souvent l'Unité de tems jusqu'à 24 heures, & l'Unité de Lieu à l'enceinte de tout un Palais. Plus de sévérité rendroit quelquefois d'assez beaux sujets impraticables, & plus d'indulgence ouvriroit la carrière à de trop grands abus : car s'il étoit une fois établi qu'une action théâtrale pût se passer en deux jours, bientôt quelqu'Auteur y emploieroit deux semaines, & un autre deux années ; & si l'on ne réduisoit pas le lieu de la Scène à un espace limité, nous verrions en peu de tems des pièces telles que l'ancien Jules César des Anglois où Cassius & Brutus sont à Rome au premier Acte, & en Thessalie dans le cinquième.

La règle des 24 heures n'est point une règle ; c'est une extension favorable de la véritable règle qui n'accorde à l'action de la Tragédie que la durée de sa représentation. Mais pourquoi cette extension va t-elle si loin que 24 heures, ou pourquoi ne va t-elle pas plus loin ? Fixation purement arbitraire, & qui ne doit avoir nulle autorité. Cependant la règle des 24 heures est la plus généralement connue de toutes celles du Théâtre , même la plus respectée, & celle qui, dans le tems que les règles reparurent au monde, sortit la première des ténèbres de l'oubli. Elle peut servir d'exemple de la facilité qu'ont les hommes à recevoir des maximes qu'ils n'entendent point, & à s'y attacher de tout le cœur. Il semble que l'Unité de tems doive être plus importante que celle de lieu On vient à un Spectacle, prévenu que ce qu'on va voir se passe dans un autre lieu que celui ou l'on est : la décoration du Théâtre aide à cette illusion ; quand elle change, nous croyons sans peine que les Acteurs ont aussi changé de lieu : & comme nous n'avons jamais cru être avec eux, ce sont eux que l’on transporte & non pas nous. Mais à l'égard du tems, nous n'arrivons point persuadés que ce que nous verrons se passera dans un tems plus long que celui que nous mettons à le voir ; rien ne nous met dans cette erreur , & la durée de deux heures est nécessairement la mesure de ce qui se fait sous nos yeux pendant ce tems-là.

Cependant l'Unité de lieu, quoique peut-être un peu moins importante, est plus observée que celle de tems. Il est plus aisé de mettre tous les Personnages, non pas à la vérité dans le même appartement, mais dans le même Palais, que de renfermer en deux heures un grand événement.

La régie de l'Unité de jour, ou de tems, a son fondement sur ce mot d'Aristote, que la Tragédie doit renfermer la durée de son action dans un tour de soleil ; & cette régle d'Aristote est fondée sur la raison, & puisée dans la nature.

On ne doit jamais indiquée le tems de la durée d'un Drame, à moins que le sujet n'en ait besoin, principalement quand la vraisemblance y est un peu forcée. Dans les actions même qui n'ont pas plus de durée que la représentation, il seroit ridicule de marquer d'Acte en Acte qu'il s'est passé une demi-heure de l'un à l'autre.

Références :

Pièces :

Toutes ces pièces inscrivent leur action dans une durée de 3 heures, la durée de la représentation :

Corneille, Cinna (1641),

Corneille, Œdipe (1659),

Houdar de La Motte, Œdipe (1726),

Racine, Andromaque (1667),

Racine, Bajazet (1672),

Voltaire, Œdipe (1718).

Par contre

Shakespeare, Jules César (1599) : les personnages sont à Rome au premier acte, et en Thessalie au cinquième.

Critique littéraire :

Aristote, Poétique, chapitre 5, a défini l’unité de temps dans la durée de 12 heures, durée d’un tour de soleil.

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