Vrai

Les mots du théâtre au XVIIIe siècle.

Vrai.

Chamfort et Laporte, Dictionnaire dramatique, tome III, p. 401-402 :

VRAI. Boileau a dit, après les Anciens :

        Le Vrai seul est aimable ;
Il doit régner par-tout , & même dans la Fable.

Il a été le premier à observer cette loi qu'il a donnée : presque tous ses ouvrages respirent le Vrai ; c'est-à-dire, qu'ils font une copie fidèle de la nature. Ce Vrai doit se trouver dans l'historique, dans le morale, dans la fiction, dans les sentences, dans les descriptions &dans l'allégorie. Racine n'a presque jamais perdu de vue le Vrai dans ses Pièces de Théâtre. Il n'y a guères chez lui l'exemple d'un Personnage ait un sentiment faux, qui l'exprime d'une maniere opposée à sa situation ; si vous en exceptez Théramene, Gouverneur d'Hyppolite, qui l'encourage ridiculement dans ses froides amour pour Aricie :

Vous-même, où seriez-vous, vous qui la combattez,
Si toujours Antiope, à ses loix opposée,
D'une pudique ardeur n'eût brûlé pour Thésée ?

Il est vrai physiquement qu'Hyppolite ne seroit pas venu au monde sans sa mère : mais il n'est pas dans le vrai des mœurs, dans le caractère d'un Gouverneur sage, d'inspirer à son Pupille de faire l'amour contre la défense de son Pere. C'est pécher contre le vrai, que de peindre Cinna comme un conjuré timide, entraîné malgré lui dans la conspiration contre Auguste, & de faire ensuite conseiller à Auguste, par ce même Cinna, de garder l'Empire, pour avoir un prétexte de l'assassiner. Ce trait n'est pas conforme à son caractère. Il n'y a rien de vrai. Corneille pèche souvent contre cette loi dans les détails.

Références :

Pièces :

Corneille, Cinna : le caractère de Cinna n’est pas cohérent, il ne peut être à la fois « un conjuré timide », et conseiller à Auguste de rester au pouvoir pour pouvoir l’assassiner.

Racine, Phèdre, acte 1, scène 1, vers 124-126 : Théramène n’est pas un caractère vrai quand il conseille à Hippolyte d’aimer Aricie, contre l’avis de son père : aucun « Gouverneur sage » ne parlerait ainsi à son élève.

Critique littéraire :

Boileau, Épitres, épitre 9, vers 43-44 : une des formules les plus connues de Boileau, un peu amputée (« Rien n’est beau que le vrai... »), affirmant le lien indissoluble du vrai et du beau.

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