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11, 76, 88

11, 76, 88, anecdote en un acte et en prose, de Dieulafoy, Dubois et Chazet, 21 floréal an 10 [11 mai 1802].

Théâtre du Vaudeville

Almanach des Muses 1803

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 10 (1802) :

11, 76, 88, ou le terne de Gonesse, vaudeville anecdote en un acte et en prose, par les citoyens Dieu-la-Foy, Dubois et Chazet. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le 21 floréal, an 10. A Paris, chez Barba, an X (1802) [http://books.google.fr/books?id=2js6AAAAcAAJ&pg=PA1]

Explication du titre : « terne » désigne le fait de trouver trois numéros parmi les cinq numéros gagnants de la loterie royale – sur 90 numéros (on gagnait alors 5500 fois sa mise). Un bon numéro = extrait simple, deux = ambe, trois = terne, quatre = quaterne, cinq = quine.

Courrier des spectacles, n° 1893 du 22 floréal an 10 [12 mai 1802], p. 2 :

[Une pièce de circonstance, destinée à mettre à l'honneur l'auteur d'une action généreuse, ce qui est louable. Mais cela ne justifie pas la faiblesse d'un couplet d'annonce un peu racoleur, et une pièce qui mêle détails spirituels et « choses triviales et peu dignes du Vaudeville ». L'intrigue est une anecdote très morale : un pauvre jardinier qui ne peut miser à la loterie justement quand ses numéros fétiches sortent, et que le buraliste a la générosité de proclamer gagnant, tout en acceptant enfin de marier son fils avec la fille du jardinier. Après avoir nommé les auteurs, le critique porte un jugement mitigé. Le public a murmuré d'un fonds très léger, tandis qu'un des personnages est jugé plus digne de la farce et indigne de ce théâtre. Par contre les acteurs sont bien jugés. Le couplet de la fin, appel à la bienveillance du public, a été très bien chanté par la principale interprète.]

Théâtre du Vaudeville.

Première Représentation de 11, 76 et 88.

Honneur à ceux qui saisissent l’occasion de célébrer un acte do probité et de désintéressement ; honneur surtout à ceux qui le célèbrent dignement. Mais que d’auteurs méritent à cet égard le reproche de la précipitation, et sont par conséquent au-dessous de leur sujet  ! C’est d’eux qu’on a dit :

Chantez la circonstance et mourrez avec elle.

Cet anathème lancé contre les auteurs de pièces de circonstance, n’a cependant pas effrayé trois chansonniers qui ont voulu retracer à nos yeux un trait dont les journaux ont fait mention il y a quelque tems, au sujet d’un terne de loterie composé des nombres 11, 76 et 88.

Ces numéros offrent un trait
D'une probité sans égale ;
Le Buraliste qui l'a fait
Est parmi vous dans cette salle
.
Qu’il excite votre intérêt,
Et qu’une indulgence nouvelle
Oppose au défaut du portrait
        La beauté du modèle.

La présence de l’auteur de cette action désintéressée a sans doute empêché de trouver le commencement sur-tout de ce couplet d’annonce extrêmement foible, ainsi que la pièce elle-même, dans laquelle néanmoins on doit convenir qu’il y a des détails spirituels, à côté de choses triviales et peu dignes du Vaudeville.

La scène se passe à Gonesse. Les habitans réunis près du bureau de loterie viennent y faire des mises. Parmi eux est Bellefleur le jardinier qui poursuit trois numéros et qui plusieurs fois a eu recours â la générosité du buraliste Fauvel pour payer le montant de sa mise. Aujourd'hui il n’a pas encore d’argent, sa fille lui conseille de s'adresser à Auguste , fils de M. Fauvel. Bellefleur connoit l’inclination du jeune homme pour sa fille : Non pas, non pas, dit il ;

Je refuse ce bon service,
Dussé-je te contrarier ;
L’Amour peut me rendre un service,
Mais l’Amour est un usurier.
Trop souvent en pareille affaire
On voit, par un zèle indiscret,
De l’argent que l’on prête au père
La fille payer l’intérêt.

Il s’adresse à M. Fauvel lui-même, mais il n’ose lui avouer qu’il n’a pas d’argent. Le Buraliste veut le détourner de faire une mise ; Bellefleur n’ayant osé parler, se retire, et bientôt après les numéros sortis arrivent de Paris. On s’empresse  on regarde, les numéros du jardinier font partie des cinq. Désolé et menacé d’ailleurs de perdre son jardin, il va quitter Gonesse, lorsque M. Fauvel le rappelle, lui déclare qu’il a fait sa mise et consent au mariage d’Auguste avec sa fille.

Les auteurs de cette bluette sont les citoyens Dieu-la-Foi, Chazet et Dubois. Plusieurs murmures leur ont fait sentir qu’ils n’avoient pas rempli l’attente du public ; mais quest-ce qu’un fonds aussi léger ? Leur personnage de Farinet appartient à la farce, et il faut avouer que ce n’etoit guères là sa place. Les deux rô!es sur-tout de M. Fauvel et de Bellefleur ont été bien rendus par les cit. Vertpre et Duchaume Mlle Desmares a joué aussi avec intelligence celui de Rose ; elle a chanté à la fin ce couplet au public :

On dit que le parterre en France
Est le banquier de maint auteur,
Mais que souvent ce débiteur
Leur manque au jour de l'échéance.
Des nôtres fixant les destins,
Sur ce point qui les importune,
Prouvez-leur qu'ils ont dans vos mains
        Bien placé leur fortune.

F- J. B. P. G***.          

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts d'A. L. Millin, VIII.e année, tome I.er, an X – 1802, p. 104-105 :

11 ; 76 ; 88.

C'est sous ce titre bizarre qu'on a joué au théâtre du Vaudeville, le 1.er prairial, l'anecdote arrivée à Gonesse, chez le C. Fauvel, buraliste de cette ville. Cette anecdote, insérée dans tous les journaux, a fait connoître le généreux désintéressement du C. Fauvel. Il assistoit lui-même à la première représentation de cette pièce, et n'a pas dû être bien satisfait de l'esprit des auteurs qui l'ont mis en scène. En effet, rien de plus insipide que cette production nouvelle, où le genre des jeux de mots et des pointes, brille dans tout son éclat. Une légère intrigue d'amour achève d'endormir le public qui sait d'avance tout ce qui doit arriver. C'est M. Bellefleur, jardinier de Gonesse, qui suit le terne, et à qui M. Fauvel a déjà fait des avances. Fauvel fils aime la fille du jardinier de Gonesse ; il a pour rival un Farinet, garçon boulanger, plus bête que Jocrisse, car ses bêtises ne font pas rire. Le terne sort. Mais M. Fauvel qui a refusé à Bellefleur de lui prêter de quoi faire sa mise, l'a faite en secret, et lui paye le terne au moment où celui-ci se désole. Le mariage des deux amans termine très-naturellement la pièce. Les gens de goût ont dû s'étonner d'entendre nommer les auteurs, les CC. Dieulafoy, Chazet et Dubois. Ce dernier fait, par cet ouvrage, son début au Vaudeville. Il paroît que la promptitude avec laquelle la pièce a été faite, n'a pas peu contribué à sa foiblesse ; mais du moins un jardinier ne devroit pas parler comme un poète de ruelle, et faire des madrigaux et des épigrammes qui ne conviennent ni à son état ni à son caractère.

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