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Acis et Galatée

Acis et Galatée, ballet en un acte, de Duport, musique de Darondeau et Gianella, représenté pour la première fois sur la scène de l’Académie Impériale de Musique le 10 mai 1805.

Titre :

Acis et Galatée

Genre

ballet

Nombre d'actes :

1

Musique :

oui

Date de création :

10 mai 1805

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra

Chorégraphe(s) :

Duport

Compositeur(s) :

Darondeau et Gianella

Courrier des spectacles, n° 3008 du 21 floréal an 13 [11 mai 1805], p. 2-4 :

[Compte rendu fleuve d'un ballet que le critique a trouvé au-dessus de tout reproche. Il prend bien sûr soin de montrer son érudition. Le ballet n'est pas fidèle à la tradition de la mythologie, mais cet écart était nécessaire pour respecter le personnage d'Acis, « un jeune et simple berger ». Le critique approuve le changement du dénouement, « des spectateurs galans et délicats » ne pouvant approuver le triomphe du cyclope sur Acis, qui est pourtant « l'ordre naturel des choses ». Après ces préliminaires, le critique entreprend de raconter de façon précise le scénario du ballet, en insistant sur le spectacle donné et la musique qui l'accompagne. Après l'arrivée des deux héros, Acis, puis Galatée, « la scène change tout à coup » avec l'arrivée du cyclope, décrit comme un monstre affreux, mais qui peut entreprendre de séduire la belle Galatée grâce à sa richesse, à la quelle nul ne peut résister : « l'or n'a jamais trouvé de rebelles ». Certes, les cadeaux de Polyphème ne sont plus de ceux qu'on offre en 1805, mais les temps ont changé. Certain de triompher, le cyclope organise une fête effrayante en l'honneur de Galatée, insensible à ses tentatives de séduction. Constatant son échec, il s'en prend à Acis, mais la foudre de Jupiter terrasse le cyclope. Dénouement contraire à ce que dit la mythologie, et que le critique s'attache à justifier : « il vaut mieux faire tomber le coup sur un ogre hideux, sauvage et haï, que sur un berger joli, tendre et fidèle ». Le jugement porté ensuite est positif : plan bien conçu, ballet plein de mouvements dramatiques, avec ce qu'il faut d'oppositions. Et la pantomime est bien adaptée à l'expression des sentiments des personnages. Un tel ballet ne pouvait échouer, et l'inquiétude exprimée par Duport dans son programme n'a pas lieu d'être. Les spectateurs ont accueilli le spectacle avec bienveillance. L'article s'achève par un examen de la distribution. La première place est accordée à un enfant prodige, la petite Hulin, cinq ans, qui se voit confier un rôle important dont elle s'acquitte avec brio. Mais tous les interprètes sont félicités, Duport, sa sœur, Hulin (le père de la petite Hulin) et bien d'autres. On a pu s'étonner de la taille des interprètes, choisis d'après certains pour leur petite taille, pour ne pas dépasser celle de Duport, mais le critique pense qu'il s'agissait de montrer la disproportion entre le cyclope, gigantesque, et les autres personnages. Reproches habituels : « quelques imitations », « des morceaux, dont le caractère manque peut-être de noblesse ». Mais l'essentiel, c'est le succès complet de la représentation.

Dans ce long compte rendu, il faut noter l'absence de la musique...]

Académie Impériale de Musique.

Acis et Galathée.

Ovide et Théocrite ont traité successivement les amours malheureux d’Acis et Galathée. Chez eux, c’est la puissance et la force qui triomphent ; un Cyclope qui manie des quartiers de rochers comme les géants de la Fable, qui peut à son gré arracher les forêts, soulever les montagnes et troubler les élémens, étoit un adversaire trop redoutable pour un jeune et simple berger, qui n’avoit à opposer à tant de pouvoir que l’ascendant de sa beauté, de sa jeunesse, et d’un amour tendre et délicat.

En mettant ce sujet sur la scène, il étoit difficile de s’astreindre exactement aux récits des poëtes de l’antiquité. Des spectateurs galans et délicats n’auroient pu voir l’aimable Acis expirant sons la main d’un Cyclope difforme et féroce. M. Duport a senti cette difficulté, et l’a prévenue. C’est donc Acis qui devient heureux et le Cyclope qui périt. Si ce dénouement est moins d’accord avec l’ordre naturel des choses, il se concilie mieux avec les intérêts et les dispositions du cœur.

Le ballet d’Acis et Galathée ne forme qu’un seul acte composé de deux parties d’une couleur et d’un effet entièrement opposés. La scène est dans l’isle de Lemnos, et représente un site gracieux et varié. Sur le devant est le temple de l’Amour, dans un enfoncement la grotte des Cyclopes, plus loin la mer, sur les côtés une ceinture de collines.

Tandis que de petits Amours s’amusent à jouer sur les bords de la mer, leur chef descend sur un nuage et vient se réunir à eux. On fête son arrivée par des danses.

Au milieu de ces jeux, un bruit de chasse se fait entendre et les Amours se précipitent dans le temple. On voit paroître Acis suivi de ses jeunes chasseurs. La vue du temple ranime dans son cœur son amour pour Galathée ; il fait éloigner ses compagnons, et resté seul. il exprime sa douleur de ne pouvoir se faire aimer. Le Dieu des amours s’approche de lui, et touché de ses larmes, lui promet de le servir.

Bientôt les airs retentissent des sons d’une musique agréable : c’est Galathée qui s’avance dans une conque marine, entourée du cortège de ses nymphes. Cupidon fait cacher Acis. Tous les petits Amours sortent du temple et se mettent à poursuivre les nymphes, qui fuient pour les éviter. Galathée veut les suivre, mais Cupidon l’arrête, parvient à lui donner un baiser, et rend son cœur sensible. Acis reparoît, et vient exprimer tous ses feux, il est repoussé et court se jeter dans la mer ; mais quelle jeune beauté a jamais voulu laisser périr un amant tendre, aimable et galant ? Galathée retient Acis et ne dissimule plus ses sentimens. Cupidon étend son empire sur tout ce qui t’environne, et amène enchaînés les chasseurs et les nymphes. Tout ne respire plus que bonheur et plaisir.

Mais la scène change tout-à-coup, un bruit effroyable annonce le Cyclope. Polyphéme sort de son antre armé de sa redoutable massue, et prêt à saisir les nymphes, les chasseurs et les Amours pour en faire un repas sanglant dans sa caverne. L’Amour se charge de le dompter ; il le frappe d'un de ses traits, et s’envole pour se dérober aux premiers accès de sa fureur. Le géant sent une flamme brûlante s’allumer dans son cœur ; la vue de Galathée porte le trouble le plus violent dans son sein ; il la saisit toute tremblante, et la jeune nymphe, craignant la dent redoutable de son nouvel amant, n’ose rejetter l’expression de ses feux. On sait de quelle manière étoit constitué Polyphême : une taille gigantesque, une crinière épaisse et en désordre, un seul œil au milieu du front ombragé par un sourcil noir qui s’étend d’une oreille à l’autre, un nez énorme, large et écrasé, applati sur sa bouche ; c’étoit là des moyens peu propres à séduire le cœur d’une jeune néréide ; mais Polyphème étoit riche, et l’or n’a jamais trouvé de rebelles.

Ou voit dans Théocrite et Ovide quels moyens il employa pour faire oublier sa difformité ; il offroit tout ce qu’il possedoit, mille brebis paissant dans les prairies, onze petits chevreaux, quatre petits ours qui tettoicnt, des pigeons, du fromage, des prunes et de l’eau de neige distilée dans les rochers. Il y a peu de belles que l’on séduisit aujourd’hui avec les mêmes ressources ; mais alors on étoit moins poli, et l’on n’avoit ni sallons dorés, ni lapidaires, ni bals de l’Opéra, ni journal des modes.

Polyphème persuadé que Galathée n’est pas insensible à ses promesses, se hâte de lui donner une fête telle qu’il peut l’imaginer. Il fait un signe, et une armée de cyclopes sortent de leurs antres, et exécutent une danse plus propre à glacer de terreur la pauvre Galathée, qu’à lui inspirer le moindre sentiment d’amour pour son redoutable amant. Enfin Polyphême et les officiers de la cour se retirent ; les bergers et les nymphes, qui s'étoient cachés de frayeur, reviennent ; Galathée trouve un nouveau plaisir à revoir son cher Acis ; ils se font des sermens d’amour, et se quittent pour éviter la présence du cyclope ; mais il arrive assez promptement pour les surprendre ; il parcourt les montagnes avec fureur, il saisit les amans, et s’apprête à tuer Acis. Deux fois il lance en l’air le jeune berger, et deux fois le jeune berger , aussi léger que Zéphire, se joue de ses emportemens. Galathée lui échappe de son côté, et va se cacher avec Acis sous un berceau où ils ne peuvent être vus de Polyphème. Alors la rage du monstre est au comble ; il brise tout ce qu’il rencontre , renverse la statue de l’Amour, et insulte au ciel même ; mais Jupiter qui ne souffre pas qu’on oublie ainsi le respect dû aux Immortels, s’arme de ses carreaux ; la foudre gronde, les amans éperdus fuient ; le cyclope veut les écraser d’un éclat de rocher ; mais un éclat de tonnerre l’atteint lui-même, et il périt enseveli sous les débris de sa caverne.

Le dénouement est un peu attentatoire à la gloire d’Ulysse qui, .comme on sait, eut l’avantage de triompher de Polyphême, et de lui crever l’œil dans sa caverne. Mais il falloit que quelqu’un périt ; et quand on est le maître de choisir les victimes, il vaut mieux faire tomber le coup sur un ogre hideux, sauvage et haï, que sur un berger joli, tendre et fidèle.

Le plan de ce ballet est conçu avec esprit et intelligence ; il est riche en mouvemens dramatiques, en effets de scène et en oppositions. Tous les sentimens choisis par l’auteur peuvent être aisément rendus par la pantomime ; car le point capital est que l’on devine la pensée des acteurs, et qu’on suive l’action dans ses incidens principaux.

Il étoit difficile que ce ballet n’eût pas un grand succès ; c’est la production d’un jeune homme qui s’est avancé dans la carrière de la danse avec une rapidité prodigieuse. La préface qu’il a mise à la tète de son programme annonce qu’il a éprouvé des contrariétés ; c’est un événement ordinaire dans toutes les professions. On seroit trop heureux si l’on n'avoit jamais d’obstacles à vaincre ; mais l’art lui-même a des difficultés à surmonter, et il ne faut point s’en plaindre. Les encouragemens que le public a prodigués jusqu’à ce jour à M. Duport doivent le récompenser suffisamment de ses efforts. Il étoit difficile de débuter devant une assemblée plus brillante.

Cet essai étoit une espece de fête à laquelle on étoit accouru de toutes les parties de la capitale. Les grouppes des petits Amours, la variété de leurs jeux, l’élégance de leurs mouvemens, la grâce de leurs pas ont enlevé tous les suffrages ; la fraîcheur de leur teint, la couleur de leur costume formoient un contraste charmant avec le fonds du tableau ; c étoient des roses effeuillées sur un lit de gazon.

Le rôle de Cupidon étoit joué par une petite fille de cinq ans (Mlle. Hulin). Il est rare de trouver tant de grâces et d’intelligence dans un âge aussi tendre. La manière dont il disparoit dans les airs est d’un effet méchanique charmant. Ce qui distingue particulièrement le talent de M. Duport dans cette composition, c’est l’art avec lequel il a sçu disposer les grouppes, varier les tableaux, et produire les effets de scène les plus pittoresques. Il y a paru lui-même comme un météore ; la nature semble l’avoir destiné à vivre avec les Sylphes ; sa danse a été d’une exécution aussi juste et brillante, que hardie et quelquefois périlleuse. Si l’on pouvoit lui reprocher quelque chose, ce seroit peut-être d’abandonner trop la grâce et l’élégance pour se livrer à des tentatives extraordinaires et se donner le plaisir de vaincre les difficultés. M. Lefebvre a joué avec beaucoup d'expression et de vigueur de rôle de Polyphême. Sa pantomime est juste et d’un effet assez dramatique ; mais ses développcmens manquent d’effet. Tous les sujets de la danse se sont surpassés à l’envi ; il suffisoit qu’on eût annoncé que les premiers sujets ne danseroieat pas, pour que ceux qui les remplaçoieut s’efforçassent de prouver qu’ils pouvoient rivaliser avec eux.

On a remarqué sur-tout l’exécution de Baptiste-Petit et de Hulin ; celle de St Amand, de Mlles. Chevigny, Millière, Delillc et Duport est connue ; elle n'a fait que se déployer aujourd’hui avec un nouvel avantage. Les deux rôles d’Acis et Galathéc sont bien remplis par Duport et sa sœur. Le poëme pouvoit être plus fécond en action, mais il ne pouvoit guères être plus riche en danse. On a dit que Duport avoit choisi, pour composer son ballet, des sujets de la taille la moins élevée, afin de les rapprocher de la sienne ; il y a plus de malignité que de justesse dans cette observation, car dans une pièce où il falloit montrer des géants, il étoit fort juste de choisir, pour faire ressortir leur taille, ceux qui s’en approchoient le moins.

On a retrouvé quelques imitations qui n’ont point nui à l'ensemble de l’ouvrage ; mais il y a des morceaux dont le caractère manque peut-être de noblesse ; tels sont quelques scènes enfantines entre Acis et l’Amour ; et celle du Faune avec la Bacchante ; elle a été rendue avec beaucoup de talent par M. Duport et Mlle. Chevigny ; mais il falloit peut-être lui donner un ton de couleur plus délicat et plus modeste.

Le succès de la représentation a été aussi complet qu’il pouvoit l’être. Duport a été vivement demandé, et a reparu au milieu des plus nombreux appaudissemens.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 10e année, 1805, tome III, p. 447 :

THÉATRE DE L'OPÉRA.

Acis et Galatée.

M. Duport a donné un ballet de sa composition, et dans lequel il danse lui-même avec cette légèreté et cette grâce qu'on lui connoît. Il a un peu estropié la mythologie en l'accomodant à son ouvrage ; mais il a fait de jolis tableaux, des groupes gracieux, et des pas étonnans. Voilà tout ce qu'il faut dans un ballet. Tout le monde sait que Polvphême, cet affreux cyclope, étoit épris des charmes de Galatée ; Acis est son rival, et bien entendu son rival préféré. La mort du cyclope lève tous les obstacles, et tous les dieux de l'Olympe viennent embellir la fête du
mariage des deux amans.

Tous les camarades de Duport ont prouvé, par la manière dont ils ont exécuté son ouvrage, que loin d'être jaloux , ils ne cherchoient qu'à assurer son succès.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, prairial an XIII [mai 1805], p. 273-277 :

[Ballet qui a connu un vif succès, mais le critique suggère que cette œuvre charmante et très bien exécutée vaut plus par les difficultés qu’il y avait à vaincre pour la mettre en scène que par sa valeur propre. Le sujet est expliqué à partir des Métamorphoses d’Ovide. Tout le monde connaissant son Ovide, « les savans » sont dispensés de lire l’analyse du sujet, destinée aux gens manquant de mémoire. Cette analyse me paraît devoir beaucoup aux Lettres à Emilie sur la mythologie de Charles-Albert Demoustier, dont elle cite toute une série de vers. Le jugement porté ensuite souligne la fidélité du ballet à la « fable », sauf sur un point, le dénouement, puisque si le ballet s’achève bien sur une mort violente, ce n’est plus Acis qui meurt, mais Polyphème, changement expliqué de façon curieuse : « la catastrophe eût paru trop cruelle » ! C’est la foudre qui cause sa mort, moyen qui n’est pas neuf, mais qui a le mérite d’être rapide. Et « l'on aime encore mieux au spectacle une idée vieille et expéditive, qu'une scène toute neuve, mais qui ferait longueur » (une fois de plus, l’obsession de la longueur ! Rien n’est pire que la longueur !). La danse est jugée de façon positive, tandis que la musique, empruntée un peu partout, est bien adaptée aux situations qu’elle accompagne. Les danseurs ont été tout à fait remarquables, et ils sont cités rapidement avec éloge.]

ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.

Acis et Galathée, ballet.

Succès fou, succès prodigieux, c'est-à-dire, plus proportionné aux obstacles dont l'auteur avait triomphé en faisant représenter son œuvre, qu'au mérite réel de la composition. Tableaux charmans, exécution parfaite.

Le sujet de cette nouveauté avait déjà été traité à l'opéra, mais comme pastorale héroïque, et non pas en forme de ballet. Il est tiré du 13e. livre des Métamorphoses d'Ovide, et peut-être nous dispenserait-on d'en faire ici l'extrait, tant cette source doit être connue, mais il faut n'avoir rien à se reprocher ; quelques personnes peuvent manquer de mémoire, et celles-là du moins liront notre analyse ; c'est donc, à vrai dire, un cas de conscience ; que les savans sautent le feuillet.

Poliphème, fils de Neptune, était un cyclope, c'est-à-dire , un des forgerons travaillant sous la direction de Vulcain, à la fabrication des foudres de Jupiter. Comme tous ses compagnons de forge, il n'avait qu'un œil, et cet œil, placé au milieu du front, allait fort mal à sa figure ; mais il avait, par privilége spécial, une force et une grandeur monstrueuses, ce qui le rendait la terreur de toute la Sicile. Un jour il s'avisa d'aimer Galathée, la plus tendre et la plus belle des Néréïdes ; l'Amour est frère de l'Espérance, et celle-ci est sœur de la Vanité ; le cyclope fit donc sa déclaration. Mais, sans considérer s'il était monstre ou non, c'est-à-dire, s'il y avait à perdre ou à gagner avec lui, Galathée refusa de l'entendre ; en vain, lui disait-il, du ton le plus radouci :

« Vous voyez le plus beau des enfans de la plaine,
J'ai les traits de Bacchus, l'embonpoint de Silène,
La taille de Typhon, les épaules d'Atlas ;
    Ma voix ressemble à la voix du tonnerre,
Et ce grand Jupiter qui fait trembler la terre,
Sans incliner le front, passerait sous mon bras ;
        Mon corps, ainsi que mon visage,
        Est couvert d'un duvet touffus,
        Et c'est une beauté de plus.
    Qu'est-ce qu'un arbre sans feuillage,
Un agneau sans toison, un oiseau sans plumage ? »

et mille autres choses plus engageantes encore, la Néréide demeura inflexible. Pourquoi ? Parce qu'elle aimait le jeune et bel Acis, et qu'Acis était tout pour elle.

Ah! s'écria un jour Poliphème, en abordant brusquement Galathée, si j'avais un rival préféré ; jour de Dieu !

« .    .    .    .    .    .    .Je ne suis point jaloux ;
Mais je disperserais sur les ondes sanglantes,
        J'écraserais sur ce rocher
Ses membres qu'à tes yeux je viendrais d'arracher.
Et ce cœur qu'en son sein mon bras irait chercher,
        Et ses entrailles palpitantes...... »

etc. etc.

Il s'avança en prononçant ces douces paroles, et jettant un regard avide sur le gazon où son amante était blottie, il y découvrit Acis tremblant dans les bras de la pauvre enfant Quel spectacle ! et quelle fureur !

« Le cyclope pousse un cri ; l'Etna tremble ; Galathée fuit sous les ondes ; Acis se glisse entre les roseaux ; Poliphème, en le poursuivant, saisit un écueil et le soulève sur la tête de son rival ; Acis esquive cette masse menaçante ; mais la pointe du roc, en effleurant sa poitrine, fait jaillir tout son sang aux pieds de son amante éperdue....»

« Poliphème vengé se retire; cependant le sang qui s'écoule commence à pâlir et se change par degrés en une onde limpide et transparente. »...... Bref, Acis est métamorphosé en fleuve, et la fidelle Galathée vient chaque jour se baigner, au lever de l'aurore,

« Dans ses flots caressans et doux,
S'imaginant sentir encore
Les caresses de son époux. »

L'auteur du ballet s'est entièrement conformé à l'action de cette fable ; il n'en a changé que le dénouement. Ce n'est point Acis qui périt ; la catastrophe eût paru trop cruelle ; c'est l'abominable Polyphème. Un coup de foudre tue ce scélérat, au moment qu'il soulève le fatal rocher, et tous les amours de l'opéra viennent alors danser avec les bergères et les bergers, en manière de réjouissance. Si le coup de foudre n'est pas un moyen neuf, il a du moins le mérite de trancher nettement les difficultés ; or, l'on aime encore mieux au spectacle une idée vieille et expéditive, qu'une scène toute neuve, mais qui ferait longueur.

En général les pas de ce ballet sont dessinés avec esprit, et abondent sur-tout en effets pittoresques. Presque tous les airs sont connus, trop peut-être ; mais comme ils sont d'ailleurs parfaitement analogues aux situations, on n'est pas fâché de les retrouver là.

Nous ne finirions pas, si nous entreprenions de payer ici à chacun des artistes dansant le tribut d'éloges qui lui est dû. Nous nous bornerons à dire que la pantomime de Lefebvre (superbe Poliphème) a une expression très-énergique ; que Mlles Chevigny , Duport, Millière et Delille paraissant faire assaut de talent, ont été vivement applaudies, et qu'enfin Duport a dansé comme un homme qui a le diable au corps : nous ne trouvons pas d'autre expression.

Gustave Chouquet, Histoire de la Musique dramatique en France (Paris, 1873), p. 380 :

[Ce texte, outre une information personnelle, nous donne le nom des compositeurs et la date de création du ballet de Duport.]

Acis et Galatée, b., 1 a. — DUPORT ; H. DARONDEAU et GIANELLA : 10 mai 1805.

Henri Darondeau, fils du harpiste, a écrit des romances et de la musique pour les théâtres du boulevard. C'était un homme aimable (il m'a donné dans mon enfance des leçons de chant et de piano), mais un compositeur sans originalité. — Gianella, flûtiste italien, est connu comme auteur de concertos de flûte et de l'Officier cosaque (Porte Saint-Martin, 8 avril 1803).

Carrière à l'Opéra :

8 représentations en 1805 (10/05 – 28/06).

10 représentations en 1806 (11/03 – 26/12).

2 représentations en 1807 (16/01 – 03/02).

20 représentations de 1805 à 1807.

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