Adrienne ou le Secret de famille

Adrienne ou le Secret de famille, comédie en trois actes en prose, de Collot d'Herbois, le 19 avril 1790.

Théâtre du Palais-Royal.

Almanach des Muses 1791.

Page de titre de la brochure, Paris, chez la Veuve Duchesne, 1790 :

Adrienne, ou le secret de famille, comédie en trois actes et en prose. représentée sur le Théâtre du Palais-Royal, le 19 avril 1790. Par M. Collot d'Herbois.

Le texte de la pièce est précédé d'un avant-propos, et d'une série de « corrections nécessaires faites à la Piece depuis la premiere représentation ». On en appréciera particulièrement le ton polémique.

Lucie ou les Parens imprudens a été créé en 1772 sur le Théâtre de Bordeaux.

AVANT-PROPOS.

La Piece qu'on va lire a paru d'abord en cinq actes, sous le titre de Lucie ou les Parens imprudens. Tous les Journalistes s'accordèrent alors pour en faire l'éloge, ils ont cité le caractère de Francœur, comme un des plus théâtrals qui aient été mis en Scène. Le plus sévère des Censeurs, redoutable Freron, en comparant cet ouvrage avec ceux du même genre qui avoient le plus de réputation, ne craignit pas dans ce parallele de lui donner quelqu'avantage, & de lui promettre un succès certain, s'il eût été représenté au Théâtre françois, aujourd'hui le Théâtre de la Nation.

Ces Journalistes motivoient leur bienveillance sur le grand intérêt d'une action conduite avec force & dont les développemens sont amenés, disoient-ils, avec art. Ils y remarquoient un but moral bien prononcé : celui de faire sentir à l'imprudente jeunesse toutes les conséquences d'une fausse démarche, combien le moindre écart hors des routes de la vertu devient périlleux, & cependant avec quelle facilité les meilleurs caracteres peuvent s'y laisser entraîner. Ils me firent appercevoir quelques détails inutiles, & des incidents épisodiques qui ont été tout-à-fait supprimés.

C'est en relisant leurs observations que je me fuis décidé à porter cette Piece reduite en trois actes, au nouveau Théâtre du Palais Royal. Ces mouvemens tumultueux, ces orages des passions, écueils du bonheur domestique, & de la tranquillité de certaines familles o[ù] elles sont pour ainsi-dire héréditaires me sembloient devoir être sur-tout utilement représentés devant les Spectateurs auxquels ce Théâtre par sa position paroît devoir être particuliérement consacré. Je parle de ces classes bourgeoises dans lesquelles j'ai toujours remarqué un bon sens bien exercé, des ames sensibles, un esprit juste, & des cœurs francs ; qualités bien supérieures à toutes les finesses dont les beaux esprits font vanité, sur-tout lorsqu'il s'agit de juger le tableau des passions humaines, & leur influence sur la bonne ou mauvaise fortune de nos semblables.

Cependant le succès de la premiere réprésentation d'Adrienne au Palais Royal fut difficile & douteux. Quelques journaux ont rendu compte de ce qui s'est passé (1). Il est inutile d'en parler. J'avois retiré la Piece. Le Public a bien voulu la regretter, & la redemander. Elle a été rejouée depuis & toujours plus suivie, plus applaudie, voilà ce que je me plais à citer, avec le sentiment de la plus vive reconnoissance.

Je garderois le silence sur ce qu'en ont dit les Rédacteurs de la Chronique de Paris, (2) s'il ne me paroissoit convenable de relever une affectation de leur part, déja plus d'une fois injurieuse à des Auteurs d'un mérite supérieur au mien. Ces Journalistes se persuadent que toutes les idées mâles & patriotiques ne peuvent avoir mûri que depuis l'Automne dernier. Dès qu'ils entendent au Théâtre quelques mots fortement prononcés sur le dévouement à la chose publique, l'amour de la patrie, de l'égalité, de la liberté, ils n'y voient que des allusions créées par les circonstances, & s'écrient qu'on en est fatigué. Je suis bien aise de leur observer que soit dans le Paysan Magistrat, soit dans mes autres ouvrages, j'avois professé ces principes dans un tems où il y avoit peut-être du courage à les établir au Théâtre ; & que tout en respectant les Loix, & célébrant à l'occasion les vertus des bons Rois, je n'ai pas attendu comme certains Patriotes de nouvelle date, l'époque du 14 Juillet 1789, pour écrire & penser en homme libre.

(1) Voyez le Spectateur national, 21 Avril. Journal des Tribunaux, 22 Avril. Id. de la Cour & la Ville, 21 & 25 Avril.

(2) Ces Rédacteurs, ont toujours honoré mes Pieces de Théâtre, d'une critique outrageante, acerée, venimeuse. C'est avec peine qu'ils ont été forcés d'avouer le succès de la Journée de Louis XII. Ils ont imprimé qu'Adrienne étoit une Piece du genre libre, le Lecteur en jugera ; quelle étoit prise d'un Roman du même titre, j'affirme le contraire. Cela prouve qu'ils n'ont pas lu ce Roman ou qu'ils n'ont pas vû la Piece. Ils ont néanmoins rendu justice aux Acteurs, sur tout à M. Michot, & à Mde, S. Clair qui ont très bien joué. Cela est bien généreux. Je crois pourtant qu'ils pouvoient ajouter quelque chose à ce qu'ils ont dit de M. Monvel, vraiment admirable pour le ton de pureté, d'éloquence & de dignité, qu'il a donné au rôle de Saint Fleurisse.

Corrections nécessaires faites à la Piece depuis la premiere représentation.

Acte 1. Scene Ire. ligne 9 du monologue, après ces mots, Francœur valet, allez de suite à la 3e lig. de la pag. 4. enfin j'ai cedé, &c.

Pag. 12. supprimez les deux Ires lignes de la Scène V. qui commencera par ces mots, Mon mari, &c.

Pag. 21. ligne derniere, supprimez, nous l'avons trop offensé.

Pag. 22. ligne Ire, après ces mots, taches de surmonter tes craintes, allez de fuite à la ligne 15. que tes inquiétudes cédent au sentiment, &c.

Pag. 29. lig. 23. René dira seulement non, supprimez le reste.

Pag. 32. lig. 8. après mon cher Francœur, ajoutez quelle réponse t'a fait Adrienne ? allez de fuite à la ligne 17. Francœur répond Cela n'est pas aiéé, &c.

Pag. 34. lig. 18. après la bonne foi; ajoutez c'est une chose si rare. supprimez les deux lignes suivantes. Germain répond de suite tes soupçons me font injure

Pag. 63. Scène IX. lig. 6. supprimez le mot buvant.

[César : créée le 19 avril 1790, la pièce a connu 9 représentations jusqu'au 6 août 1790. Elle a été reprise le 24 février 1794, pour une unique représentation.

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