Alexis, ou l'Erreur d'un bon père

Alexis, ou l'Erreur d'un bon père, opéra en un acte, de Marsollier, musique de d'Aleyrac, 5 pluviôse an 6 [24 janvier 1798].

Théâtre de la rue Feydeau

Titre :

Alexis, ou l’Erreur d’un bon père

Genre

opéra

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

5 pluviôse an 6 [24 janvier 1798]

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Marsollier

Compositeur(s) :

Daleyrac

Almanach des Muses 1799

Un enfant a quitté la maison paternelle à onze ans, par suite des mauvais traitemens d'une belle-mère ; il y reparaît après la mort de celle-ci sous le nom d'Alexis, et comme neveu du jardinier. Sept ans se sont écoulés ; il a eu le temps d'acquérir des talens qu'il emploie à se rendre agréable aux yeux de son père et à toucher le cœur d'une jeune orpheline que ce dernier a recueillie depuis qu'il croit avoir perdu son fils. Le zèle et les talens d'Alexis intéressent vivement son père, qui veut absolument savoir son histoire et celle de ses parens. Alexis lui raconte la sienne ; le père veut le réconcilier avec sa famille ; il écrit même une lettre sous la dictée de son fils ; il s'agit de mettre l'adresse ; Alexis se trouble, le père conçoit des soupçons, son fils est à ses pieds. Le passé est oublié ; le faux Alexis a recouvré la tendresse de son père, sa fortune, et obtient la main de la jeune orpheline.

Peu de situations neuves, mais une grande connaissance de la scène.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an VI (1798) :

Alexis; ou l’Erreur d’un bon père, comédie, en un acte, et en prose, mêlée d’ariettes. Paroles du Citoyen Marsollier, Musique du Citoyen Daleyrac. Représenté sur le théâtre Feydeau, le 5 pluviose an 6 de la République.

Courrier des spectacles, n° 339 du 7 pluviôse an 6 [26 janvier 1798], p. 2 :

[Le compte rendu s'ouvre sur une belle généralité moralisante : le succès ne peut échapper à un ouvrage montrant « l'intérieur d'une famille estimable », et la pièce nouvelle ne fait pas exception. Me critique (lui même auteur de romans très moraux) peut conter ensuite l'intrigue de la pièce, une histoire d'enfant qui a fui la maison paternelle à cause de la seconde épouse de son père. Mais il revient secrètement chez son père quand celui -ci est à nouveau vif, et ne se fait reconnaître de son père que lors d'un petit spectacle donné pour sa fête. Attendrissement de tous, tant l'enfant est charmant, et en particulier attendrissement du père qui retrouve son fils et le marie à sa jeune protégée. La pièce est jugée de façon très positive : on ne peut lui reprocher que des longueurs. « Poëme » comme musique méritent des éloges, qui incluent aussi les interprètes, en particulier celui qui joue le rôle du jardinier de la maison familiale, auprès de qui le jeune enfant a trouvé refuge. La description de son talent est très intéressante pour comprendre ce qu'on attend d'un acteur.]

Théàtrc Feydeau.

Toute intrigue basée sur les sentimens de la tendresse paternelle ou filiale, toute action qui nous retrace l’intérieur d’une famille estimable, est sûre d’obtenir un succès complet et de toucher l’ame du spectateur. C’est à ce titre que la jolie pièce en un acte, jouée avant-hier sur ce théâtre sous le titre d'Alexis ou l’erreur d'un bon père , à réussi parfaitement. La scène est en Suisse : Monsieur Nercourt a un fils d’une première épouse ; mais, s’étant remarié, la nouvelle épouse a noirci tellement à ses yeux cet enfant en bas âge, que ce pauvre enfant, désolé d’avoir perdu la tendresse de son père, désespérant de jamais la recouvrer, quitte sa pension, et ne donne plus de ses nouvelles. M. Nercourt, veuf une seconde fois, croit son fils mort, et ne s’en souvient que pour détester ses défauts sur lesquels il est toujours prévenu. Cependant ce jeune fils, ne pouvant se passer de la vue de son père, imagine, au bout de sept ans, d’entrer dans sa maison comme garçon jardinier, et sous le nom d’Alexis, neveu d’Ambroise, jardinier, qu’il met dans ses intérêts sans pourtant lui dire son véritable nom, Alexis s'attache à l'intéressante Caroline, jeune protégée de son père ; et, comme c'est la fête de ce bon père, Alexis lui donne un concert dans lequel lui même chante avec Caroline. Tant de talent, dans un enfant de cet âge et de cet état, étonne, attendrit M. Nercourt qui le prend en particulier, et cherche à pénétrer ses secrets. C’est dans cette scène touchante que le pauvre enfant se découvre à son père qui, ravi de le retrouver, abjure son erreur et l’unit à Caroline.

Cette pièce, remplie d’intérêt, est conduite avec infiniment d’art ; elle est écrite aussi avec goût et délicatesse. C’est, en un mot un acte charmant auquel on ne reprocheroit que quelques longueurs, sur-tout dans la scène du concert, et au dénouement qui est peut-être un peu trop prolongé. Le poëme de cet ouvrage aimable est du citoyen Marsollier, et la musique est un nouvel œuvre du doyen Dalayrac : elle est remplie de chant, d’expression et de traits neufs, on a demandé à grands cris ces deux auteurs, qui comptent autant de succès que d’ouvrages : ils n’ont point paru.

La citoyenne Rolandeau joue très-bien le rôle d’Alexis : le citoyen Vallière est bien placé dans celui du père, et la citoyenne Camille a été souvent applaudie dans le personnage de Caroline. Il est un autre rôle, celui du jardinier Ambroise, qui a été rendu avec une rare perfection par le citoyen Juliet. Il y a mis tant de vérité, de naturel et de sentiment que le public l’a demandé, après la pièce, mais en même tems le public, pour prouver son estime aux autres artistes qui ont joué cet ouvrage, les a demandés aussi, et le citoyen Juliet s’est montré accompagné de la citoyenne Rolandeau et du citoyen Vallière. Ils ont été couverts d’applaudissemens.

Ducray-Duminil.          

Réimpression du Moniteur, volume 20, Gazette nationale, ou le Moniteur universel, 16 pluviôse an 6 de la République Française, une et indivisible (dimanche 4 février 1798, v. st.), p. 547 :

[Début de compte rendu original : le critique ouvre son article en saluant le retour à la scène de deux « favoris des Muses » que « le délire révolutionnaire avait écartés des théâtres. La pièce qu’ils viennent de donner, simplement qualifiée de « jolie », « a été représentée avec beaucoup de succès ». Une fois l’intrigue résumée, le jugement porté sur la pièce est mitigé : la pièce est de nouveau qualifiée de « jolie », mais « l'exposition est un peu pénible », et on ne distingue que « deux ou trois tableaux enchanteurs ». Satisfécit pour le style : « elle est écrite avec soin ». Par contre, « la musique n'est peut-être pas toujours digne » de son auteur. Trois acteurs sont félicités, dont Juliet, particulièrement mis en avant.]

Deux favoris des Muses, que leurs nombreux succès avaient rendus chers autrefois aux amis des arts, semblaient depuis long-tems avoir détendu leurs lyres. Marsolier et Dalayrac avaient cessé d'enrichir l'Opéra comique de leurs productions ; et l'on y regrettait tous les jours leurs talens aimables. Mais ils n'étaient point oisifs ; ils laissaient passer ce torrent de productions monstrueuses qu'enfantait chaque jour le délire révolutionnaire, et fécondaient, pour ainsi dire, leur solitude, en nous préparant les ouvrages qu’ils offrent en ce moment au public.

Autrefois les seuls Italiens étaient en possession de ce trésor ; aujourd'hui le théâtre Feydeau le partage avec eux. La jolie piece d'Alexis, ou l'erreur d'un bon pere, est un des presens faits derniérement à ce théâtre par nos deux inséparables : elle a été représentée avec beaucoup de succès.

Le jeune Alexis, éloigné dès son enfance de la maison paternelle, par une marâtre, et désespéré d'avoir été maudit par son pere, sans l'avoir mérité, avait fui de sa pension, à onze ou douze ans. Il en a dix-huit quand la piece commence ; il a su gagner l'amitié du bon Ambroise, jardinier de son pere, et cultive avec lui le jardin. Son pere, qui le croit embarqué, est loin de le reconnaître sous ce travestissement. Caroline, sa jeune parente, le console de la perte de son fils ; elle remarque Alexis et le trouve au-dessus de son état. La scene se passe le jour de la fête de M. de Nelcour. Caroline lui veut chanter un duo fait exprès pour lui ; mais le maître de musique n'a pu venir le chanter avec elle. Grand embarras : Alexis offre de remplacer le musicien ; on l'en croit incapable ; il chante, il ravit. Un vieux portrait de famille avait été orné de guirlandes par Alexis. M. de Nelcour demande si c'est son ayeul que l'on fête ; Alexis enleve le vieux tableau et l'on voit à sa place le portrait de M. de Nelcour. Alexis est musicien, Alexis est peintre, Alexis n'est pas un jeune homme ordinaire. M. de Nelcour l'interroge ; Alexis, après une scene charmante et pleine de délicatesse, tombe aux pieds de son pere et s'en fait reconnaître.

Cette jolie piece, dont l'exposition est un peu pénible, offre deux ou trois tableaux enchanteurs. Elle est écrite avec soin. La musique n'est peut-être pas toujours digne de l'auteur d'Azemia et de Renaud-d'Ast. Néanmoins on y reconnaît encore ce talent aimable dans les couplets par lesquels Alexis exprime son admiration et même son amour pour J. J. Rousseau. Elle est très-bien jouée par Juliet, cet acteur toujours excellent, parce qu'il est toujours naturel ; et par Valliere et mademoiselle Rolando.                    D***.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 3e année, 1798, tome VI, p. 106 :

[Compte rendu à la gloire de Marsollier, « accoutumé à compter ses succès par ses ouvrages » et dont la pièce nouvelle a encore connu un succès mérité. Le critique se contente de résumer l’intrigue sans porter de jugement (elle nous apparaît pourtant bien conventionnelle), un court paragraphe est consacré à l’interprétation, deux acteurs sont mis en avant, l’un plus que l’autre, et le nom du compositeur est simplement cité, sans commentaire, ce qui n’est pas flatteur.

Le citoyen Marsollier, accoutumé à compter ses succès par ses ouvrages, vient encore d’être justement applaudi au théâtre de la rue Feydeau, où il a donné un nouvel opéra ,intitulé : Alexis ou l’erreur d’un bon Père. Voici le sujet de cette pièce.

M. Durval ,après la mort de sa première femme, dont il a eu un fils, en épouse une seconde qui prend ce fils en aversion, le calomnie auprès de son mari, et finit par le déterminer à l’envoyer loin de lui dans une pension. Elle intercepte toutes les lettres que ce bon fils écrit à son père. Le jeune homme, désespéré de n’avoir nulle réponse, s’enfuit de sa pension et se rapproche de la maison paternelle. Sept ans après, la marâtre meurt ; Alexis alors rentre chez son père, mais sans se faire connoître, et il se donne pour le neveu d’Ambroise, jardinier de la maison.

L’action commence le jour de la fête de M. Durval : Rosalie, sa jeune parente, qu’il a prise chez lui pour l'élever et en faire son héritière, veut célébrer ce jour par une petite fête. Pour cela elle a fait faire, en secret, un portrait de son bienfaiteur, et elle doit exécuter sur le piano, avec son maître de musique, un duo relatif à la circonstance. Cependant tout le monde est assemblé pour la fête, et le peintre n’a pu terminer le portrait : le maître de musique envoye dire qu’il ne peut venir. L’embarras de Rosalie est à son comble, lorsqu’Alexis se présente pour exécuter le morceau ; Rosalie s’y oppose, elle craint de le voir exposé à la raillerie. Mais Alexis chante, et chante bien : le portrait est apporté ; on ignore de qui il est, et c’est Alexis qui l’a fait. Enfin, dans une scène conduite avec art, M. Durval reconnoît dans Alexis ce fils calomnié, qu’il avoit éloigné de chez-lui comme un mauvais sujet, et il le reconnoît dans un moment où il venoit d’ordonner à Ambroise d’éloigner son neveu, qui lui rappeloit le souvenir d’un fils qu’il regrettoit chaque jour.

La pièce se termine par le mariage d’Alexis et de Rosalie, qui s’aimoient sans avoir osé se le dire, à cause de l’intervalle qu’ils croyoient que la fortune et la naissance avoit [sic] mis entre eux.

Les principaux rôles ont été supérieurement joués par la citoyenne Rolando et le citoyen Juliet ; ce dernier surtout s’est surpassé. La musique est du citoyen Daleyrac.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1798 (vingt-septième année), tome I (janvier 1798, nivôse, an VI), p. 185-187 :

[Après avoir proclamé le grand succès de la pièce, le compte rendu décrit l’avant-scène, puis résume l’action avec précision, en insistant sur l’émotion qui anime les personnages, rire, désespoir, douleur. Le dénouement n’est pas vraiment une surprise, et le jugement critique s’ouvre justement sur la faible vraisemblance d’une histoire dans laquelle un fils n’est pas reconnu dans la maison de son père, et possède à ce point tous les talents, mais ce défaut est compensé par l’intérêt que le spectateur prend à cette histoire, qui a beaucoup fait pleurer dans le public. Le critique énumère ce que la pièce a de remarquable, des couplets, de belles scènes (dont une est présentée comme « bien conçue, bien naturelle et supérieurement exécutée ») avant de faire un vif éloge des acteurs, deux d’entre eux ayant droit à un sort particulier. L’un d’eux est même présenté comme arrivé à un point où il ne peut plus que se maintenir (avec le conseil de ne pas charger plus ses rôles). Et tout naturellement, les auteurs ont obtenu d’être nommés.]

THEATRE DE LA RUE FEYDEAU.

La pièce d'Alexis, ou l'Erreur d'un bon père, a eu le plus grand succès.

Alexis est le fils unique du premier lit, d'un homme aisé, qui vit dans sa terre. Il a le malheur d'exciter la jalousie de sa belle-mère, ce qui le fait mettre en pension encore très-enfant. Toute communication avec son père lui est interdite ; ses lettres sont interceptées. Le père s'en détache, le croyant un mauvais sujet. Alexis, malheureux par l'indifférence de son père qu'il aime passionnément, s'échappe de la pension à l'âge de quinze à seize ans, & ne donne plus de ses nouvelles. Il cherche à se rapprocher de la maison paternelle, & profitant du changement que l'âge a apporté à son extérieur, il trouve le moyen d'intéresser en sa faveur Ambroise, jardinier de la maison de son père, de se faire adopter par lui comme son neveu & de travailler au jardin.

La belle-mère meurt & ne laisse après elle aucun enfant. Le père, qui ne compte plus sur son fils, adopte une jeune fille de ses parentes, & la tient chez lui comme sa fille. Alexis & la jeune adoptée se voyent souvent au jardin : tous deux éprouvent un sentiment doux qui les rapproche. Le jour où commence l'action est celui de la fête du père. Alexis met à contribution le jardin pour former des guirlandes de fleurs, & prépare une surprise relativement au portrait du père que la jeune fille vouloit présenter ce jour-là, mais que le peintre n'a pu livrer. Le piano est placé dans le salon ; l'accordeur n'a pu venir ; cependant il se trouve en état. La compagnie s'assemble. Le maître de musique, qui devoit chanter un duo avec la jeune personne, écrit qu'il ne peut venir. L'embarras est extrême, & la jeune fille se désole. Alexis impatient, & touché de sa douleur, s'offre pour le suppléer. On rit. Ambroise est désespéré ; il croit qu'Alexis ne sait pas à quoi il s'engage : la jeune fille tremble qu'il ne devienne un sujet de risée. Il chante enfin, & chante bien. On le presse d'expliquer cette contradiction avec son état actuel, car il avoue qu'il est le peintre du portrait ; il s'y refuse ; enfin il est reconnu pour le fils de la maison, & le père, qui, un peu auparavant, vouloit qu'Ambroise l'éloignât, parce qu'il lui rappeloit trop son malheureux fils, le serre dans ses bras & lui fait épouser sa jeune parente.

Cette petite pièce pèche peut-être par un défaut de vraisemblance relativement à la réunion & au degré des talens du jeune Alexis, ainsi que par la difficulté de supposer son entrée dans la maison paternelle, sans que qui que ce soit n'ait pu le soupçonner ; mais l'intérêt n'en est pas moins soutenu depuis le commencement jusqu'à la fin. Les détails sont pleins d'agrément & de sensibilité, & les larmes coulent souvent des yeux des spectateurs attendris.

On a remarqué surtout les couplets chantés par Alexis sur le genre de mérite de J. J. Rousseau, une scène bien conçue, bien naturelle & supérieurement exécutée, lorsque le père déclare à Ambroise qu'il doit éloigner son neveu : celle où Alexis dicte à son père la lettre que ce dernier est supposé écrire au père de ce jeune homme, & celle enfin où cette lettre est remise au père par le fils à genoux.

Les quatre acteurs principaux ont joué cette pièce de manière à être universellement applaudis. On y a remarqué un ensemble rare & toujours désirable. La citoyenne Rollando dans le rôle d'Alexis, & Juliette dans celui d'Ambroise, font preuve du plus grand talent ; Juliette y met un naturel & une gaieté qui ont souvent fait rire aux éclats. Cet acteur ne peut plus gagner ; il doit se maintenir seulement au degré où il est parvenu , & continuer à ne point avilir ses rôles par la charge.

Les auteurs ont été demandés. On est venu nommer les CC. Marsollier & d'Aleyrac : c'est un nouveau fleuron à ajouter aux nombreuses couronnes qui leur ont été déjà décernées par le public.

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome onzième, thermidor an XII [juillet 1804], p. 278-280 :

[Mlle Rolandeau avait été écartée de la troupe du Théâtre Feydeau, et elle y fait sa rentrée en 1804 avec deux opéras-comiques, l’un de Marmontel, musique de Grétry, la Fausse magie, dont la première remonte au 1er février 1775 et l’autre de Marsollier, musique de Dalayrac, Alexis, ou l’Erreur d’un bon père. Après avoir raconté les tribulations de Mlle Rolandeau, le critique fait son éloge dans les deux rôles qu’elle y interprète. Il lui conseille simplement de se ménager : deux tels rôles le même soir, c’est trop.]

Théatre Feydeau.

Rentrée de Mlle. Rolandeau, dans la Fausse Magie, et Alexis ou l'Erreur d'un bon Père.

C'est un voyageur qui revient dans sa patrie, et qui lui rapporte le fruit de ses voyages. Mlle. Rolandeau, l'un des ornemens de la scène de Feydeau avant sa réunion avec le théâtre Favart, fut injustement oubliée dans la nouvelle organisation des deux sociétés. La patrie peut avoir des torts avec ses meilleurs citoyens, sans cesser de leur être chère. Mlle. Rolandeau, pendant son espèce d'exil, fit un tour en Italie, c'est-à-dire, qu'elle s'associa aux Bouffons italiens ; mais cette union avec des étrangers ne lui fit jamais perdre de vue son théâtre national,: elle ne sacrifia ses talens à l'Italie, que pour les perfectionner et les rendre plus dignes de briller un jour sur une scène française. Après avoir abandonné l'Opéra-Bouffon, elle a parcouru les provinces avec le plus grand succès, jusqu'au moment où le besoin d'un sujet aussi distingué s'est fait sentir vivement à la capitale. Les sociétaires de Feydeau, qui font des pertes, ont jugé que l'intérêt de leur théâtre exigeait le rappel d'une .cantatrice dont ils n'auraient jamais dû se priver,

La pièce même qu'elle a choisie pour sa rentrée, prouve l'utilité et la nécessité de son retour. La Fausse Magie, l'un des meilleurs ouvrages de Grétry. était perdue .pour le théâtre, parce qu'il ne se trouvait point d'actrice en état de chanter lerôle principal. Mlle. Rolandeau a réuni tous les suffrages par la manière dont elle a rendu particulièrement l'air : Comme un éclair, la flatteuse espérance, etc., et le duo : Vous souvient-il de cette fête,etc. Le public doit lui savoir gré d'avoir ressuscité une délicieuse musique, dont tous les amateurs ont été vivement frappés. On a même fait répéter le duo des deux vieillards, très-bien exécuté par Chenard et Saint-Aubin. Le répertoire de ce théâtre va s'enrichir de plusieurs excellentes compositions, abandonnées par l'impuissance d'atteindre à leurs beautés. Mlle Rolandeau parait faite pour leur redonner une nouvelle vie.

Ce qui rend Mlle. Rolandeau très-précieuse pour ce théâtre, c'est qu'elle est actrice et cantatrice : son talent pour la scène s'est fait remarquer sur-tout dans Alexis, rôle qu'elle avait autrefois établi. Je crois cependant qu'elle a plus consulté le zèle que la prudence, en jouant le même jour dans deux pièces très fatigantes : elle a voulu reparaître aux yeux du public avec plus d'éclat, et se montrer dans différens genres ; mais, avant tout, il faut avoir égard à ses force. Dans le dialogue de la seconde pièce, sa voix a paru se ressentir des pénibles efforts qu'on avait exigés d'elle ; et les mal-intentionnés sont toujours là, prêts à mettre à profit toutes les circonstances malheureuses : ils diront que Mlle. Rolandeau parle trop bas et ne se fait pas entendre, comme ils disent qu'elle chante faux. Mais, quoi qu'ils disent, Mlle. Rolandeau n'en est pas moins une excellente acquisition pour Feydeau ; c'est un sujet utile et tout formé dont on peut tirer parti sur-le-champ ; il n'est pas nécessaire de l'attendre ; ce ne sont point des espérances, souvent trompeuses, qu'elle apporte, mais des jouissances certaines.

[César : création le 24 janvier 1798.

20 représentations jusqu'au 25 juin 1798. Reprise le 19 novembre 1798, pour 26 représentations, jusqu'au 5 octobre 1799. Mais la carrière de la pièce ne s’arrête pas là.]

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