Alhamar

Alhamar, tragédie en cinq actes, en vers, de François-Joseph Depuntis, 23 frimaire an 10 [14 décembre 1801].

Théâtre Français de la République

Titre :

Alhamar

Genre

tragédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

23 frimaire an 10 [14 décembre 1801]

Théâtre :

Théâtre Français de la République

Auteur(s) des paroles :

François-Joseph Depuntis

Almanach des Muses 1803

Alhamar, chef des Maures, a été vaincu par les Espagnols, et n'a dû son salut qu'à la générosité de don Ramire, qu'il a suivi à la cour de Madrid. Là, il a vu Elvire, fille de don Diègue, général castillan, a soupiré pour elle, et, de retour à Grenade, en est plus que jamais épris. Mais il apprend qu'elle a donné son cœur à un autre ; et, livré à son désespoir, repousse les conseils, les consolations de son ami Alinanzor. C'est dans cette situation qu'il reçoit un envoyé de don Diègue, qui lui offre la main d'Elvire, à condition qu'il remettra Grenade au roi de Castille, et rendra ainsi la paix à l'Espagne. Alhamar est ravi de la proposition ; mais bientôt on lui annonce l'arrivée de don Ramire et d'Elvire elle-même. Ils s'aiment et ont fui don Diègue, parce qu'il voulait s'opposer à leur union. Don Ramire s'est flatté de trouver un ami dans Alhamar ; il est bien surpris de ne trouver en lui qu'un rival. Cependant don Diègue a envoyé des soldats à la poursuite d'Elvire et de son ravisseur : Alhamar les a battus et dispersés. Don Diègue vient en personne attaquer le chef des Maures ; celui-ci marche contre lui. Ramire l'accompagne, et s'attache dans le combat à l'Espagnol le plus brave ; il le blesse, et le fait prisonnier. Emmené, la visière baissée, dans le palais d'Alhamar, ce brave Espagnol est don Diègue, lui-même, qui s'exhale en reproches contre Ramire, et lui annonce qu'Elvire ne peut lui appartenir, puisqu'elle doit être le prix d'une alliance projetée entre Alhamar et le roi de Castille. Don Ramire, désespéré, ne voit plus d'autre parti à prendre que d'enlever Elvire. Alhamar est instruit de se projet, il appelle Ramire en duel. Les deux rivaux sont prêts à tirer l'épée, lorsqu'Almansor les réconcilie, en présentant à don Ramire une lettre par laquelle, dans un moment plus calme, Alhamar avait consenti à céder sa maîtresse. Alhamar, qui n'est point généreux à demi, parle à don Diègue en faveur de don Ramire, et obtient de lui de consentir à son union avec Elvire ; c'est le seul prix qu'il exige de la remise qu'il a faite à jamais de Grenade, entre les mains du roi de Castille.

Sujet d'invention. Pièce retirée après une représentation très-orageuse.

Décade philosophique, littéraire et politique, dixième année de la république, Ier trimestre, n° 9, 30 Frimaire, p. 564-565 :

[La pièce a lourdement échoué, et le compte rendu ne le cache évidemment pas. Après avoir évoqué le contexte (celui d’un héros de la lutte entre Maures et Espagnols, mais connu surtout par un roman de Florian), la nouveauté du sujet (l’auteur « s'est vu obligé de créer entiérement son sujet », ce qui est jugé bien audacieux pour un auteur débutant), et le résumé de l’intrigue, ce sont des conseils aux jeunes auteurs que le critique se croit autorisé à donner. Premier conseil : introduire de la variété dans la présentation des personnages tout au long de la pièce. Puis, se méfier des exemples illustres : comment un débutant pourrait égaler une pièce comme la tragédie de Voltaire Adélaïde du Guesclin, qui présente le « même combat de générosité et d'amour […] supérieurement traité par un maître » que la pièce nouvelle ? Il vaudrait mieux pour les débutants tenter de reprendre les sujets dans lesquels les maîtres ont échoué : ils fournissent « des masses et des plans tragiques qui ne péchent que par la faiblesse de l'exécution ». Le compte rendu s’achève sur une invitation faite cette fois aux critiques, appelés, non pas à l’indulgence (la sévérité est nécessaire), mais au respect des jeunes auteurs, qu’il ne s’agit pas de traiter avec une « barbarie presqu'insultante, dont le public actuel semble se faire un systême », au risque de décourager les aspirants à la carrière dramatique. Cette cruauté entre le jeune Racine nous aurait privé de ses chefs-d'œuvre ultérieurs !]

Théâtre-Français de la République, rue de la Loi.

Alhamar, tragédie en cinq actes.

Pendant les longues guerres qui divisèrent si long-tems les Maures et l'Espagne, au quinzième siècle, se distingua particuliérement Alhamar, devenu chef des Sarrasins, et même roi de Grenade. C'est ce personnage plus connu peut-être par le roman de Florian que par sa propre histoire, dont l'auteur de la tragédie nouvelle a fait son héros. Les annales ne lui fournissant presque rien, il s'est vu obligé de créer entiérement son sujet.

C'est une grande entreprise, surtout pour un débutant dans la carrière, de se livrer aux difficultés d'un sujet purement d'imagination ; où n'étant guidé par rien, on a tout à créer, action, situations et caractères. Il est bien rare de ne pas échouer avec autant d'obstacles à vaincre pour un premier ouvrage.

Voici comment l'auteur a établi son sujet.

Alhamar ennemi des Espagnols et vaincu par eux, a dû la vie au jeune Ramire son vainqueur. Il a trouvé dans sa générosité tout ce qu'il pouvait attendre de soins et d'égards. Mais pendant son séjour à la cour d'Espagne il est devenu amoureux de Donna Elvire, fille du général Don Diègue, éprise de son côté de ce même Ramire, bienfaiteur d'Alhamar. Celui-ci a remporté à Grenade le souvenir fatal du sentiment impérieux qui le poursuit, et c'est là que l'auteur fait commencer son action.

Tandis qu'Almanzor, son estimable conseil, cherche à le détourner et à le guérir d'une passion qui le tourmente, il reçoit du Gouvernement Espagnol et de Don Diègue, la proposition d'épouser Elvire, et de conclure la paix à ce prix. C'est assurément allumer dans un cœur passionné un terrible combat entre la reconnaissance et l'amour. Ce combat va devenir bien plus terrible quand Ramire et Elvire elle-même, viendront chercher asyle et protection auprès de lui.

Cette situation qui n'a pas été peut-être assez sentie, était une conception dramatique, véritablement heureuse ; mais il fallait savoir la conduire, en faire croître l'intérêt par des développemens tragiques, et ne pas se borner à présenter toujours ses personnages dans la même attitude depuis le second acte jusqu'au dernier. Il fallait surtout se rappeler que ce même combat de générosité et d'amour, avait été supérieurement traité par un maître, dans Adélaide du Guesclin, que le rôle d'Almanzor serait inévitablement une faible copie du beau rôle de Couci, et que le coup de canon qui produit la guérison de Vendôme, est un argument un peu plus fort que la troisième harangue d'Almanzor.

Nos jeunes auteurs devraient bien se pénétrer de la difficulté de réussir dans les sujets traités avec succès par les grands maîtres ; on trouverait beaucoup plus d'avantage peut-être, à s'emparer de ceux dans lesquels ils ont échoué. Il y a dans Pierre et Thomas Corneille, dans Campistron, dans Voltaire même, des masses et des plans tragiques qui ne péchent que par la faiblesse de l'exécution ; la lutte serait alors toute à l'avantage des jeunes concurrens. C'est ainsi que Voltaire a fait lui-même et qu'il a réussi. C'est ainsi que Legouvé, dans Etéocle et Polinice, a lutté avec succès contre Racine même.

On ne peut cependant trop s'élever, je ne dis pas contre la sévérité, car elle est nécessaire, mais contre la barbarie presqu'insultante, dont le public actuel semble se faire un systême. Il conspire ainsi contre ses plaisirs à venir, par le découragement absolu qu'il porte chez tous les débutans dans la carrière dramatique.

Oubliera t-on toujours que si l'auteur d'Alexandre et Des Frères ennemis, eût éprouvé les mêmes dégoûts de la part du public et des écrivains périodiques, nous n'aurions aujourd'hui ni Phèdre, ni Britannicus, ni Athalie. La pièce d'Alhamar a de grands défauts, sans doute, elle péche essentiellement et par le plan, et par le style ; mais, encore un coup, lisez les Frères ennemis.                             L. C.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 7e année, 1801, tome IV, p. 393 :

[Exécution sans état d’âme d’une pièce où le critique ne trouve à sauver que l’interprétation, ce qui est loin de suffire.]

Théâtre français delà République.

Alhamar.

La chute la plus complète a suivi la représentation de cette tragédie. C'est, à peu de chose près, une imitation d'Adélaïde du Guesclin, du moins quant aux caractères qui y sont servilement copiés. Le jeu des CC. Saint-Prix et Lafond n'a pu sauver cet ouvrage, qui est, sous le rapport du style, de la plus grande foiblesse.

La base La Grange de la Comédie Française donne le nom de l'auteur et indique que la pièce n'a connu qu'une représentation, celle de sa création, le 23 frimaire an 10 [14 décembre 1801].

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