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Amélie Mansfield

Amélie Mansfield, drame en cinq actes et en prose, de M. Bellin de la Libordière, 26 frimaire an 14 [17 décembre 1805].

Théâtre Français.

La pièce est également connue sous le titre d'Amélie de Mansfield.

Titre :

Amélie Mansfield

Genre

drame

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

26 frimaire an 14 [17 décembre 1805]

Théâtre :

Théâtre français

Auteur(s) des paroles :

Belin

Courrier des spectacles, n° 3249 du 28 frimaire an 14 [19 décembre 1805], p. 2 :

[La pièce a réussi, puisque son auteur est nommé. Et son auteur n'est pas un inconnu, puisqu'il a déjà fait jouer une pièce sur un autre théâtre. Ce que le critique retient de l'auteur, c'est que c'est un provincial. Mais « il est rare que les productions nées si loin de la capitale ne conservent pas un goût de terroir », et l'essentiel du compte rendu consiste en conseils à l'auteur pour améliorer son œuvre : exposition, intérêt à l'acte 4, dénouement, détails oiseux dans le dialogue, sources de ridicule. Un compliment, la capacité de l'auteur à « créer des difficultés » susceptibles de faire naître le fameux intérêt, mais qui se retourne en perfidie : l'auteur ne sait pas susciter cet intérêt

Théâtre Français.

Le drame d'Amélie de Mansfield, joué avant-hier au Théâtre Français, est de M. Bélin ; c’est le même auteur qui a donné, il y a quelque tems, au Théâtre de l'Impératrice la comédie du Jeune Mari.

Cet auteur n’habite point la capitale. C’est de cent cinquante lieues qu’il est venu faire jouer ses ouvrages. C’est un mérite très-esti-louable [sic] que d’employer ses loisirs à cultiver les muses ; mais il est rare que les productions nées si loin de la capitale ne conservent pas un goût de terroir. Si l’on rejoue le drame de M. Belin, on ne sauroit trop l’exhorter à faire son exposition d’une manière plus habile, à donner quelqu’intérêt au quatrième acte, qui est de toute inutilité, à mieux préparer son dénouement, et sur tout à supprimer du dialogue quelques détails oiseux qui ont justement fait rire le public. Le parterre ressemble beaucoup aux enfans, qui sont les meilleurs juges des ridicules.

M. Bélin sait créer des difficultés, ce qui est un point important pour exciter l’intérêt ; mais il faut savoir s’en tirer avec honneur, et c’est cette partie de l'art qui manque sur-tout à l’ouvrage de M. Bélin.

Archives littéraires de l’Europe, tome huitième (1805), Gazette littéraire, Décembre 1805, p. lxvii-lxviii :

[Le compte rendu s’ouvre sur d’intéressantes considérations sur la spécificité du roman et de l'œuvre dramatique (avec un point de vue plutôt conservateur), ce qui rend difficile l’adaptation du roman au théâtre. Pour expliquer l’échec de la pièce, il suffit de rappeler qu’un roman n’est pas une pièce de théâtre, et que la liberté du romancier, libre de créer autant d’incidents qu’il veut, est à l’opposé des contraintes de l’écriture dramatique qui impose au contraire « un cadre étroit »? « Un seul événement en doit faire la base. Il faut qu'un seul intérêt y domine. Un seul jour doit y mettre fin en un seul lieu » (on respecte les unités !). Le drame de M. Belin repose sur le roman de madame Cottin, dont le critique souligne à plaisir le caractère foisonnant. Il a été réduit à mettre en récit trois volumes et demi du roman, et de composer son drame avec la moitié du volume quatre. Il ne reste plus qu’à savoir qui est le mystérieux personnage, et s’il partira : cela ne suffit pas à faite l’intérêt d’un drame. La critique s’achève sur une bonne leçon donnée à un très jeune auteur : il doit « étudier à fond les règles de l'art », « éviter la prolixité, la monotonie », étudier les hommes ailleurs que dans un roman, et « chercher un plan et des caractères ». Tout cela est le fruit d’un travail personnel d’observation avant de construire son drame, «  et sur-tout le soutenir par un style noble, animé et substantiel » (parce que son style n’est pas sans défauts, sans doute...).]

Théâtre Français.

Amélie Mansfield, drame en cinq actes et en prose, par M. Belin.

Avant de se décider à faire un drame avec un roman, il faudrait bien connaître les limites que l'art a placées entre ces deux espèces de productions de l'esprit. Le roman comporte une grande quantité d'événemens qui se succèdent et se contrastent. L'art a voulu que dans le drame, l'action fût une, simple, vive et graduée. L'un se nourrit d'incidens sans nombre, de développemens larges et de détails multipliés ; l'autre doit être resserré dans un cadre étroit. Un seul événement en doit faire la base. Il faut qu'un seul intérêt y domine. Un seul jour doit y mettre fin en un seul lieu, tandis que le romancier cosmopolite peut s'égarer à son gré dans les régions connues et inconnues. On pourrait pousser bien plus loin ce parallèle dont M. Belin paraît ignorer jusqu'au moindre principe.

Tout le monde connaît le roman d'Amélie Mansfield, ouvrage fort intéressant de mad. Cottin. On sait qu'Ernest, héritier de l'orgueil et de la haine de la famille de Woldemar, cherche par-tout la malheureuse Amélie ; qu'elle lui sauve la vie sans le connaître, dans les montagnes de Suisse, qu'il est reçu dans la maison de l'oncle d'Amélie sous un faux nom ; que, témoin des vertus de cette héroïne, ses sentimens de vengeance se changent en un violent amour ; que cet amour est combattu par la haine de sa famille, dont son ami Adolphe lui retrace à tout moment l'inflexible orgueil, et les justes motifs qui doivent étouffer sa passion. Que de scènes, que d'incidens sont nécessaires pour développer les progrès de ces divers sentimens et sur-tout le changement de la haine en amour ! Le romancier peut se mettre à l'aise pour tout cela. Mais l'auteur dramatique ne peut s'en tirer que par un récit et une longue exposition, et Dieu sait comment on peut expliquer tout cela dans une exposition ! M. Belin a cru pouvoir le faire. Il met en récit trois volumes et demi du roman et compose son drame avec la dernière moitié du dernier volume. C'est le moment où Ernest, inconnu et aimé d'Amélie, est pressé par elle et par son oncle de déclarer qui il est, et où madame de Woldemar, sa mère, vient elle-même réveiller la vengeance dans le cœur de son fils et s'opposer à cette mésalliance. On conçoit combien il était difficile de faire un ouvrage supportable en se plaçant dans une situation aussi monotone. Si M. Belin eût été créateur et maître de son sujet, il pouvait exciter de l'intérêt avec son inconnu, en inventant des ressorts qui eussent rendu son action dramatique; mais en se traînant sur les pas d'un autre il a dû faire et a fait un ouvrage froid et sans action. Qui est-il ? et partira-t-il ? voilà tout l'intérêt du drame de M. Belin. Cet auteur est, dit-on, fort jeune. Le choix du sujet de son ouvrage l'annonce. Il a besoin d'étudier à fond les règles de l'art. Il faut qu'il évite la prolixité, la monotonie, qu'il se persuade que ce n'est pas dans un roman qu'il faut étudier les hommes, et chercher un plan et des caractères. Il faut observer par soi-même, long-tems méditer les contrastes et les effets de son ouvrage, et sur-tout le soutenir par un style noble, animé et substantiel.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 11e année, 1806, tome I, p. 184 :

[Le compte rendu, qui nous donne la source littéraire de la pièce, souligne d’abord que la pièce a été écoutée pendant rois actes, et que ce sont les deux derniers actes qui ont provoqué la réaction du public : le sujet ne comportait rien de dramatique, puisque le noeud de l’intrigue pouvait être dénoué d’un mot. Mauvaise conduite de l’ouvrage donc, mais aussi un style qui ne valait pas mieux. Les acteurs seuls ont réussi à « soutenir la pièce quelques momens ».]

THÉATRE FRANÇAIS.

Amélie Mansfield, drame en cinq actes et en prose.

Cet ouvrage, tiré du roman du même nom, par madame Cottin, n'a pas eu de succès. Les trois premiers actes avoient été fort bien reçus ;-mais, jusque là, l'intrigue n'avoit fait que se nouer ; les difficultés étoient établies, et le grand-point étoit de trouver les moyens de bien faire le dénouement. C'est là que l'auteur a échoué. Son sujet ne comportoit point ces incidens, et ces coups de théâtre qui sont les grands soutiens du drame. Un homme que l'on hait sous un nom, sans l'avoir vu, et que l'on aime sous un autre après l'avoir connu ; un quiproquo fondé sur une phrase qui n'a pas été achevée, et qu'un seul mot auroit pu détruire, voilà les élémens de la pièce. Le style n'a pas paru meilleur que la conduite de l'ouvrage ; en un mot, le public n'a pas usé de rigueur, mais de justice.

Le jeu de madame Talma, de Damas et de Batiste , a seul pu soutenir la pièce pendant quelques momens.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier1806, p. 274 :

[Le passage à quatre actes a servi la pièce sans la rendre meilleure : elle est plus rapide (évidemment), mais le sujet reste mauvais...]

Amélie de Mansfield a été plus favorablement accueillie à la seconde représentation : ce drame n'est plus qu'en quatre actes, sa marche en est devenue plus rapide. Le jeu des acteurs, et particulièrement de Mme. Talma et de Damas, soutiendront sans doute, pendant quelques représentations, ce drame sur le sujet duquel son auteur s'est trompé, plus encore peut-être que sur les moyens d'exécution qu'il a employés.

D’après la base La Grange (sur le site de la Comédie Française), Amélie Mansfield a été créé le 17 décembre 1805 et n’a connu qu’une autre représentation. Elle a été réduite en 4 actes le 19 février 1805 (il y a un petit problème de dates... Il doit s’agit de 1806).

Un mélodrame portant le même titre d’Amélie Mansfield, dû à M. Hubert, avec un ballet de M. Blache et une musique de M. Adrien, a été joué pour la première fois, le 6 juillet 1825, sur le théâtre de l’Ambigu Comique.

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