Arétaphile, ou la Révolution de Cyrène, tragédie en cinq actes; par Ronsin. 23 juin 1792. A Paris, chez Guilllaume junior, 1793 :
Théâtre de la République.
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Titre :
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Arétaphile, ou la Révolution de Cyrène
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Genre
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tragédie
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Nombre d'actes :
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5
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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23 juin 1792
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Théâtre :
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Théâtre de la République
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Auteur(s) des paroles :
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Ronsin
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Sur la page de titre de la brochure,
Arétaphile, ou la révolution de Cyrene, Tragédie, en cinq actes, en vers, faite en 1786. Représentée, pour la première fois, sur le théâtre de la rue de Louvois, le 23 juin 1792. Par Ch. Ph. Ronsin.
Liste des personnages :
ACTEURS.
ÉGLATOR, ancien chef de la République de Cyrène.
ARÉTAPHILE, femme d'Églator.
OXIANE, fille d'Églator et d'Arétaphile,
NORATE, tyran de Cyrène.
ÉNARUS, Gouverneur de la Tour.
PHÉDIME, ami d'Églator.
EURYMENE, officier des Gardes de Norate.
SENATEURS.
SOLDATS.
PRÊTRES.
PEUPLE.
L'action se passe dans la ville de Cyrène.
Le premier acte, dans la Cabane d'un pauvre ; le second, dans la Tour ; le troisième, dans le Palais de Norate ; le quatrième, dans la Salle du Sénat; et le cinquième, dans le Temple.
Mercure universel, tome 16, n° 483 du lundi 25 mars 1792, p. 399-400 :
[La pièce nouvelle, qui a eu du succès, est présentée comme une tragédie. Elle transporte le public dans la Cyrène antique, qui a finalement beaucoup de points communs avec la France contemporaine, un gouvernement tyrannique qui agit de façon arbitraire, despotique (tout le vocabulaire politique est employé dans le compte rendu, sans oublier bien sûr patriotisme, ni « joug honteux de la servitude »). L'intrigue mêle action politique et affaires familiales, avant de se dénouer autour d'une coupe empoisonnée que l'héroïne boit pour sauver « avec son époux son pays » (mais le compte rendu ne précise pas si elle meurt, alors que ses derniers mots sont « O ma patrie, ô mort qui comble tous mes vœux ! »). Le jugement porté regrette une certaine lenteur de la pièce, mais ce défaut est compensé par le patriotisme de la pièce : l'auteur se voit crédité d'une haine de la tyrannie, contre laquelle il a « déclaré un combat à mort ». Les quelques vers cités sont une apostrophe du tyran, et ils ont été répétés à la demande de « la saine partie du public », sous « l'impulsion de la nature » (deux expressions du plus haut intérêt !). L'auteur, demandé, a paru. Et les acteurs (devenus malencontreusement « auteurs ») sont félicités, eux dont le jeu « fait croire à leur patriotisme ».]
Theatre de Louvois.
Arétaphile, tragédie en 5 actes, a obtenu avant-hier beaucoup du succès.
La scène se passe à Cyrène. Eglator, ancien chef de la république, a été exilé par un acte arbitraire de Norat, qui s'est emparé des rênes de gouvernement. Arètaphile, femme d’Eglator, gémit dans une tour, où elle met an monde une fille, fruit du plut tendre amour conjugal. Le tyran, pour cimenter son autorité, veut épouser la fille de l’ancien chef de la république ; mais son despotisme est devenu odieux à tous les amis de la liberté ; Enarus, gardien de la tour, séduit par les charmes d’Oxiana, fille d’Eglator, jure à sa mère de délivrer la terre d’un monstre qui la souille. Eglator revient dans sa patrie, rencontre Enarus qui lui donne des nouvelles de sa famille ; projet aussi-tôt formé de détrôner le tyran ; mais Eglator est reconnu, surpris, arrêté, condamné par un sénat vendu au roi ; le supplice l'attend, lorsqu'Arétaphile, feignant de céder aux instances du roi, en lui accordant sa fille, empoisonne la coupe conjugale, boit la première, et sauve avec son époux son pays, qu’elle affranchit du joug honteux de la servitude.
Cette tragédie ne marche pas avec assez de rapidité, mais ses défauts sont rachetés par des vers brûlans de patriotisme ; on voit que l’auteur est impatient de la tyrannie, et qu’il lui a déclaré un combat à mort. On a vivement applaudi ces vers : (Eglator s’adresse au tyran).
» Tu vis de ses bienfaits et ton orgueil le brave,
» Mais s’il t’abandonnoit, quel seroit ton appui ?
» Le peuple est tout sans toi, mais tu n es rien sans lui.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
» Jamais ces Dieux oisifs n'ont abaissé les yeux,
» Mais que le tyran meure et j’absoudrai vos Dieux ».
La saine partie du public, ne suivant que l’impulsion de la nature a fait répéter ces vers.
Le public a demandé l'auteur ; M. Rousin [sic pour Ronsin] est venu recevoir des applaudissemens mérités.
Nous devons plus que des encouragemens aux auteurs [sic pour acteurs »] :
MM. Dugrand, Garnier, et madame Milord, ont droit à nos éloges : leur jeu fait croire à leur patriotisme.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 3 (mars 1794), p. 270-272 :
[Une fausse nouveauté donc, puisque d’emblée elle est donnée comme une reprise, mais avec une date de première que ne confirme pas la brochure. Le début du compte rendu l’accuse, exemple à l’appui de « boursouflure ». Il se limite ensuite à dire « qu'elle est supérieurement mise, & qu'elle est très-bien jouée », ce qui peut passer pour un compliment paradoxal. Et l’essentiel du compte rendu porte ensuite sur la distinction à faire de la pièce nouvelle et d’une tragédie très ancienne (1618 !) portant le même titre, dont le critique nous résume l’intrigue pour montrer que la pièce nouvelle n’est pas un plagiat. Mais il ne dit rien de la pièce de Ronsin, comme si elle était connue de tous.
Arétaphile ne figure dans les annonces de spectacles de la Gazette nationale ou le Moniteur universel n° 171 du 20 juin 1791.]
THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE.
Arétaphile, tragédie en cinq actes; par Ronsin.
Cette piece, que l'on avoit déjà vue, le 20 juin 1791, sur le théatre de Louvois, est pleine de verve, mais qui peut-être dégénere quelquefois en boursouflure ; on en pourra juger par les vers suivans, qu'il met dans la bouche d’Eglator.
Sénat, je l'avouerai, j'ai douté si la terre
Occupoit les regards du maître du tonnerre,
Ou si, foibles jouets d'un pouvoir incertain,
Nous n'avions d'autres dieux qu'un aveugle destin.
Quand j'admirois l'accord qui regne entre les mondes,
La barriere imposée à la fureur des ondes,
La marche des saisons , de la nuit & du jour,
Dont le soleil prescrit l'absence & le retour ;
Tout m'annonçoit alors un Dieu dont le genie
Créa de l'univers la confiante harmonie,
Fertilisa la terre, & plaça sous le ciel
Tous ces globes roulans dans un ordre éternel.
Mais lorsque je voyois, triomphant sur la terre,
Le méchant faire au sage une éternelle guerre,
Ma raison se troubloit à cet affreux tableau ;
De la religion j'éteignois le flambeau ;
J'embrassois à regret ce désolant systême,
Que tout naît & périt sans un ordre suprême ;
Que, dans l'immensité distribués sans art,
Les globes enflammés ne marchent qu'au hasard.
L’existence des dieux me sembloit incertaine :
« Il n'en est point, disois-je, ou sur la race humaine,
Jamais ces dieux oisifs n'ont abaiss » les yeux.... »
Mais que le tyran meure, & j'absoudrai les dieux !
Nous ne donnons pas une analyse détaillée de cette piece, parce que tous les journaux l'ont donnée dans le tems ; nous dirons seulement qu'elle est supérieurement mise, & qu'elle est très-bien jouée.
On a dit avec raison, dans plusieurs journaux, que Duryer mit, en 1618, au théatre une tragédie sous le titre d''Arétaphile, & l'on a assuré, avec raison, encore que cette piece n'avoit pas été imprimée. Mais ce qu'il auroit fallu ajouter, c'est que la tragédie de Duryer, dont le manuscrit est resté pendant long-tems dans la bibliotheque du maréchal d’Estrées, d'où il est passé, à ce que nous croyons, dans la bibliotheque nationale, ne ressemble en rien à celle de Ronsin. Pour le prouver, nous allons mettre sous les yeux de nos lecteurs l'extrait de la piece de Duryer, qui est mal écrite, & qui peche contre toutes les regles reçues. Au reste, c'étoit le coup-d'essai de ce poète. En voici le sujet.
Philarque, fils du roi de Lybie, est amoureux d'une jeune princesse, nommée Arétaphile, dont il est aimé. Nicocrate, prince lybien, est aussi épris des charmes d'Arétaphile, & pour l'empêcber d’épouser son rival, il se révolte & s'empare de la couronne. Arétaphile cherche tous les moyens pour venger son roi & son amant. Aucun ne lui réussit. Enfin, elle engage Cléarque, frere de Nicocrate, à l'assassiner, & à rendre ensuite la couronne à Philarque. Il exécute son projet, mais il garde le sceptre. Arétaphile forme un parti, à la tête duquel se met son amant, qui combat Cléarque, & le fait prisonnier. Philarque lui sauve la vie, remonte sur le trône de son pere, & épouse Arétaphile.
On lisoit, dans un avertissement daté de 1618, qui se trouvoit à la tête du manuscrit dont nous avons parlé, que la tragédie d'Arétaphile avoit été reçue avec un applaudissement universel du peuple de la cour, & que M. le duc d'Orléans l'appelloit sa piece.
En voilà plus qu'il ne faut pour prouver que la tragédie du général Ronsin n'a rien de commun avec celle de Duryer. Il nous semble que tous ceux qui ont cité ce dernier auteur, auroient bien fait de dire que le premier ne lui devoit rien que le nom d'Arétaphile ; & très-certainement alors on n'auroit pas laissé sur ce poëte un soupçon de plagiat qu'il est bien loin de mériter.
(Journal des spectacles.)
Annales dramatiques: ou, Dictionnaire général des théâtres, tome premier (Paris, 1808), p. 315 :
ARÉTAPHILE, ou La Révolution De Cyrène, tragédie en cinq actes, en vers, par Ronsin, au Théatre Louvois, 1792.
Nous ne citerons qu'un vers de cette tragédie, pour faire juger dans quel sens elle a été composée.
Arétaphile répond au tyran de Cyrène, qui parle avec mépris du peuple qu'il opprime :
« Sans toi le peuple est tout, et tu n'es rien sans lui. »
C'est encore dans cet ouvrage qu'on retrouve une traduction assez heureuse du fameux morceau de Claudien , qui commence par ce vers :
Sæpè mihi dubiam traxit sententia mentem, etc.
Le vers de Claudien est le premier vers du livre 1 du Contre Rufin, une invective contre un ministre indigne, mais aussi une rude critique de la politique de l'empire romain d'Orient.
D’après la base César, la pièce de Ronsin a été d’abord jouée 6 fois au Théâtre de la rue de Louvois (théâtre des amis de la patrie), du 23 juin au 19 juillet 1792. Puis elle a été reprise pour 5 représentations au Théâtre français de la rue de Richelieu, du 16 au 28 novembre 1793.
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