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L'Abbé Pellegrin, ou la Manufacture des vers

L'Abbé Pellegrin, ou la Manufacture des vers, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, de Tournay et Audras. 11 thermidor an 9 [30 juillet 1801] au Théâtre du Vaudeville. A Paris, chez Made Masson

Théâtre du Vaudeville

Almanach des Muses 1802.

Le nom des auteurs est fourni par le Second supplément à La France littéraire depuis 1771, Hambourg, 1806, p. 505.

Eric H. Kadler, Literary Figures in French Drama (1784–1834) cite comme auteur Nioche, M.-J.-B. C'est une des « formes rejetées » par le Catalogue Général de la BNF du nom de Tournay, Nioche de Tournay, Mathieu-Jean-Baptiste (1767-1844).

La Décade philisophique, littéraire et politique, an 9, IVème trimestre, n° 32, du 20 Thermidor, p. 310-311 :

Théâtre du Vaudeville.

L'abbé Pellegrin.

L'abbé Pellegrin n'est plus guères connu que par l'honneur d'avoir ouvert la carrière au célèbre Rameau, auquel il voulut confier un Ouvrage ; et par ces deux vers de Voltaire :

Le matin catholique et le soir idolâtre,
Il dînait de l'autel et soupait du théâtre.

Cependant l'abbé Pellegrin avait obtenu quelques succès littéraires, et eut, comme Laharpe, de notre tems, l'honneur de remporter à la fois le même jour le prix et l'accessit de l'Académie française. Il réussit au théâtre dans les trois genres de la tragédie, de la comédie, et de l'opéra. Pélopée , le Nouveau Monde et Jephté, attirèrent aux trois spectacles une assez grande affluence. Il traduisit en vers la majeure partie des odes d'Horace ; il fit des cantiques spirituels pour Saint-Cyr, enfin il était renommé pour tenir boutique ouverte de petits vers, et de madrigaux, d'inscriptions, d'épigrammes, de rondeaux et de triolets. Il est aujourd'hui quelques personnes qui dédaignent peut-être l'abbé Pellegrin, et qui n'ont pas autant de titres que lui pour espérer de passer à une longue postérité. N'oublions pas que Pellegrin, déjà presque oublié, n'est mort qu'en 1745, c'est-à-dire, il y a tout au plus soixante ans, et craignons de croire légèrement aux réputations.

L'abbé Pellegrin paraissait, dans sa médiocre obscurité, peu fait pour figurer dans cette galerie que le Vaudeville a décorée des portraits de tant d'hommes vraiment célèbres ; mais l'usage qu'il faisait de son faible talent, en le consacrant à soutenir sa famille ; sa bonhommie bien connue, et l'anecdote plaisante de son interdiction, par le cardinal de Noailles, pour n'avoir pas voulu renoncer au théâtre, paraissaient devoir fournir quelques scènes heureuses, et les CC. Audras et Tournai, s'en sont emparés d'une manière ingénieuse.

Ce sont surtout les deux vers de Voltaire, qui, encadrés avec adresse, font toute la contexture de la pièce.

L'abbé Pellegrin écrit en même-tems au Cardinal pour obtenir un bénéfice, et à la comédienne Dangeville, pour lui recommander sa pièce. Le valet-secrétaire se trompe d'adresse, et le Cardinal reçoit la lettre destinée à la comédienne. Il députe vers l'abbé un bon séminariste bien dévot, qui lui enjoint de renoncer au théâtre, et sur le refus qu'il fait d'abandonner ce qui le fait vivre ainsi que sa famille, il l'interdit de ses fonctions. La comédienne répare, autant qu'il est en son pouvoir, ce nouvel échec à la fortune de l'abbé, en lui faisant obtenir une pension sur le Mercure, ce qui supplée au bénéfice dont il avait besoin.

Ajoutez à ce fonds une nièce de l'abbé, fort dévote, mais amoureuse, et jalouse de mademoiselle Dangeville, qu'elle croit sa rivale, et qui précisément s'adresse, sans la connaître, à cette comédienne, pour obtenir que son oncle renonce au théâtre. Ajoutez encore quelques scènes à tiroir assez plaisantes, fournies naturellement par la manufacture de versiculets que tenait l'abbé Pellegrin, et vous aurez toute la pièce. Le fonds en est léger, il ne pouvait pas être plus nourri ; mais il y a de l'esprit, et beaucoup, à mettre cet abbé entre la dévotion et son talent, à l'avoir entouré d'une nièce dévote et d'un secrétaire étourdi, et d'une comédienne, et à concilier le petit grain de philosophie que comportait l'Ouvrage avec le respect des convenances et celui de la direction actuelle des esprits.

Les couplets sont en général tournés avec facilité et précision, et les scènes ménagées avec adresse ; aussi le succès a-t-il été complet et doit faire présumer que l'Ouvrage enrichira le joli répertoire de ce théâtre.                             I. C.

Nota. Tout le monde ne sait peut-être pas que ce bon abbé Pellegrin, qui avait besoin de vendre ses vers, n'avait consenti à livrer un poëme à Rameau qu'en recevant un billet de celui-ci : mais qu'à la première répétition de son opéra, quand il eut entendu la musique, il déchira le billet en disant qu'il était trop payé par le plaisir de faire connaître & la France un semblable compositeur.

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