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L’Amour à Cythère

L’Amour à Cythère, ballet-pantomime en deux actes, 7 brumaire an 14 (28 octobre 1805).

Théâtre de l’Académie impériale de Musique.

Titre :

Amour à Cythère (l’)

Genre

ballet-pantomime

Nombre d'actes :

2

Musique :

oui

Date de création :

7 brumaire an 14 (28 octobre 1805)

Théâtre :

Théâtre de l’Académie impériale de Musique

Chorégraphe :

Henry

Compositeur :

Gaveaux

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Roullet, an XIV (1806) :

L’Amour à Cythère, ballet-pantomime en deux actes, Représeté pour la première fois sur le Théâtre de l’Académie impériale de Musique, le 7 brumaire an 14.

Sur la page suivante :

Le Ballet est de M. Henry.

La Musique est de M. Gaveaux.

Le texte du ballet est précédé d’une dédicace et d’une préface.

La dédicace :

A son altesse sérénissime

Monseigneur le Prince

Archi-Chancelier

de l’Empire françois.

Monseigneur,

La protection que vous daignez accorder au premier essai de mes foibles talens, en permettant que votre nom lui serve d’égide, soutient mon courage et me fait espérer l’indulgence du public. Si j’ai le bonheur d’obtenir quelques succès , je les devrai à cette bonté qui vous caractérise et aux encouragemens que vous accordez aux arts. Heureux si je puis un jour mériter, par mes progrès, d’avoir fixe’ un instant votre attention , et justifier la faveur de faire paraître mon ouvrage sous d’illustres auspices.

Je prie Monseigneur d'agréer l’expression de la vive et respectueuse reconnoissance

de son humble et très obéissant serviteur

L. Henry.

La préface :

PRÉFACE.


 

Les bontés dont le public daigne m’honorer m’ont engagé à lui offrir le ballet de L’Amour a Cythère. Pour lui prouver ma reconnoissance et mériter ses suffrages, j’ai pour ainsi dire composé mon sujet : le trait de la colère de Jupiter, est le seul qui soit pris dans la Mythologie; le reste est d’imagination. Ainsi que les anciens, j’ai tout personnifié ; j’ai même fait naître des fleurs sur le théâtre : cette fiction m’a paru neuve, et j’ai choisi l’isle de Cythère pour la mettre à exécution.

Tous les Artistes m’ont témoigné une amitié dont je conserverai un souvenir éternel. Mademoiselle Clotilde, en acceptant le rôle de Vénus, a mis toute la noblesse et la grâce dont elle est susceptible ; madame Gardel, dont la modestie égale le talent, a choisi celui de la Violette : les mœurs douces et pures de cette aimable Artiste, semblent s’accorder avec le caractère de cette fleur.

S’il falloit rendre hommage à messieurs Goyon, Saint-Amant, Beaulieu, Branchu, Aumer, et mesdames Chevigny Emélie Colomb, Milliere, Victoire Saulnier, et plusieurs autres, il faudroit une plume plus exercée que la mienne. Qu’il me suffise de leur témoigner ma reconnoissance, ainsi qu’à ces messieurs et dames du corps de la Danse, dont le zèle et l’ardeur m’ont mis à même de monter mon ballet en vingt jours.

La liste des personnages qui suit cette courte préface est d’une longueur impressionnante (pas moins de 23 rôles individualisés, auxquels s’ajoutent de nombreux groupes (chefs des vents, vents, nymphes, jeux, ris, plaisirs, bergers et bergères – 8 de chaque ! –, amours, petits amours).

Carrière à l’Opéra :

5 représentations en 1805 (29/10 – 24/11).

2 représentations en 1806 (16/03 – 23/03).

2 représentations en 1807 (02/06 – 16/06).

9 représentations de 1805 à 1807.

Journal de l’Empire, 14 frimaire an 14, 5 décembre 1805, page 2.

[L’article parle finalement peu du ballet, et beaucoup de ce qui l’entoure. D’abord l’ambiance délétère de l’Opéra, autour de cet Amour à Cythère, occasion de « terribles jalousies » décrites avec un vocabulaire de la violence, voire de la guerre. Ces dissensions sont présentées comme la source de l’accident qui a touché le chorégraphe-danseur, victime des chagrins, des inquiétudes, des soucis, des inquiétudes causées par la préparation explosive de son ballet. Il y a simplement gagné de constater « tout l'intérêt qu'il inspire aux amateurs des arts ». De cet accident, le critique tire une leçon destinée au danseur : il lui faut se ménager et accepter les limites que lui impose son corps : « l'on expie les prodiges de force par une foiblesse extraordinaire ». Il enchaîne ensuite sur un long développement sur l’amertume qu’on tire de la pratique du ballet, en partant d’une citation d’Horace. Ce jeune chorégraphe ose trop, et « la témérité est toujours blâmable » (leçon de morale bien peu exaltante !).]

Académie impériale de Musique.

L’Amour à Cythère.

On sait que l'Amour à Cythère a excité de terribles jalousies à l'Opéra ; peu s'en est fallu que des danses légères ne fussent changées en de cruels combats, et que la charmante retraite des jeux, des ris et des plaisirs, ne fût ensanglantée par la haine et par la vengeance. Grace aux sages mesures de l'administration, ces funestes querelles sont apaisées : le calme a succédé à de si violens orages ; et voilà que le malheureux Henri, long-temps en proie aux chagrins les plus amers, accablé de fatigues, déchiré de soucis et d'inquiétudes, au moment où il commençoit à goûter quelque repos, tombe en dansant dans son propre ballet, interrompt le spectacle, et alarme tout le public par sa chute. Ce jeune danseur a recueilli du moins d'un accident aussi triste, l'avantage de connoître tout l'intérêt qu'il inspire aux amateurs des arts : on a témoigné le plus vif empressement de savoir s'il étoit blessé. Mlle Emilie Colomb, qui, dans le ballet , était chargée du personnage de la Bise, s'est avancée au bord du théâtre , et aver un accent plein de sensibilité, a rassuré l'assemblée sur les suites de cette chute, sans cependant dissimuler l'impossibilité de continuer le spectacle.

Il paroit que c'est l'effet de l'épuisement causé par des efforts excessifs. Il y a de jeunes artistes dont il faut stimuler l'indolence avec l’aiguillon : Henri n'a besoin que de frein ; il s'abandonne trop à son ardeur, la passion de son art le transporte, l'émulation l'enflamme. Il avoit fait ce jour-là même des prodiges de vigueur et d'adresse ; son élévation est étonnante pour sa taille : son ame, enivrée par les applaudissemens, oublioit, pour ainsi dire, qu'elle avoit un corps; mais la nature a ses bornes, et l'on expie les prodiges de force par une foiblesse extraordinaire.

Horace, si l'on peut parler ainsi, envoyoit promener l'art dramatique, en songeant aux tourmens des pauvres auteurs :

          Valeat res ludicra si me
Palma negata macrum, concessa reducit opinum.

« S’il faut engraisser ou maigrir au gré des caprices du spectateur, si le sifflet me tue, si les bravos me ressuscitent, je renonce à un jeu si cruel et si cher(*). » Henri pourroit dire des ballets ce qu’Horace disoit des pièces de théâtre : combien son Amour à Cythère ne lui a-t-il pas causé de peine ! Exposer sa santé, risquer sa vie, perdre le repos et le bonheur, n'est-ce pas acheter à trop haut prix le foible succès de quelques danses ? Puisse de moins ce jeune artiste profiter, pour son instruction, d’une si fâcheuse expérience ! Qu'il apprenne à consulter ses forces, à modérer les passions même les plus louables : rien de plus noble et de plus généreux, sans doute, que cet amour de la gloire qui fait braver à un jeune homme les travaux et les dangers pour s’élancer tout-à-coup au faîte de son art ; mais la témérité est toujours blâmable, lors même qu’elle est heureuse.

L’Amour à Cythère étoit précède d'OEdipe a Colonne, chef-d'œuvre représenté trop souvent, et dont on est rassasié. Lays qui, dimanche dernier, avoit honoré cet opéra de sa présence, n'a point fait au public la même faveur le mardi suivant : ainsi l’Amour à Cythère n’avoit d’autre appui que lui-même ; on ne peut faire honneur qu’à lui sent de l’assemblée choisi et nombreuse qui s’étoit réunie pour te voir.

(*) Imitation libre, et non pas traduction exacte du texte d’Horace, dont voici le sens littéral : « Adieu, frivole amusement, si applaudi je m’en retourne plus gras, et sifflé, plus maigre qu’à l’ordinaire. » [Horace, Épîtres, Livre II, épître I, Ad Augustum, vers 180-181. On trouve « donata » à la place de « concessa » dans les éditions d’Horace. Traduction encore plus littérale : « Bonne santé à l’art du théâtre, si je dois maigrir ou engraisser pour une palme refusée ou accordée. » (traduction de Leconte de Lisle).]

Journal de l’Empire, 25 mars 1806, page 2 :

[La représentation évoquée dans ce feuilleton, c’est celle du 23 mars 1806, septième représentation de l’Amour à Cythère, associé ce soir-là à la Caravane du Caire, dont c’était la cent-huitième représentation. L’article s’ouvre très curieusement sur un compliment un peu ambigu fait aux « ballets composes par les jeunes danseurs », les raisons de leur succès étant détaillées avec beaucoup de précision, et un peu de réticence. Le ballet lui-même est décrit comme dénué d’action, mais plein de charmes, et les interprètes, surtout féminines, on droit à de beaux compliments. Privilège qu’elles partagent avec le chorégraphe, Henry, danseur plein xs dynamisme, mais que le critique invite à ménager ses effets, pour ne pas les amoindrir dans l’esprit des spectateurs. Compliment douteux ? En tout cas, le pas de cinq inclus dans la Caravane du Caire, présenté comme une préparation au ballet lui-même, est décrit comme « élégant et noble », mais imparfait : il ne faut pas que « dans la saison des fleurs », on ait déjà des fruits ».]

ACADÉMIE ÏMPÉRIALE DE MUSIQUE.

L’Amour à Cythère.

Les ballets composes par les jeunes danseurs, réussissent, parce qu'on s'intéresse à la jeunesse, lors même qu'elle est téméraire, pourvu qu'elle montre du talent ; parce que ce genre de composition leur est interdit par les ancienne: loix de l'Opéra. Que de combats n'ont-ils pas eu à soutenir contre les préjuges antiques ! Que d'obstacles à surmonter ! La représentation qu'ils ont obtenue est une victoire. Enfin, la troisième et la plus forte raison de cet accueil favorable fait aux ballets des jeunes gens, c’est que le compositeur y danse : ces compositeurs étant précisément ceux qui attirent le public, ceux qui excitent le plus vivement la curiosité, quand leur ballet ne seroit pas excellent, on iroit encore~uniquement pour les voir danser.

Si l’Amour à Cythère n'a pas beaucoup d'action, il offre des tableaux gracieux, des idées fraîches, et tout ce que l’imagination poétique a jamais enfanté de plus riant. Les danses sont délicieuses, et ce sont les danses qui font le charme d'un ballet. Le pas de Saint Amand avec Mlle Emilie Colomb est plein de feu et de volupté : les amours du Zéphire avec les fleurs que son souffle a fait éclore font une allégorie théâtrale ; car ces fleurs sont très animée : c'est Mlle Taglioni, c'est Mlle Victoire Saulnier, c'est Mlle Millière. Ce ne sont pas des plantes qui végètent, et l’on ne peut pas dire du Zéphire qu’il n’a que le souffle, c’est un grand et beau jeune homme.

Mlle Taglioni a succédée [sic] à madame Gardel dans le rôle de la Violette ; le rôle ne convenoit pas à madame Gardel ; son mérite éclate trop, il est trop connu. C'est Mlle Taglioni qui est tla véritable Violette : simple, timide, modeste, elle se cache parmi ses compagnes, mais on l’aperçoit, on la découvre, et l'on est surpris de trouver qu'elle mérite d'être distinguée.

C'est Mlle Millière qui est la Rose ; c'est l’amante de Zéphire. Les amours de la Rose et du Zéphire ont leurs malheurs, leurs aventures, leurs bonnes fortunes, comme les amours des êtres animés et sensibles. Zéphire et la Rose sont pleins d'amour et de vie sur la scène : Henri est le Zéphire ; il en a la souplesse et la légéreté, et l’on doit bien s'imaginer qu'il a dansé dans son ballet comme en étant l'auteur. Il a travaillé en bon père qui n'épargne rien pour son enfant. Son élévation superbe et rare a étonné tout le monde. Les tours en l'air, les pirouettes de la première qualité et du dernier goût, excitoient si souvent l’admiration, et avoient un air si facile qu'on a fini par se familiariser avec les prodiges. Je conseillerois à Henri de les ménager davantage pour leur concilier plus de respect, car ma familiarité est voisine du mépris.

Henri avoit préparé les spectateurs à son ballet, par un pas de cinq de sa composition, exécuté au second acte de la Caravane. Mesdames Gardel, Millière, Mimi et Victoire Saulnier, et Henri lui-même, ont à l’envi déployé leur talent dans ce pas élégant et noble, qui prouve que le jeune artiste joint au mérite de l'exécution les dispositions les plus heureuses pour inventer et composer agréablement. Si ces essais n'atteignent pas à la perfection, qui pourroit s'en plaindre ? Ce seroit même un miracle de mauvais augure, si dans la saison des fleurs, il donnoit déjà des fruits.

[La suite de l’article est consacrée à l’annonce d’une représentation solennelle au bénéfice de madame Saint-Aubin, au cours de laquelle on devait donner Ma tante Aurore, précédé des Templiers et terminée par « un divertissement de Gardel, dans lequel Duport dansera ». Et « quoique ce ne soit pas l’usage, madame Duret, très bonne à entendre partout, chantera extraordinairement dans le ballet. » Et ce divertissement, c’est Une demi-heure de caprice.]


 

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