L'Amour romanesque

L'Amour romanesque, opéra en un acte, paroles de M. Armand-Charlemagne, musique de M. Wolf. 12 ventose an 12 [3 mars 1804].

Théâtre de l'Opéra Comique

Almanach des Muses 1805

Valcour a aimé une jeune paysanne, nommée Julienne. Il arrive d'Amérique, il descend chez M. Delatour. Celui-ci est le père de Lucile, que Valcour ne voit pas sans intérêt ; mais Lucile n'est autre que Julienne. Elle veut éprouver si Valcour lui est resté fidèle, et paraît à ses yeux sous un habit de paysanne. Valcour reconnaît Julienne et oublie Lucile. Il va l'épouser malgré sa pauvreté, lorsque Lucile, satisfaite de son épreuve, reparaît sous un habit de ville, et épouse Valcour.

Sujet vraiment romanesque, plusieurs situations qui rappellent Aline, reine de Golconde.

 

Courrier des spectacles, n° 2563 du 13 ventôse an 12 [4 mars 1804, p. 2 :

[L’article commence par l’analyse de l’intrigue, dont l’originalité n’est pas la qualité première : un jeune homme revenu d’Amérique (où il s’est enrichi, bien sûr) veut retrouver celle qu’il a aimée comme paysanne et qu’il croit retrouver en jeune fille de bonne famille (épousable donc). La jeune femme décide bien sûr de tester la force de son amour : elle lui fait croire que sa bien aimée est mendiante à Marseille, et il vut tout de suite aller la retrouver. Il suffit de révéler la vérité, et les deux femmes n’en font plus qu’une : le jeune homme est comblé. La pièce a paru froide, parce qu’elle montre « ces grands sentimens de constance, de fidélité, si rares aujourd’hui et ridiculisés dans la société », mais aussi parce qu’elle est « une espèce de contr’épreuve à Aline, reine de Golconde » que le même théâtre vient justement de monter. La musique est rapidement évoquée : elle « offre des traits qui font honneur au compositeur, deux morceaux étant distingués (mais on a lu des comptes rendus plus enthousiastes). La pièce n’a pas été jouée par les premiers sujets, mais leurs doublures ont fort bien joué, avec une mention particulière de l'actrice jouant le double rôle féminin.]

Théâtre Feydeau.

Première Représentation de l’Amour Romanesque.

Valcour, jeune Français, arrivé depuis peu d’Amérique, où il a amassé une fortune considérable, est descendu chez M. Delatour, négociant, dont il n’a pu voir la fille, nommée Lucile, sans le plus vif intérêt. Ses traits lui rappellent une jeune personne qu’il a jadis connue et aimée au village, sous le nom de Julienne, et il ne peut croire que cette paysanne naïve et simple soit devenue une demoiselle ornée de toutes les grâces et de tous les talens. D’un autre côté Lucile, qui n’est autre que Julienne, voulant éprouver si Valcour lui est demeuré fidèle, gagne le Valet de celui-ci ; et comme il a été envoyé par son maître aux lieux qu’habitoit Julienne, afin d’en rapporter des nouvelles certaines, il bâtit de concert avec Lucile un roman d’aventures et de malheurs, et finit par déclarer, que Julienne est à Marseille, où elle mendie son pain.

Valcour veut à l’instant partir pour cette ville : il ordonne à son Valet de tout préparer pour le voyage. Durant ce tems , Lucile a feint une course à une campagne voisine ; mais à quelque distance de la maison elle a fait arrêter sa voiture, et étant rentrée incognitò, elle s’habille en Villageoise, et se présente ainsi à Valcour, qui la reconduit et qui lui jure de nouveau un amour constant. M. Delatour qui les surprend au moment de la reconnoissance, feint de ne pas reconnoître sa fille, et de la prendre pour une Paysanne, et il somme Valcour de répondre à la proposition qu’il lui a faite de l’adopter pour gendre. La timide Julienne l’emporte ; Lucile est refusée : mais l’explication a lieu, et Valcour se voit doublement heureux en retrouvant dans une seule et même personne deux femmes charmantes, et qui avoient presque également captivé son cœur.

Tel est le fonds romanesque de l’Amour romanesque. Ces grands sentimens de constance, de fidélité, si rares aujourd’hui et ridiculisés dans la société, font peu de sensation au théâtre, aussi l’ouvrage quoique chaudement applaudi a-t-il paru froid et peu intéressant. On a pu voir par l’analyse ci dessus, que c’est une espèce de contr’épreuve à Aline, reine de Golconde ; et ce qui nuit le plus à cet opéra, c’est d’être joué si tôt après et sur le même théâtre que celui auquel nous venons de le comparer.

La musique offre des traits qui font honneur au compositeur. On y a sur-tout remarqué un duo entre Lucile et Valcour, et un air chanté par ce dernier.

Quoiqu’on ne voie point sur l’affiche les noms de MM. Elleviou, Martin ou Gavaudan, cette pièce est fort bien jouée par MM. Jausserand, Solié , Chenard , et sur-tout-par mademoiselle Pingenet aînée qui a déployé un talent très agréable dans le double rôle de Julienne et de Lucile. Elle a pris pour modèle madame Saint-Aubin, et plus d’une fois on a observé avec le plus grand plaisir qu’elle approchoit de cette charmante actrice.

F. J. C. P. G***.          

Journal de Paris, n+ 163 du 13 ventôse an 12 [4 mars 1804], p. 1034 :

[Le compte rendu s'attache à montrer que la pièce est dépourvue d'invention. Elle a pourtant connu le succès, et les auteurs ont été nommés. Son dénouement intervient trop tôt, juste au moment où l'intérêt allait augmenter, et c'est le dialogue qui vaut le plus. La musique est jugée positivement, comme l'inyerprétation.]

Opéra comique. Théâtre Feydeau.

L'Amour romanesque a obtenu du succès. L’auteur des paroles est M Armand-Charlemagne, connu par son talent pour la poésie fugitive; celui de la musique est M Wolf, excellent maître de piano-forte. Voici en peu de mots le sujet de la pièce.

Firmin, jeune pastoureau, & Julienne, jeune bergerette, s'aimaient d’amour tendre, dans un hameau de la Provence. Firmin pase en Amérique, y fait fortune, & revient à Paris, où il se fait nommer Valcour ; Julienne devient, de son côté jeune heritiere, fixe sa demeure dans la capitale, & y prend le nom d’Elise. Des affaires amènent Valcour chez le pere de cette belle parvenue ; elle reconnoît son amant, & se présente à lui, richement vêtue, pour être à même de l'éprouver. Cette vue rappelle à Valcour la jolie bergerie qu’il a laissée en Provence ; mais ce souvenir ne lui inspire que des regrets, car les manières d’Elise, grande dame, sont loin de lui plaire comme la naïveté de Julienne, petite paysanne, & il est même décidé à partir pour aller retrouver celle-ci, qu’on lui dit être dans la misère, lorsqu’elle paroît à ses yeux en jupon court, en blanc corset. On se figure aisément la joie qu’il éprouve en la retrouvant, & il n'est guères plus difficile de deviner que, sacrifiant Elise à Julienne, il les épouse toutes deux en une seule personne. Te! est, en effet, le dévouement.

Il n’y a ni invention, ni développement dans cette petite pièce, dont le charmant conte d’Aline paroît avoir donné l’idée ; elle finit précisément là où l'intérêt devoit augmenter, & rien n’y justifie, selon nous, le titre d’Amour romanesque. Quand au dialogue, c’est ce qu’il y a de mieux.

La musique n’est pas dans le goût le plus moderne, mais elle est composée avec esprit, & parfaitement analogue au sens des paroles ; nous croyons qu’elle soutiendra l’ouvrage. En général, la pince a été bien jouée.

La Décade philosophique, an xii, 10, n° 17 (20 ventôse), p. 501-502 :

Théâtre de l'Opéra-Comique, rue Faydeau.
L'Amour romanesque, en un acte.

Le fond de cette bluette ressemble prodigieusement à celui d'Aline , reine de Golconde : mais l'auteur en a tiré quelques détails ingénieux. On y distingue aussi la facilité gracieuse d'un dialogue piquant et la plume d'un écrivain déjà exercé dans le genre des saillies épigrammatiques.

On a de la peine à trouver ce qui peut justifier le" titre de VAmour romanesque. Tous les amours de comédie sont plus ou moins romanesques, et celui-ci ne le paraît pas beaucoup plus que les autres.

La musique est agréable , mais d'un effet un peu pâle.

Cependant la pièce a réussi : les auteurs ont été demandés. C'est M. Armand Charlemagne pour les paroles, M. Jos. Woëelft pour la musique.

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