L'Auberge de Bagneres

L'Auberge de Bagneres, opéra comique en trois actes, paroles de M. Jalabert, musique de M. Catel ; 23 avril 1807.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Titre :

Auberge de Bagnères (l’)

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

23 avril 1807

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique

Auteur(s) des paroles :

Jalabert

Compositeur(s) :

Catel

Almanach des Muses 1808.

Imbroglio dans lequel l'esprit de l'auteur paraît s'être un peu égaré. Quelques caricatures qui rappellent un peu trop les Femmes savantes, et les Précieuses ridicules. Des intentions comiques, mais faiblement développées ; beaucoup de bruit et peu de mouvement ; musique bien écrite ; demi-succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mad. Masson, 1807 :

L'Auberge de Bagnères, comédie en trois actes, mêlée de chants, Paroles de M. Jalabert, Musique de M. Catel. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Opéra-Comique-National, rue Feydeau, le 16 avril 1807.

[D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 149, la première a eu lieu le 23 avril.]

L'Esprit des journaux, françois et étrangers, mai 1807, tome V, p. 268-275 :

[Le compte rendu s’ouvre sur deux longs paragraphes consacrés à la situation du Théâtre de l’Opéra Comique face à la concurrence des autres théâtres lyriques. Plutôt que de se plaindre, il vaudrait mieux qu’il se consacre aux « bons ouvrages », car « l’opéra-comique est un genre tout-à-fait dans le goût de la nation, et dans la tournure de l'esprit français ». Il réussira s’il reste lui-même. S’il choisit des ouvrages conformes « à son véritable genre », « aux modèles dont le succès l'a autrefois comblé de richesses et des faveurs du public ». Tout cela pour introduire la critique de l’Auberge de Bagnères, dont la première « a été très orageuse », « son succès très-contesté, très-douteux ». Pourtant tout avait été fait pour que la pièce réussisse : le critique fait la liste de tous les grands comédiens qui se sont engagés dans la représentation. « Cet empressement des comédiens et du public » a d’ailleurs conduit à soupçonner une volonté de cacher le nom de l’auteur qui serait quelqu’un de célèbre, mais il a choisi de rester anonyme. On passe de là à la critique proprement dite : « ouvrage […] de tout point défectueux », « conception […] vague et indéterminée », « point unité de ton », « l'intrigue […] un imbroglio dans toute la force du terme », « aucune entente de la scène, « longueurs », « inutilités », « entrées et sorties sans motif », tous les défauts possibles se succèdent (ce passage serait un bon résumé de ce qu’il ne faut pas faire), auquel on oppose seulement « quelques caractères comiques qui ne sont pas sans originalité » et « une situation assez amusante ». Mais le dialogue contient plus de lazzis que de traits comiques, « et l'un est aussi facile à trouver que l'autre est rare et difficile ». La musique est d’un compositeur prestigieux, aux titres nombreux. Mais elle ne convient pas à l’ouvrage : ouverture sans plan, sans ensemble, sans unité de motif ; de petits airs manquant de facilité, et aux accompagnements « un peu trop travaillés », incohérence aussi d’un opéra où on se moque à un moment des compositions où on utilise abondamment « le luxe frivole, et la brillante légèreté de l'école bouffonne d'Italie », avant d’en produite des exemples. Au total, une composition qui manque « de couleur, de verve et de variété », qui atteint trop peu les sommets du « mieux ». Mais peut-être peut-on la conserver au théâtre à condition pour les auteurs « de resserrer leur ouvrage, de supprimer impitoyablement beaucoup de scènes inutiles, de refaire les paroles de la plupart des morceaux, et de revoir le dialogue avec soin ».]

Théatre de l'Opéra – Comique.

L'Auberge de Bagnères

On se plaint, dit-on, à l'Opéra-Comique de 1'inconstance de la fortune, des caprices du public, et des fréquentes infidélités dont il se rend coupable envers ce qu'il paraît affectionner le plus : si ce théâtre, riche d'un répertoire nombreux et varié, de toutes les productions lyriques qui ont brillé dans le siècle dernier, de celles de la troupe Feydeau qu'il s'est réunie, et de celles que chaque jour les auteurs et les musiciens lui portent à l'envi ; si ce théâtre, dis je, se plaint de sa situation, que n'aurait-il pas à redouter, si le grand opéra variant davantage l'emploi de ses moyens, dérogeait plus souvent à sa dignité tragique, donnait plus d'ouvrages du genre demi-sérieux ; si l'Opéra-Buffa exécutait d'une manière toujours digne d'elle les belles compositions de l'école d'Italie ? Ce qu'il aurait à redouter alors, ne serait-ce pas une concurrence insoutenable, et une ruine totale succédant à une longue décadence ? Dans cette position difficile, et qui peut le devenir davantage encore, il ne faut accuser ni le goût du public, ni son inconstance : le goût du public n'est point gâté ; son inconstance peut consister à accueillir tantôt un genre, tantôt un autre plus favorablement ; mais dans tous les genres, il ne s'attache qu'au bon, à ce qui lui plaît, et est fait pour lui plaire. Le public pourrait être comparé à une femme sensible, mais d'un goût délicat, connaissant toute la difficulté d'un bon choix, et tout le prix d'une faveur : celui qui reprochera à cette femme d'être indifférente, inconstante, ou même coquette, aura très-probablement tort ; qu'il s'efforce de lui plaire, qu'il le mérite, et il n'aura plus rien à lui reprocher.

L'opéra-comique est un genre tout-à-fait dans le goût de la nation, et dans la tournure de l'esprit français : tous les bons ouvrages en ce genre ont eu un succès brillant et soutenu : ils n'ont même pas besoin du mérite de la nouveauté ; ils ne veulent qu'être joués, comme ils l'étaient, lorsqu'ils réussirent pour la première fois. On ne serait ici embarrassé que du choix des exemples pour prouver que lorsque ces opéra ont reparu, bien établis, joués avec ensemble et avec soin, le plaisir qu'y a pris le public, et son empressement à s'y porter, faisaient le procès des bluettes insignifiantes, des nouveautés, copies bientôt vieillies de copies déjà vieilles, qui se sont trop succédées [sic] dans ces derniers temps, et qui n'ayant aucun caractère, n'ont obtenu aucun succès. Que manque-t-il donc à l'opéra-comique actuel ? Ce ne sont ni les acteurs, ni l'ancien répertoire, ni le défaut de nouveautés : c'est un goût plus sûr, présidant au choix des ouvrages qu'il donne, c'est plus de fidélité à son véritable genre, à son titre, et aux modèles dont le succès l'a autrefois comblé de richesses et des faveurs du public.

La première représentation de l'Auberge de Bagnères a été assez orageuse ; son succès très-contesté, très-douteux ; nous attendions la seconde pour fixer nos idées d'après le jugement du public ; mais une indisposition de Solié force à l'ajourner ; il faut donc parler de la première, quoique ce ne soit peut-être pas le moyen le plus sûr d'être juste.

Jamais les comédiens n'avaient tant fait pour un ouvrage nouveau ; toutes leurs forces étaient réunies, le ban et l'arrière-ban étaient convoqués ; Elleviou et Martin ne se disputaient pas l'empire, mais se le partageaient : Solié, Lesage paraissaient à côté d'eux : Mme. Gonthier rappellait, par son jeu franc, naturel et gai, les beaux jours, et le ton véritable de l'opéra comique ; Mme. Gavaudan profitait de tous les avantages naturels, que lui faisait développer un rôle assez piquant ; Mlle. Rolando déployait son hardiesse accoutumée et sa facilité brillante : tous les rôles secondaires étaient bien joués. Aussi, sur les promesses de l'affiche, l'affluence était-elle très-considérable.

Cet empressement des comédiens et du public a donné lieu à quelques conjectures, qui ne tendent à rien moins qu'à soulever le voile de l'anonyme, sous lequel a voulu se cacher l'auteur, lorsque des spectateurs, demandant le nom de cet auteur que l'on sifflait à outrance, jouaient eux-mêmes un rôle comique, celui de l'Officieux mal-adroit ou du Curieux impertinent : plusieurs personnes connues dans la littérature et dans les arts ont été accusées de se retrancher derrière le nom d'une personne qui bravement prend tout sur son compte, et se laisse nommer sinon sur la scène, du moins dans les feuilles publiques, à ses risques, périls et fortune. L'auteur n'en est pas moins pour nous, quel qu'il soit, dans la situation d'un homme qui garde l'anonyme ; et, sous ce rapport, nous conserverons, en parlant librement de sa pièce, tous les égards que nous devons à sa personne.

Quoique son ouvrage soit de tout point défectueux, que la conception en soit vague et indéterminée, qu'il n'y ait point unité de ton, que l'intrigue soit un imbroglio dans toute la force du terme, et avec tous les inconvéniens attachés à trop de fidélité à ce titre, quoiqu'il n'y ait dans l'ouvrage aucune entente de la scène, que les longueurs, les inutilités, les entrées et sorties sans motif y choquent à tout instant le spectateur le moins difficile, nous avouerons cependant qu'à défaut de comique de situation, l'auteur a le mérite d'avoir présenté quelques caractères comiques qui ne sont pas sans originalité, et auxquels le feu des acteurs a donné tout le prix qu'ils pouvaient avoir.

Ces caractères sont ceux d'une provinciale qui a demeuré trois mois à Paris pour achever l'éducation de ses filles, et qui ramène dans sa petite ville une romanesque Atala et une infatigable Terpsichore ; d'un chevalier d'industrie qui s'imagine avoir embrassé un état, et suivre une carrière comme une autre, et justifie sa conduite par des analogies qui seraient piquantes, si la conséquence n'en était pas si dangereuse ; d'un général et de son neveu, se donnant alternativement l'un pour l'autre, et se trouvant dans une situation assez amusante, si elle n'était forcée et trop prolongée ; un parent riche à flatter, des filles à établir, une famille malheureuse à pourvoir, un amour mutuel à couronner, voilà ce qui amène à Bagnères une douzaine de personnes très-bien portantes, côté comique de l'ouvrage qu'on n'a pas assez remarqué : il y a dans le dialogue ce qu'on appelle des choses drôles, mais pour la plupart ce sont des lazzis plus que des traits comiques, et l'un est aussi facile à trouver que l'autre est rare et difficile.

M. Catel est l'auteur de la musique. Ce compositeur est l'un des professeurs les plus distingués du Conservatoire : Sémiramis et son Traité d'harmonie sont des titres à une réputation distinguée ; mais ce titre de professeur au Conservatoire ne nous semble cependant fait ni pour modérer la critique, ni pour exagérer l'éloge : le succès du compositeur est ici tout-à-fait indépendant du mérite du professeur et de la réputation du Conservatoire. Il ne faut point, par une liaison forcée de ces rapports, dénaturer les idées, manquer de raison et d'impartialité !

Il y a dans la pièce nouvelle assez de musique, les morceaux y ont assez de développement, et leur coupe est assez savante pour qu'on doive croire que M. Catel attache une importance réelle à cette production, quel que soit d'ailleurs le mérite et le succès du poème : nous attaquerons d'abord son ouverture qui, nous le croyons, manque de plan, d'ensemble, d'unité de motif, et ressemble beaucoup trop à une sorte d'improvisation et de caprice musical. Les petits airs qui, de temps en temps, se sont glissés dans l'ouvrage, n'ont pas de facilité; leurs accompagnemens sont un peu trop travaillés. Les airs chantés par Martin, Elleviou et Mme. Rolando doivent plaire, et ils sont supérieurement chantés ; mais comment l'auteur ne s'est-il pas apperçu que dans son excellent trio du deuxième acte, morceau charmant, plein de grâce, de verve et d'originalité, où il se moque si ingénieusement des erreurs où tombent les compositeurs modernes, et de ceux qui appliquent indistinctement à toutes les paroles le luxe frivole, et la brillante légèreté de l'école bouffonne d'Italie ; comment ne s'est-il pas apperçu, disons-nous, qu'un moment après il emploie sérieusement, lui et ses chanteurs, les moyens qu'ils ont employés si plaisamment comme parodistes ? Ils ne peuvent avoir à la fois raison dans les deux situations : c'est ce qui nous fait préférer à tous les autres morceaux de cette composition, le final du premier acte, écrit avec beaucoup de franchise et un véritable talent, dans lequel domine et est ramené avec habileté un chant très-beau, d'un caractère aimable, et d'un motif heureux. Il faut en dire autant du premier quatuor, sorte de pot-pourri distribué avec beaucoup d'habileté.

Cependant cette composition au total a paru manquer de couleur, de verve et de variété : on y reconnaît un homme muni d'excellentes études, dont la tête est bien meublée, qui a de la science, de la correction, de la pureté ; mais l'inspiration, la chaleur, ce qui entraîne, ce qui électrise, ce mieux qu'il faut dans les arts s'efforcer d'atteindre pour rompre l'uniformité du bien ; ce mieux ne s'y fait sentir qu'à de trop longs intervalles. L'ouvrage cependant peut être conservé au théâtre ; il y a lieu de l'espérer pour le musicien, et si l'indisposition de Solié permet aux auteurs de se réunir, de resserrer leur ouvrage, de supprimer impitoyablement beaucoup de scènes inutiles, de refaire les paroles de la plupart des morceaux, et de revoir le dialogue avec soin, peut-être cette indisposition aura-t-elle été, pour les auteurs et le théâtre, une de ces bonnes fortunes que le hasard nous fait devoir à un accident, et ce que le proverbe appelle trivialement : reculer pour mieux sauter, ou un mal pour un bien.          S.....

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 12e année, 1807, tome III [mai 1807], p. 203-204 :

THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.

L'Auberge de Bagnères.

Cette pièce n'a point eu de succès : au bout de huit jours on l'a rejouée ; mais elle ne restera pas longtemps au répertoire. Les auteurs se sont pourtant fait connoître ; celui du poëme, est M. Jalabert ; celui de la musique, qui a sans doute beaucoup contribué à empêcher la chûte complette de la pièce, est M. Catel.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 12e année, 1807, tome III [juin 1807], p. 405 :

THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.

L’Auberge de Bagnères se soutient encore, grâce à la gaieté, à la musique et au jeu des acteurs.

D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 149, l’Auberge de Bagnières ou de Bagnères a été jouée jusqu’en 1829.

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