Barbe-bleue ou les Enchantemens d'Alcine

Barbe-bleue ou les Enchantemens d'Alcine, tableaux en trois actions précédés de la Grotte d'Alcine, prologue mêlé de chants, de Madame Friedelle et Hapdé, musique d'Alexandre Piccini et Foignet fils, 16 décembre 1811.

Salle des Jeux Gymniques (Porte Saint-Martin).

La Revue, ou Chronique parisienne, politique, morale, littéraire et théâtrale, tome 1 [1817], p. 102-103 :

[Le Macbeth dont il est question est Macbeth ou les Sorcières de la forêt, une pantomime de Cuvelier, musique d'Othon, ballets d'Adam, créée au Cirque Olympique le 20 mars 1817.]

CIRQUE OLYMPIQUE.

Les illustres écuyers Franconi concourent aussi aux amusements de la capitale. Leur salle et leurs représentations ont quelque chose d'imposant. Leur but serait manqué, s'ils ne frappaient l'imagination par de grands tableaux. Ils ont d'abord offert, avec un brillant succès, la pantomime de Macbeth ; celle de Barbe-Bleue, ou les Enchantements d'Alcine, a également fait éprouver de vives émotions aux spectateurs. Cette dernière pantomime est de M. Hapdé et de madame Alexandre ; on connaît le talent de M. Hapdé, dans des compositions de ce genre. Rien n'a été épargné dans l'un et l'autre ouvrage pour que le spectacle eût de l'éclat et de l'intérêt.

Louis Henry Lecomte, Histoire des théâtres de Paris: les Jeux gymniques, 1810-1812, le Panorama dramatique, 1821-1823 (Paris, 1908), p. 47 :

16 décembre : Barbe-Bleue ou les Enchantements d'Alcine, tableaux en 3 actions, précédés de La Grotte d'Alcine, prologue par Mme *** (Alexandre Friedelle) et Augustin H*** (Hapdé), musique d'Alexandre Piccini et Foignet fils.

Barbe-Bleue

MM.

Gougibus.

Arthur

 

Lefévre.

Landri.

 

Foignet fils.

Verther

 

Rousseau.

Mederic

 

Seigneury.

Conrad

 

Hippolyte.

Gontrand

 

Creuseton.

L'Oracle

 

Dubreuil.

Le Pontife

 

Audibert.

Aglaure

Mme

Dumouchel.

Alcine

 

Spitalier.

Anne

 

Gougibus

Mathilde

 

Tirelle.

Revenu d'une croisade contre les infidèles, Arthur, riche seigneur allemand, envoie son écuyer Landri porter une écharpe à la jeune Aglaure qu'il aime. Landri traversant une forêt où est la grotte d'Alcine, magicienne fameuse, y est persécuté par des follets dont son camarade Gontrand le délivre. Gontrand, qui est concierge du château de Rodolphe Barbe-Bleue, souverain d'Allemagne, apprend à Landri une nouvelle fâcheuse : le prince, veuf pour la sixième fois, s'est épris d'Aglaure et doit le jour même solliciter sa main. Comment la mère d'Aglaure, misérable et sans amis, pourrait elle résister à Rodolphe que protège une magique puissance ? Alcine, effectivement, est amoureuse folle du prince, ses conjurations lui ont appris qu'elle serait sa huitième épouse, aussi fera-t-elle tout pour perdre la septième. Malgré sa répugnance, Aglaure, pour sauver sa mère des fers dont on la menace, consent à épouser Rodolphe. Arthur et l'écuyer Landri s'habillent en ménestrels pour secourir la belle, mais Alcine les dévoile et ils sont expulsés. Obéissant alors à un désir d'Alcine. Barbe-Bleue tente sur Aglaure l'épreuve que l'on connaît. La clef tachée de sang dénonce la malheureuse ; elle va tomber sous les coups de Rodolphe en fureur lorsque ses frères surviennent et tuent le monstre. Protégée par l'enfer, Alcine porte au loin sa rage inassouvie, et Arthur presse dans ses bras Aglaure qui trouvera le bonheur dans le lieu destiné à lui servir de tombeau.

Riches décorations, costumes élégants, accessoires soignés, musique piquante, tout se réunissait pour mériter à cet ouvrage un succès plus qu'honorable.

 

Journal de Lyon et du Département du Rhône, n° 95 (quatrième année) du 10 août 1813, p. 2 :

[Barbe-bleue est parti en tournée en province en 1813, mais il ne semble pas avoir convaincu le critique du Journal de Lyon qui tient d'abord à montrer son érudition, et son scepticisme à propos de la pantomime. Après avoir évoqué les grands anciens, dont il doute que les acteurs modernes puissent faire aussi bien, avoir sollicité le témoignage de maints auteurs antiques, il peut parler de Barbe-bleue qui a réussi. Il accorde une grande importance à la qualité de l'ensemble du spectacle, et nomme pour les féliciter « les acteurs gesticulans et dansans », le peintre des décors, le chorégraphe et les danseurs, « les premiers sujets du Grand Théâtre », l'exécution des évolutions, marches et combats, les changements de décor « à vue », la musique : le spectacle était un spectacle total, qui flattait « les yeux et les oreilles » et a fait «0= tourner la tête aux amateurs du genre » (mais pas celle du critique, semble-t-il). Il consacre ensuite tout un paragraphe aux interprètes, auxquels il ne fait que des compliments, même s'il préfère voir certains d'entre eux dans un rôle parlé plutôt que muet (gesticulant...). Le sort du prologue est vite réglé : apparemment un excellent remède contre l'insomnie. Les auteurs ont été cités sur l'affiche. La mention qui suit est par contre bien mystérieuse (qui est cet Arban et quel rapport a-t-il avec les feux grégeois ?).]

Théâtre des Célestins..

Première Représentation de Barbe-bleue, Pantomime dialoguée en trois actes. – La Grotte d'Alcine, Prologue. - Patron-Jean, Vaudeville.

On appelait Pantomimes, chez les Romains, des acteurs qui, par des mouvemens, des signes, des gestes, et sans s'aider de la parole, exprimaient des passions, des caractères et des événemens. Les deux plus fameux Pantomimes de l'antiquité, Pylade et Bathylle, fleurissaient sous le règne d'Auguste, qui aimait, dit-on, beaucoup ce genre de spectacle.

Macrobe raconte que Pylade se fâcha, un jour qu'il jouait Hercule furieux, de ce que les spectateurs trouvaient à redire à son geste trop outré selon leurs sentimens ; il leur cria donc, après avoir óté son masque « Fous que vous êtes, je représente un plus grand fou que vous. »

Ces sortes de Comédiens faisaient des impressions prodigieuses sur les Anciens ; Sénèque le pere, qui exerçait une profession des plus graves, confesse que son goût pour les représentations des Pantomimes était une véritable passion. Lucien, qui se déclare leur zélé partisan, dit qu'on pleurait à leurs représentations comme à celles des autres Comédiens. Saint-Augustin et Tertullien font aussi l'éloge de leurs talens.

Les amateurs de l'antiquité sont convaincus que nos acteurs n'atteindront jamais à ce degré de perfection ; on le dit, je le crois, puisque de grands personnages l'affirment ; mais s'il m'est permis d'émettre mon opinion là-dessus, je dirai franchement que je préfère la plus mauvaise Comedie à la plus belle Pantomime, fût-elle jouée par Pylade et Bathylle.

Heureusement pour Barbe-bleue, tout le monde n'est pas de mon avis ; cette Pantomime a complettement réussi.

Le monde est vieux, je le crois ; cependant,
Il le faut amuser encor comme un enfant,

a dit le bon homme ; et celui-là connaissait bien le cœur humain. Il y a long-temps que le Théâtre des Célestins n'avait offert un spectacle aussi pompeux ; les acteurs gesticulans et dansans ont rivalisé de zele, de talens, et de richesse dans les costumes. Ajoutez à cela de jolis décors peints par M. Perlet, des ballets charmans, de la composition de M. Roger, et exécutés par les premiers sujets du Grand Théâtre ; des marches, des combats, des changemens à vue, une musique bien choisie ; enfin, tout ce qui peut flatter les yeux et les oreilles ; en voilà plus qu'il n'en faut pour faire tourner la tête aux amateurs du genre; et tout fait espérer que Barbe-bleue dédommagera amplement de toutes les dépenses qu'elle a occasionnées.

Mlle. Marigny était là dans son élément : elle met beaucoup de grâce et de vérité dans son jeu ; elle a sur-tout fort bien rendu la scène pathétique du troisième acte. Renaud l'a secondée à merveille, et a donné la couleur convenable au rôle du farouche Barbe-bleue. Armand, Lecordier, Mmes. Roland et Saint-Amant, ont contribué de leur mieux à l'ensemble de la représentation. Emile et Lancelin étaient fort bien aussi ; mais j'aime à entendre parler ces deux acteurs ; ils y gagnent, et le public n'y perd pas.

La pantomime était précédée d'une espèce de Prologue, ou plutôt d'une misérable scène, sans sel, sans esprit et sans gaité. On a jugé à propos d'intituler cette rapsodie, La Grotte d'Alcine ; et certes, cette Fée ne pouvait employer un charme plus puissant pour inviter les spectateurs aux douceurs du sommeil.

Les auteurs sont Mme. ***, et M. Augustin Hapde ; ils ont eu les honneurs de la grande affiche, dans laquelle, par parenthese, on nous apprend que l'exécution du feu Gregeois a été retrouvée. Les auteurs de Melodrames doivent une belle chandelle à M. Arban.

L'article se poursuit par le compte rendu de la représentation de Patron-Jean ou le Pêcheur provençal de Vizentini, créé en avril 1813 au Théâtre des Variétés.

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