Bayard au Pont-Neuf

Bayard au Pont-Neuf, folie-vaudeville en un acte, de MM. Dieu-la-Foi et Gersin, musique de Weck [ou Wecht], ballets de Bouleau [ou Boullaut], 21 juillet 1808.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Bayard au Pont Neuf

Genre

folie-vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

21 juillet 1808

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dieu-la-Foi et Gersin

Compositeur(s) :

Wecht ou Weck

Chorégraphe(s) :

Bouleau ou Boullaut

Almanach des Muses 1809.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Fages, 1808 :

Bayard au Pont-Neuf, ou le Picotin d'avoine, folie vaudeville, en un acte, Par MM. Dieulafoy et Gersin ; Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville le 21 juillet 1808.

[La pièce est née de la querelle qui oppose l’Odéon et les Comédiens français à propos du droit de jouer les Amours de Bayard de Monvel : l’Odéon a remonté la pièce, mais les Comédiens français protestent que la pièce leur appartient. Les vaudevillistes ne pouvaient pas ne pas s’emparer de l’affaire, et c’est le résultat que les différents comptes rendus discutent.]

Mercure de France, tome trente-trois, n° CCCLXVI (samedi 23 juillet 1808), p. 182 :

[Le Mercure de France résume le conflit, avant de brièvement résumer l’intrigue (si on peut dire) de la pièce, et la juger « médiocre ». Il lui reproche surtout la violence des attaques contre «  plusieurs poètes connus par de grands succès » : ce n’est pas au Vaudeville de « juger les talens ». Conclusion : «  le goût et l'esprit ne sanctionnent jamais des arrêts exprimés de cette manière ». Souhaitons que le rédacteur du Mercure ait raison...]

Théâtre du Vaudeville. — Première représentation de Bayard au Pont-Neuf, de MM. Dieu-la-Foi et Gersaint.

Il fallait que les auteurs de ce vaudeville fussent bien embarrassés pour trouver quelque nouveau sujet de pièce, puisqu'ils ont choisi, pour y coudre des couplets, l'altercation qui s'est élevée entre M. Monvel et les comédiens français, relativement à la remise au Théâtre de l'Impératrice des Amours de Bayard. Voici comment ils ont traité ce sujet : MM. Citrapont et Ultrapont se disputent la possession de Bayard : chacun d'eux, pour l'attirer chez soi, met tout en usage. Bayard est à cheval sur le Pont-Neuf : M. Citrapont lui rappelle qu'il lui doit son ancienne gloire, et pour faire pencher la balance en sa faveur, il lui présente Madame de Rendan. M. Ultrapont de son côté lui offre de l'argent, et à son cheval un picotin d'avoine. Ces deux raisons puissantes déterminent Bayard, qui suit M. Ultrapont dans le nouvel établissement qu'il vient de former dans le faubourg Saint-Germain.

Cette pièce, quoique médiocre, est l'ouvrage de deux hommes d'esprit sans doute ; mais elle a le tort de distribuer des outrages à plusieurs poètes connus par de grands succès. Les gens raisonnables gémissent de voir le Vaudeville prendre ce ton, et s'arroger le droit de juger les talens ; mais qu'il ne s'y trompe pas, le goût et l'esprit ne sanctionnent jamais des arrêts exprimés de cette manière.

L'Esprit des journaux français et étrangers, troisième trimestre, 1808, tome IX, septembre 1808, p. 274-280 :

[Un très long compte rendu pour une pièce tout de même d’une importance limitée. Avant de résumer l’intrigue (ce résumé est l’essentiel de l’article), une mise au point concernant les parodies : « Faire rire, c'est là la malice, et faire rire par des plaisanteries spirituelles et gaies, sans grossièreté et sans offense, c'est une malice d'autant plus grande, que celui qui pourrait n'être pas content, n'a pas le droit de se fâcher. ». « Ici point d’injures », mais les plaisanteries sont pleines d’allusions qui échappent au public (qui a bien ri), mais qui peuvent offenser ceux qui se sentent visés (à tort ou à raison). Quelques incorrections pourraient par ailleurs être corrigées (le critique croit que la pièce restera assez longtemps à l’affiche). Long résumé donc, et le critique souligne le comique des différentes scènes. La pièce est drôle, jusque dans l’annonce des auteurs, puisqu’on y apprend que les balais qui ont servi lors d’une scène sont de « Bouleau »...]

Théâtre du Vaudeville.

Bayard au Pont-Neuf, ou le Picotin d'Avoine.

Qui est-ce qui sera content de ce vaudeville ? Sera-ce le directeur de l'Odéon ? Seront-ce les acteurs de la comédie française ? Seront-ce les auteurs, dont le directeur de l'Odéon, sous le nom de M. Ultrapont, refuse les pièces ? Sera-ce même l'auteur de Bayard qu'il accepte ? J'ai peur qu'il n'y ait que les spectateurs qui rient de bon cœur de cette parodie ; mais aussi ont-ils bien ri. Faire rire, c'est là la malice, et faire rire par des plaisanteries spirituelles et gaies, sans grossièreté et sans offense, c'est une malice d'autant plus grande, que celui qui pourrait n'être pas content, n'a pas le droit de se fâcher. Il y a des parodistes plus doux, ils ne donnent à ceux qu'ils poursuivent ni chagrin, ni colère. C'est sans peine et sans inquiétude que l'on garde sur les attaques un silence toujours convenable, et une modération que certaines injures rendent bien aisée. Ici point d'injures, mais une gaîté si soutenue, que si les personnes dont il est question y découvraient, ce dont un tiers ne peut aussi bien juger, quelques mots dont elles crussent pouvoir s'offenser, ils sont perdus pour les spectateurs dans le mouvement de folie qui anime toute cette parodie ; de même que la gaîté du dialogue, et l'esprit qui brille dans la plupart des couplets, ont dissimulé quelques intentions un peu vagues, comme celle de faire balayer le Pont-Neuf pour le passage de Bayard, ce qui amène pourtant une des scènes les plus plaisantes de ce vaudeville. Il a bien fallu passer aussi dans un impromptu par dessus quelques incorrections, que les représentations, qui dureront sûrement long-temps, donneront à leurs auteurs le temps de corriger, et ils feront bien d'en profiter, car encore faut-il parler comme tout le monde, et ne pas dire par exemple que

L'objet le plus minutieux

est celui qu'il faut annoncer avec le plus d'emphase, quand on veut parler seulement de l'objet le moins considérable. Ils trouveront peut être la remarque un peu minutieuse, et diront comme leur vaudeyille :

Que voilà bien du bruit pour rien ;

Mais enfin il faut que chacun fasse son métier, et ce sont ceux de ces messieurs qui ont bien fait le leur qui nous passent ensuite de faire le nôtre.

Le métier de M. Ultrapont est de tenir de l'autre côté de la rivière un hôtel Grec, où il loge des gens, de toute sorte. Son malheur c'est qu'il n'y vient personne, parce que son cousin, M. Citrapont, attire la foule à son hôtel de la rue de Richelieu. Le défaut de M. Ultrapont est un bégayement qui le rendrait très difficile en affaires, car pour s'accorder avec les autres il faut s'en faire entendre, si on n'avait la ressource de Mlle. Rose sa fille, qui le suit toujours pour achever ses phrases, et qui en disant, mon père veut dire, lui fait dire souvent le contraire de ce qu'il veut. C'est ainsi qu'au nom de son père qui n'en peut, mais elle accueille le plus gracieusement du monde les propositions de mariage que lui fait un jeune homme amoureux d'elle, et que, toujours au nom de son père, elle permet à son amant de l'embrasser, bien entendu que comme elle n'agit là-dedans que pour le compte de son père, il est convenu que c'est son père qu'on embrasse : car c'est là, dit Mlle. Rose, ce que mon père a voulu dire. Cet amoureux, nommé M. Lucas, est un jeune grenetier du Pont-Neuf ; sur lequel se passe la scène. Lucas, pour obtenir tout-à-fait le consentement de M. Ultrpont, voudrait bien l'aider à faire réussir son entreprise. En conséquence, il a fait courir des billets pour engager tous les grands personnages sans condition à se présenter chez lui. Il en arrive trois qui se plaignent qu'à l'hôtel de la rue de Richelieu on les néglige, ou qu'on ne s'occupe d'eux que quand la recette baisse ; alors seulement on les inviter à la partager, et ils trouvent dur d'être dans une maison

Où l'on n'a jamais de quoi vivre
Que quand le maître meurt de faim.

Le premier, c'est le roi Lear ; on le refuse comme marchandise anglaise. J'ai de l'esprit, dit un autre en le poussant ; ôte-toi de là, que je m'y mette. – Ah ! vous avez de l'esprit ! qui donc étes-vous ? – Pinto. – Vous avez raison. Cependant on le refuse aussi, quoiqu'il projette de faire voir une chose neuve, un intrigant qui n'a pu parvenir. Reste un gros homme en vieille redingotte d'uniforme, c'est Bayard. On lui observe que son costume est un peu moderne et un peu mesquin ; il en convient, mais on lui a tout pris : il a vu

Son casque couvrir la face
D'un Robert, chez de brigands ;

sa cuirasse

Représenter en mannequin
Au cortége de Dugueclin.

Il voudrait se refaire un peu du long jeûne que lui fait éprouver depuis dix-neuf ans M. Citrapont. Il s'engage à M. Ultrapont, qui juge sa fortune faite ; la joie se répand dans le quartier ; on ne doute pas que l'affluence et l'abondanee n'y reviennent, avec Bayard ; le café sera pour rien ; toutes les filles se marieront :

Monsieur Bayard sera là :

c'est le refrein de plusieurs couplets que chantent les balayeurs et balayeuses du Pont-Neuf. Cependant le tambour se fait entendre ; c'est Bayard qui arrive en cérémonie ; on se hâte de lui faire cortége, et la marche s'ouvre par une entrée de balais ; Bayard suit sur sa monture :

On ne sait pas, à voir comme
Marchent l'homme et le cheval,
Si le cheval porte l'homme,
Ou bien l'homme le cheval.

Ses passades ont paru infiniment divertissantes, ainsi que la pompe de son entrée. Ici répétition générale ; Lenoble chante d'une manière comique un air bouffe ; une fort jolie petite fille danse seule un pas. Bayard témoigne sa satisfaction et va suivre ses nouveaux associés ; mais des cris se font entendre ; c'est M. Citrapont, furieux de la désertion de Bayard. Il veut l'arrêter : viens, traitre, je t'attends, s'écrie celui-ci en mettant la lance en arrêt comme dans Gaston et Bayard. Alors M. Citrapont veut le prendre par le sentiment : mais je veux dîner, dit Bayard ; tu ne dîneras point, reprend Citrapont d'un ton pathétique et absolu. Il lui déclare pourtant qu'il se préparait à lui rendre justice ; il a déjà fait plusieurs dépenses pour le remettre en pied,

Et des chevaux de Franconi
Il a reçu parole.

Bayard, ébranlé par ces raisons, est cependant retenu par celles qu'on lui donne de l'autre côté. Citrapont, pour frapper le coup décisif, fait paraître Mme. de Randan. Un couplet en l'honneur de Mlle. Contat, qui jouait ce rôle à la comédie française, a été saisi par le public avec une vivacité bien flatteuse pour cette charmante actrice, qui se trouvait au spectacle ; et il faut le dire à l'honneur de la galanterie française, au milieu d'un grand nombre de couplets satyriques, celui-ci est presque le seul qui ait été redemandé à l'unanimité. Tant de moyens allaient faire pencher la balance du côté de Citrapont, si le grenetier Lucas ne s'avisait de présenter au cheval de Bayard un picotin d'avoine ; celui-ci, entraîné par une force irrésistible, suit l'avoine du côté du faubourg Saint-Germain, et emporte avec lui son maître, qui n'en est revenu que pour annoncer que les paroles de sa pièce étaient de M. Gersaint et Dieu-la-Foi, la musique de M. Weck, et les balais de Bouleau ; cette plaisanterie tout-à-fait dans le genre a prolongé la gaîté jusques dans les corridors.                P.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 1808, tome IV, p. 438-439 :

[Pièce à succès : « Du gros sel versé à pleines mains, des farces de Carnaval, mais de l'esprit avec cela », le public est au rendez-vous. Un résumé rapide de l'intrigue, un jugement rapide, « Les méchancetés ne sont pas épargnées dans cette parade. Les ballets de l'Odéon sont parodiés par des gens qui balayent le Pont-Neuf en cadence ». Le nom des auteurs inclut celui du chorégraphe, orthographié « Boullaut » (on peut interpréter cette orthographe comme on voudra). Deux acteurs remarqués.]

Bayard au Pont-Neuf, ou le Picotin d'avoine, joué le 21 juillet.

Du gros sel versé à pleines mains, des farces de Carnaval, mais de l'esprit avec cela, font courir, malgré la saison, au théâtre du Vaudeville. La querelle des deux théâtres, au sujet de Bayard1, a fourni l'idée de cette pièce burlesque. On y voit Bayard sur un cheval de carton, demandé par M. Ultrapont et réclamé par M. Citrapont. Il hésite, entraîné alternativement par les raisons de l'un et de l'autre. La vue de la belle Madame de Rendan le fait presque pencher pour M. Citrapont, quand on offre de l'autre côté un picotin d'avoine à son cheval qui l'emporte à l'Odéon. Les méchancetés ne sont pas épargnées dans cette parade. Les ballets de l'Odéon sont parodiés par des gens qui balayent le Pont-Neuf en cadence : aussi quand on a demandé,les auteurs, on a annoncé que les paroles étoient de MM. Dieulafoi et Gersin, les décors de Lemaire, la musique de Wecht, et les ballets de Boullaut.

Hippolyte a joué avec beaucoup de comique le rôle de Bayard, et Joly a fait rire par la caricature originale qu'il a donnée au rôle de M. Ultrapont.

1 L'Odéon, Théâtre de l'Impératrice joue en 1808 les Amours de Bayard, de Monvel, pièce que le Théâtre Français affirme lui revenir...

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