Belle et Bonne ou les Deux sœurs

Belle et Bonne ou les Deux sœurs, comédie en prose mêlée de vaudevilles en un acte, de Léger, 5 frimaire an 6 [25 novembre 1797].

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Belle et Bonne ou les Deux sœurs

Genre

comédie en prose et vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

5 frimaire an 6 [25 novembre 1797]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

F. P. A. Léger

Almanach des Muses 1799.

Sujet tiré des Œuvres de madame de Genlis.

Un jeune philosophe se présente chez son ami, père de deux filles dont l'une, fière de sa beauté, néglige tous les autres moyens de plaire ; tandis que l'autre, privée des agrémens de la figure, ne songe qu'à former son esprit et son cœur. Celle-ci ne tarde pas à plaire au jeune homme, qui demande sa main, l'obtient, et n'est pas peu surpris devoir que sa maîtresse n'avait gardé un bandeau sur ses yeux, n'avait voulu paraître défigurée que pour laisser à sa sœur le triomphe réservé à ses charmes.

Fonds un peu léger. Quelques couplets bien écrits.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, au Théâtre du Vaudeville, an VI (1798) :

Belle et Bonne, ou les Deux Sœurs, comédie en un acte, en prose et vaudevilles. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 5 Frimaire, an 6, samedi 25 Novembre 1797 (v. st.) Par F. P. A. Léger.

Le Censeur dramatique, tome second, n° 10 (10 Frimaire an 6), Paris, 1797, p. 43-48 :

[Long compte rendu, qui utilise ce qui est sans doute une fiction, une lettre transmise par un « amateur ». Il s’ouvre sur un long résumé un peu ironique de l’intrigue (ce que la lettre appelle « le canevas » de la pièce). Le jugement porté ensuite est d’une grande sévérité : d’abord, le texte. Trop long, de peu d’intérêt, avec des détails « très peu saillans ». En plus, il n’a « rien de neuf ni dans le fond, ni dans les accessoires » (rapprochement avec Honorine), des invraisemblances « relevées par tout le monde », le dénouement n’est absolument pas motivé. Seul le style est acceptable. Pour la musique, les reproches ne manquent pas non plus : « trop grande quantité de musique », auquel l’auteur de la lettre attrbue l’origine justement dans Honorine, où commence un « nouveau genre, qui dénature et abatardit le Vaudeville » : il s’agit d’éviter que la musique ne se substitue à l’esprit dont on doit faire preuve dans les couplets. La fin de la lettre est consacrée à l’interprétation : c’est le point le plus positif du compte rendu, la pièce ayant « été jouée avec ensemble et intelligence ». Eloge de Mme Sara, mais aussi d’Henry (on vante « les grâces de son jeu et la netteté de sa diction »). L’auteur de la lettre aime beaucoup cet acteur (beaucoup plus en tout cas que le critique du Magasin encyclopédique, qui reproche à Henri ce que l’auteur de la lettre juge excellent.]

THÉÂTRE DU VAUDEVILLE*.

Pièce nouvelle.

« Le 5 frimaire, on a donné la première Représentation de Belle et Bonne, Pièce en un acte, par M. Léger.

» Mlle Bonne est la fille cadette d'un bonhomme de Suisse, dont nous n'avons pas entendu le nom. Pour faire plaisir à Mlle Belle, sa sœur aînée, à laquelle son petit mérite fait un très grand ombrage, et pour mettre la paix dans la maison, elle a la complaisance de consentir à se défigurer, et à se priver d'un œil. Rassurez-vous ; ce n'est qu'une pure plaisanterie, dont à la vérité cependant tout le monde est dupe, hormis le Chirurgien qui la soigne, et un certain Ambroise, Valet de la maison, auquel elle consent à faire confidence de son secret, après toutefois qu'il l'a deviné.

» Cette Demoiselle Belle, pour qui l'on se crève ainsi les yeux, est effectivement une fort belle personne, mais extrêmement méchante, ainsi que 1e sont ordinairement les enfans gâtés comme elle, s'imaginant que tout au monde est fait pour elle, et doit lui céder, elle fait enrager tout le monde, et sur-tout sa sœur, qui est pourtant la bonté et la douceur par excellence : aussi chérit-on l'une autant qu'on déteste l'autre, et l'opinion du Village n'est nullement en faveur de Mlle Belle, à en juger par la conversation que deux Paysans ont à ce sujet avec Ambroise, et dans laquelle ils se prononcent nettement sur le mérite des deux Sœurs, quoique peut être un peu à propos de bottes et un peu longuement.

» Cette Dlle Belle, qui s'imagine qu'elle vaut bien la peine qu'un jeune homme aimable fasse soixante lieues pour elle, attend en effet de Paris un nommé Linval, fils d'un Ami de son père, et qui doit venir ce matin même tout exprès pour l'épouser. Quoiqu'ils ne se soient jamais vus, il a cependant déjà eu le talent de lui inspirer de l'amour ; ce qui n'est pas peu de chose, car elle a déjà refusé plusieurs partis, entre autres, un nommé Gercourt, dont on nous dit cependant tout le bien possible.

» Linval arrive, et est présenté à Belle par son père, qui les laisse ensemble dans un tête-à-tête qu'ils emploient à faire leurs arrangemens ; malheureusement ils ont beaucoup de peine à s'arranger. Linval, quoique de Paris, est un jeune homme extrêmement sage et rangé pour son âge, grand amateur de la vie rustique et des plaisirs de la solitude ; la jeune Suissesse, au contraire, ne rêve que Bals, Spectacles et plaisirs bruyans ; elle veut se lancer dans la Compagnie la meilleure et la plus brillante. Linval lui observe avec beaucoup de justice, qu'à Paris, où elle veut aller, la Compagnie la plus brillante est bien loin d'être la meilleure.

» Au surplus, ce Plan de vie de sa future lui faisant beaucoup craindre pour l'avenir, il finit par sentir que tout cela mérite réflexion, et on le laisse seul pour lui donner tout le temps d'en faire à son aise. Mais la sœur cadette vient le tirer de sa solitude, et le charme si bien par la douceur de son caractère, qu'il lui fait une déclaration d'amour en règle, et enfin est surpris à ses genoux par Belle, qui court bien vîtc le dire à son papa. Elle rencontre Ambroise dans son chemin, qui s'avise très à-propos de lui apprendre le stratagème que Bonne a employé pour lui faire plaisir. Alors la méchante devient bonne ; son cœur s'attendrit tout-à-coup. Elle se confesse à son père, se corrige ; et pour pénitence, cède Linval à sa sœur, à laquelle elle arrache le bandeau qui lui couvrait le prétendu œil perdu ; en sorte que Linval voit dans l'objet de son choix la réunion de la Bonté à la Beauté. Belle fait plus ; et pour donner une preuve certaine de sa conversion, elle déclare être dans l'intention d'épouser ce pauvre Gercourt, qu'elle a précédemment refusé, et qui lui a témoigné tant d'amour sans succès.

» Tel est le cannevas de Belle et Bonne,. Pièce à laquelle on peut reprocher avec justice de la longueur, parce qu'elle comporte extrêmement peu d'intérêt ; les détails en sont très peu saillans et ne peuvent la sauver. C'est une mauvaise copie d'Honorine, qui ne présente rien de neuf ni dans le fond, ni dans les accessoires ; plusieurs invraisemblances palpables, et qui ont été relevées par tout le monde, &c. La conversion de Belle n'est nullement motivée, et tout-à-fait hors de la nature. Celle d'Honorine, qui a pu servir de modèle, est bien autrement amenée. Il y a ignorance absolue du cœur humain dans le choix des moyens employés pour opérer le changement qui se manifeste dans le caractère de Belle ; rien enfin n'annonce mieux l'impuissance dramatique que la conception de cet Ouvrage, dont le style cependant n'est pas fait pour déshonorer; un Homme-de-Lettres, ni pour faire tort à la juste réputation d'esprit de M. Léger.

» Nous ne pouvons nous empêcher encore de reprocher à cette Pièce la trop grande quantité de Musique à prétention : encore des duo, des trio, toujours des parties d'ensemble, que la foiblesse d'exécution rend insupportables, quoiqu'ils soient tous choisis avec intelligence et goût. Nous adresserons particulièrement nos reproches sur ce sujet à M. Radet, qui, dans sa charmante Pièce d'Honorine, a introduit ce nouveau genre, qui dénature et abatardit tout-à-fait le Vaudeville, et lui fait le plus grand tort. Des Auteurs, moins habiles que lui, ont usé de cette licence, avec laquelle on couvre bien souvent l'impuissance de faire des couplets ; et pour peu que cet abus continue, nous craignons fort que le grand genre harmonique ne parvienne enfin à s'emparer sans réserve du petit territoire que le Vaudeville avoit su conserver à la gaieté. C'est au nom des vrais Amateurs de ce genre aimable, c'est par les mânes de Piron, de Collé, de Favart et de tant d'autres beaux esprits, qui en sont les Créateurs, que nous engageons M. Barré, leur digne Successeur, à ne pas laisser flétrir et perdre entre ses mains une des plus belles fleurs de la Thalie moderne.

» La Pièce de Belle et Bonne a été jouée avec ensemble et intelligence- Nous donnerons entre autres, de sincères éloges à M. Vertpré, et surtout à M. Henry, et à Mme Sara. Cette Actrice charmante devient tous les jours de plus en plus chère au Public ; elle joint, dans le rôle de Belle, le jeu le mieux entendu, les grâces les plus séduisantes, et le meilleur ton, à la parure la plus avantageuse ; elle charme et l'esprit et les yeux.

» Quant à M. Henry, nous osons dire qu'il s'est surpassé dans le rôle insignifiant de Linval ; qu'il a rendu agréable par les grâces de son jeu et la netteté de sa diction, une infinité de choses vagues et triviales, dont ce rôle est rempli. Sa scène avec Belle principalement, a été rendue avec une finesse que sa figure intéressante rendoit plus piquante encore. Nous aurons occasion de nous étendre davantage sur cet Artiste dans un prochain Numéro, en parlant des Troubadours, comme Pièce au courant du Répertoire. »

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 3e année, 1797, tome IV, p. 414-415 :

[Le choix du titre est bien adapté selon le critique, puisqu’il « annonce assez le sujet de la pièce ». Le résumé de l’intrigue rapide, amène à la conclusion que le « sujet n'est pas neuf », ce qui n’empêche pas que la pièce ait eu « assez de succès », malgré un dénouement trop prompt et sans effet. Interprétation généralement bonne (et même très bonne pour une actrice). Seule un acteur est critiqué vertement pour « son maintien affecté, et les sifflemens dont il accompagne sa prononciation ».]

Belle et Bonne, comédie en un acte, jouée sur le théâtre du Vaudeville pour la première fois le cinq frimaire an 6 a réussie [sic].

Le titre annonce assez le sujet de cette pièce. Belle et Bonne sont sœurs ; l'ainée est belle, mais coquette et capricieuse ; la cadette joint à divers talens autant de bonté que de douceur. Pour paroître moins belle que sa sœur, et lui ôter ainsi tout sujet de jalousie, elle suppose un accident qui l'oblige à cacher une partie de son visage.

L'époux destiné à Belle ne trouve pas en elle ce qu'il désirait; il devient au contraire éperdue-
ment amoureux de Bonne, qui répond à ses sentimens ; et Belle, qui ne l'a pas trouvé à son goût, ne s'oppose pas à son union avec sa sœur.

Ce sujet n'est pas neuf ; il a déjà été traité sur différens théâtres, ce qui en augmentoit la difficulté ; il a cependant eu assez de succès. On a trouvé que le dénouement étoit amené un peu trop promptement, et ne produisoit aucun effet.

Le rôle de Belle a été très-bien rendu par la citoyenne Sara Lescaut. La pièce en tout a été fort bien jouée ; nous reprocherons seulement au citoyen Henri son maintien affecté, et les sifflemens dont il accompagne sa prononciation. Le citoyen Léger est auteur de cette pièce.

Dans la base César : 38 représentations au Théâtre du Vaudeville du 25 novembre 1797 au 24 janvier 1798. Reprise du 16 au 26 mai 1799 au Théâtre Molière (trois représentations), puis du 2 juin au 10 octobre 1799 au Théâtre des Troubadours (16 représentations).

* Cet Article est de l'Amateur qui en a déjà fourni plusieurs sur le Vaudeville.

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