Berquin, ou l'Ami des enfans

Berquin, ou l'Ami des enfans, comédie en un acte, avec des vaudeville, de Bouilly et Pain, 16 frimaire an 10 [7 décembre 1801].

Théâtre du Vaudeville

Titre :

Berquin, ou l’Ami des enfans

Genre

comédie avec des vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

16 frimaire an 10 [7 décembre 1801]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

J. N. Bouilly et Joseph Pain

Almanach des Muses 1803

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an X :

L'Ami des enfans, comédie en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles, représentée, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le 16 frimaire an X, par les Citoyens J. N. Bouilly et Joseph Pain.

[Arnaud Berquin (1747-1791) est un écrivain et pédagogue français, auteur de l’Ami des enfants, paru en 1782-1783.]

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, VIIe année (an IX-1801), tome IV, (Frimaire an 10), p. 396-398 :

[Un vaudeville à succès, dû à l’union de la gaîté et du sentiment : on s’attendrit et on rit de « l'enjouement et l'espièglerie des petits amis de Berquin ». L’essentiel du compte rendu est consacré au résumé de l’intrigue (pleine de bons sentiments, et finissant au mieux), puis un court paragraphe juge la pièce : qualité du rôle de Berquin, couplets moins piquants que gracieux et bien écrits. Pour nous en convaincre sans doute, le critique cite le couplets d’annonce à la gloire de Berquin (avec appel à la bienveillance) et deux autres couplets.]

Théatre Du Vaudeville.

Berquin, ou l'Ami des Enfans.

Cette pièce, jouée au Vaudeville le 16 frimaire, a eu beaucoup de succès. La gaieté et le sentiment y sont réunis, et les scènes les plus attendrissantes succèdent à celle où l'enjouement et l'espièglerie des petits amis de Berquin viennent d'exciter le rire.

Un vieil avare loge dans sa maison, au premier, M. Berquin, auteur de l'Ami des Enfans : au second, M.me Paul, jeune veuve qui y habite avec son fils Jules ; et aux mansardes, M. Alexandrin, poète tragique.

Dufour, c'est le nom du propriétaire, peste beaucoup contre deux petits amis de Jules, qui font du dégât dans son jardin, et qui encore, la veille, lui ont cassé un pommier. Les petits enfans se rassemblent à l'heure ordinaire ; Casimir, le plus espiègle, a été battu par son père, et avertit ses petits amis qu'il veut quitter la maison paternelle, et voyager jusqu'à Pontoise. Berquin entend de sa fenêtre ces beaux projets. Les amis de Casimir veulent l'en détourner ; ils n'y réussissent qu'en lui rappelant que c'est la fête de leur bon ami Berquin, et qu'ils doivent la lui souhaiter le jour même. Casimir consent à rester, et il s'agit d'acheter un présent pour Berquin. Jules pense qu'il a perdu, la veille, son Lafontaine, et on va sortir pour en acheter un, lorsque Berquin arrive. Il raconte aux enfans une anecdote intitulé le Fils ingrat, dans laquelle il donne, sans avoir l'air de se douter de rien, une bonne leçon qui fait verser des larmes au plus étourdi. Lorsque les petits enfans sont sortis, M. Dufour donne ordre à son portier de ne plus les laisser entrer. Berquin fait causer son petit ami, à qui sa mère a ordonné de garder la maison pendant son absence : il apprend de lui le sujet des chagrins de M.me Paul qui a perdu, depuis peu de temps, un époux qu'elle adoroit. Jules a dans son sein une lettre que ce jeune homme a écrite quelque temps avant sa mort, et dans laquelle il recommande son épouse à son père avec qui son mariage l'avoit brouillé. M.me Paul revient, Berquin cache le papier ; mais un grand bruit se fait entendre : ce sont les petits amis de Jules qu'on ne veut pas laisser entrer, et qui passent par dessus le mur du jardin pour souhaiter la fête à leur bon ami. M. Alexandrin, que le bruit dérange, se met à sa fenêtre, et, apprenant que c'est la fête de M. Berquin, il vient se joindre à tout le monde pour la lui souhaiter. Quand tout est fini, les enfans veulent une histoire, et Berquin leur raconte, en présence de Dufour, celle de son fils et de Clémence ; il la finît en montrant la lettre du malheureux Paul, nomme son épouse, et attendrit le père avare qui consent à recevoir chez lui son intéressante belle-fille.

La pièce est des CC Joseph Pain et Bouilli. Le rôle de Berquin est parfaitement tracé. On y trouve peu de couplets piquans ; mais ils sont: tous gracieux, et parfaitement écrits. En voici quelques-uns des plus applaudis :

COUPLET D'ANNONCE.

Air d'Arlequin afficheur.

En lisant l'Ami des Enfans,
On vous a vu pleurer et rire,
Berquin forma vos jeunes ans,
Vous amusa pour vous instruire.
Par ma voix, il vient aujourd'hui
Réclamer votre bienveillance.
Daignez acquitter envers lui
     La dette de l'enfance.

Jules, à M.me Pau!.

Air nouveau de Wicht.

Le conte de mon bon ami
M'a rendu l'ame satisfaite :
L'entendrons-nous encore ici,
Maman, crois-tu qu'il le répète.

M.me P AUL.

Nos juges vont donner leur voix,
Sur leur indulgence je compte.

Au Public.

Souffrez qu'en ces lieux quelquefois
Berquin nous répète son conte.

L’Esprit des journaux français et étrangers, trente-unième année, germinal an X [avril 1802], p. 206-208 :

[Que dire d’une pièce remplie de bons sentiments ? Le compte rendu ne fait guère que signaler combien Berquin était un brave homme, rempli de qualités humaines remarquables. Et si la construction de la pièce est « un peu trop décousue », elle est surtout remplie de « tableaux neufs, piquans, véritablement dignes de » celui qu’elle célèbre. S’il y a « quelques reproches du côté de la régularité & de l'unité », il y a surtout « une foule de détails qui font presque pardonner le vice de l'ensemble ». Le couplet reproduit fait curieusement l’objet d’une critique assez vive : alors qu’on cite habituellement un couplet apprécié, ici, le critique polémique avec l’auteur (ou avec la pièce...) sur la façon dont les auteurs de théâtre peignent leurs confrères les poètes pastoraux.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

De tous les théâtres de la capitale, celui qui paroît tarir le moins en nouveautés, c'est, sans contredit, celui du Vaudeville.

Berquin , pièce en deux actes.

Berquin fut l'ami de l'enfance, de cet âge heureux, où les douleurs sont passagères & les plaisirs sans remords ; l'amitié qu'on porte aux enfans décèle toujours une ame douce, & n'est pas incompatible avec le génie observateur. On sait qu'Agesilas, Esope & Socrate, dans l'antiquité, & de nos jours Racine & le bon La Fontaine, prenoient un plaisir particulier à jouer avec eux. Ce n'est pas une médiocre gloire pour Berquin de pouvoir associer son nom à ces noms célèbres. Son livre respire toujours la morale la plus pure & la sensibilité la plus touchante. Il devint sans doute pour lui une spéculation lucrative ; mais elle ne lui fut inspirée que par la pureté de ses goûts & de son ame. Son succès honore ses contemporains presqu'autant que lui même. Spéculation pour spéculation, je préfère celle qui se fonde sur le projet d'amuser, d'instruire les hommes, de les réunir par les liens aimables de la morale & de la fraternité, à celle qui n'auroit pour but que de les censurer, les aigrir & les diviser.

Berquin n'eut jamais un moment à rougir de sa fortune ; il ne trouvoit dans la société dont il faisoit les délices, que des visages rians & des cœurs ouverts ; & l'ami vertueux des enfans, l'étoit aussi des parens vertueux.

Le projet de rendre hommage à sa mémoire, fait honneur sous ce rapport aux CC. Bouilly & Joseph Pain, Leur pièce a deux parties peut-être un peu trop décousues ; mais toutes les scènes où Berquin paroît avec des enfans, offrent des tableaux neufs, piquans, véritablement dignes de lui. Il seroit difficile d'analyser le plan & la conduite de la pièce qui mérite bien quelques reproches du côté de la régularité & de l'unité ; mais il est une foule de détails qui font presque pardonner le vice de l'ensemble.

Voici un échantillon des couplets ; il peut donner une idée de la manière dont les auteurs savent sentir & s'exprimer.

C'est Berquin qui parle à un poète tragique.

COUPLET.

Vous voulez marquer dans l'histoire ;
Moi plus utile que fameux,
Je préfère, au sein de la gloire,
L'art plus modeste d'être heureux.
Vos héros dédaignent les nôtres ;
Mais convenez de mon bonheur ;
Tandis que vous rêvez aux vôtres,
Je presse les miens sur mon cœur

Je n'aime pourtant pas ce débat entre le poëte pastoral & le poëte dramatique. Le chardonneret n'a pas plus de droit de se moquer de l'aigle, que l'aigle du chardonneret. Il seroit temps que ceux qui travaillent pour le théâtre, abjurassent cette manière surannée de peindre des poëtes ridicules ; la malignité n'est déjà que trop portée à donner de l'extension à ces portraits ; ce n'est pas aux littérateurs à la seconder eux-mêmes.

La pièce des CC. Bouilly & Joseph Pain a complétement réussi comme elle le méritoit, & les auteurs ont été demandés.

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