Brueys et Palaprat

Brueys et Palaprat, comédie en un acte en vers, d'Étienne, 28 novembre 1807.

Théâtre Français.

[Le nom de Brueys peut prendre diverses orthographe : Bruis, Bruéis.

Sur la collaboration de Brueys et de Palaprat dans l’écriture de pièces de théâtre, et leurs démélés, plus vifs que ne le laisse supposer la pièce, renvoyons à l’ouvrage de l’Esprit de la commedia dell’arte, dont le chapitre XII, « le théâtre de Brueys et Palaprat » (p. 228-232), fournit une excellente source d’information.]

Titre :

Brueys et Palaprat

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

28 novembre 1807

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

M. Étienne

Almanach des Muses 1808.

Brueys et Palaprat ont fait jouer leur comédie du Grondeur. Le public l'a sifflée ; et ils songent à appeler de ce premier jugement. Palaprat, arrivé de la veille à Paris, avait, chemin faisant, obligé le duc de Vendôme, qui voyageait incognito, et qu'il avait pris pour un simple militaire. Le prince arrive chez les deux amis, sans se faire connaître. Ils le reçoivent très bien, et lui proposent, bien qu'ils soient sans argent, de dîner avec eux. Le prince accepte. Cependant Brueys sort pour aller au théâtre ; et Palaprat, resté seul, voit entrer un huissier chargé d'arrêter son ami. Il déclare qu'il est Brueys, et suit un recors en prison. Brueys lui-même survient, et, non moins généreux que Palaprat, court le délivrer. Le duc de Vendôme, qui arrive alors pour dîner, ne trouve que l'huissier, qu'il prend pour un auteur ; mais qui lui apprend ce qui se passe. Le prince se porte caution des deux amis et les fait mettre en liberté.

Peu de fonds, mais de jolis détails, des traits heureux.

Mercure de France, tome trentième (1807), n° CCCXXXIII (samedi 5 décembre 1807) p. 474 :

On a donné cette semaine avec un succès mérité, au Théâtre Français, une jolie comédie, en un acte et en vers, intitulée Brueys et Palaprat. Elle est de M. Etienne qui s'est déjà fait connaître par des productions d'un bon goût et d'un bon style.

Sa nouvelle comédies est du genre de celles qu'on nomme anecdotiques ; genre qui a ses partisans et ses détracteurs : aussi, M. Etienne, a-t-il été loué dans une partie de nos journaux, vivement critiqué dans quelques autres.

Nous ne rendrons pas compte du sujet de la pièce ; il est déjà connu dans le public, par les analyses qu'en ont données les journaux quotidiens. On sait que toute la pièce est fondée sur l'amitié qui unissait Brueys et Palaprat ; lesquels (suivant l'auteur) mettaient en commun leurs travaux, leurs succès, le peu d'argent qu'ils possédaient, tout, excepté les revers qu'ils pouvaient particulièrement éprouver. Nous nous réservons de donner un extrait détaillé de la pièce dès qu'elle sera imprimée : nous dirons seulement d'avance que le dialogue en est vif, piquant, d'un comique de bonne compagnie. Cet ouvrage prouve, dans son auteur, de l'esprit et du goût.               D.

[Je n'ai pas (encore ?) trouvé l'extrait promis... Peut-être que la pièce n’a pas été imprimée lors de sa création ? Elle figure toutefois dans les Œuvres choisies de M. Etienne, volume 1 (Paris, 1824), p. 295 à 341, avec une importante notice historique « sur le sujet et sur la pièce de Bruis et Palaprat » et un « Examen de la pièce », par Geoffroy, avec commentaire des éditeurs, Charles Nodier et P. Lepeintre. Ils proposent une lecture intéressante de la pièce, qui serait d’après eux « une grande leçon au chef du gouvernement, en représentant deux auteurs accablés par l’adversité, secourus par un des grands hommes du dix-septième siècle, par un grand capitaine, par celui qui avait été combattre en Espagne pour une branche des Bourbons. C’est un service que M. Étienne a rendu à tous les littérateurs du temps. Il cherchait à émouvoir la vanité du personnage tout puissant, et l’engageait ainsi à jouer le rôle d’Auguste, pour faire oublier qu’il n’avait encore joué que celui de César. » (p. 353-354)]

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 12e année, 1807, tome VI, p. 217 :

[Le compte rendu évoque dans les premières ligne la particulière entente entre les deux auteurs dramatiques, qui leur mériterait de sortir de l’anonymat des auteurs oubliés, si leur théâtre « ne les [avait] point déjà placés à un certain rang » (la formule est délicieusement ambiguë). La présentation qu’il fait ensuite de la pièce d’Etienne la montre comme un ensemble « de quiproquos, de reconnaissances et de générosité » qui remplissent largement « un petit acte ». Que retenir de cette pièce ? Le dialogue, qualifié de facile, et le jeu des interprètes qui « n'a pas peu contribué à augmenter les applaudissemens »

THÉATRE FRANÇAIS.

Brueys et Palaprat, comédie en un acte et en vers.

L'union parfaite de deux auteurs, leur société continuée, malgré quelques torts d'un côté, et de l'autre l'amour propre inséparable du métier d'écrivain ; des disputes sans aigreur, et une amitié qui dura jusqu'à la mort ; voilà des choses qui doivent tirer de la foule ces deux hommes-là, quand leurs ouvrages ne les auraient point déjà placés à un certain rang. M. Etienne, électrisé par les qualités et l'esprit de Brueys et de Palaprat, a essayé de les faire revivre au Théâtre Français, où ils vivent déjà par d'excellentes comédies. En déguisant un peu ses personnages, rapprochant les époques, et changeant leur situation, il a fait une petite comédie, si non très-neuve du moins fort agréable. Des auteurs sans argent, un huissier qui vient les saisir au moment où ils attendent quelqu'un à dîner ; ce quelqu'un arrivant,et ne trouvant qu'un huissier qu'il prend pour un auteur, parce qu'il écrit, qu'il parle d'actes et d'exploits : une comédienne généreuse et vertueuse, reconnaissant dans l'inconnu le Duc de Vendôme qui paye les dettes des amis, enfin Palaprat devenant secrétaire des commandemens du Duc : voilà assez de quiproquos, de reconnaissances et de générosité, pour un petit acte. Le dialogue est facile, et le jeu de Fleuri, Lafond, Damas, Baptiste cadet, et de mademoiselle Mars n'a pas peu contribué à augmenter les applaudissemens.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1808, p. 267-272 :

[Le compte rendu s’appuie sur deux représentations, ce qui garantit peut-être que le succès de la première n’était dû à l’activité des amis de l’auteur. La pièce s’inscrit dans une lignée nombreuse des pièces consacrées à des personnages illustres. Elle a une place remarquable parmi ces pièces, parfois « tableaux de main de maître », parfois « esquisses légères, ou [...] croquis rapidement tracés ». Ici les portraits « ne sont pas parfaitement ressemblans. du moins ils sont très-agréables ». La pièce raconte une anecdote, la chute de la pièce des Grondeurs, écrite par les deux hommes. Ils s’en prennent à tout, le public, les acteurs, dans un dialogue « d’une vérité piquante ». La scène n’est pas jugée très fidèle à ce qu’était Palaprat, qui n’était pas si modeste que le montre la pièce. Même iexactitude dans la peinture des deux hommes comme des « auteurs affamés », obligés de signer des billets à ordre remboursables le jour où une de leurs pièces aura du succès. Invention jugée peu heureuse, qui souligne en même temps que la pièce tient plus de l’imagination que du récit crédible. Le critique ne s’en cache pas, « puisque l’auteur inventait une situation au défaut d'une situation donnée, j'avouerai que j'en eusse préféré une plus comique et tenant davantage au développement du caractère des deux poëtes ». La pièce est remarquablement écrite, et Etienne se voit placé parmi les meilleurs auteurs de pièces comiques en vers, à l’égal de Regnard (c’est un beau compliment. Mais il serait bon qu’il applique son talent à des sujets plus ambitieux, « appartenant plus positivement au véritable genre de la comédie ». L’interprétation est jugée remarquable.]

THÉATRE FRANÇAIS.

Bruéis et Palaprat, comédie en un acte et en vers.

Le Théâtre-Français en a donné une seconde représentation avec un succès égal à celui de la première. Cette comédie est de M. Etienne, qui a déjà pris rang parmi nos auteurs comiques, par d'assez nombreuses productions, qui toutes annoncent de la facilité, de l'esprit, et un talent qui demande à s'exercer sur de plus grands sujets.

Sa nouvelle comédie mérite d'être remarquée dans la nombreuse galerie de portraits des hommes célèbres, que divers théâtres ont formée depuis quelques années ; dans cette galerie, comme dans toutes les autres, il y a des tableaux de main de maître, d'autres auxquels on ne peut donner que le nom d'esquisses légères, ou de croquis rapidement tracés : ici les portraits ont du mouvement, de la vie, une couleur assez brillante; et s'ils ne sont pas parfaitement ressemblans. du moins ils sont très-agréables, et doivent être vus long-temps avec plaisir.

Voici une idée de la position dans laquelle le peintre a placé ses personnages, dont on sait que l'histoire se lie à celle du Théâtre-Français par des succès remportés en communauté, par une association de talens que l'amitié avait formée, et qui résista à la pénible épreuve d'une chute partagée.

L'auteur a choisi pour époque de son sujet le lendemain de la représentation du Grondeur. Bruéis et Palaprat, fâchés de leur chute , accusent le parterre et les acteurs, c'est-à-dire, leurs juges, comme injustes et prévenus ; et leurs interprètes, comme distraits, sans organe et sans mémoire : leur dialogue, qui, à cet égard. est celui de tous les auteur , depuis le Dorante de la Métromanie jusqu'aux chansonniers de nos jours, qui comptent autant de pièces dans une année que de couplets dans une pièce, est d'une vérité piquante. Rien de plus gai que la déconvenue de Bruéis sifflé dans la salle, à la porte, et jusques chez lui, par une coupable extension au droit reconnu par Boileau. Le récit de Palaprat qui a voulu tout voir par ses yeux et qui s’est placé au milieu du parterre, au fort de l'orage, est aussi très-plaisant : il a vu un homme qui portait jusqu'à la rage la manie d'applaudir à tout, et de crier au moindre mot : Bravo, c'est excellent!.... Cet homme est entouré par les ennemis de la pièce, on lui veut imposer silence : sans doute, dit-on, il a un billet de l'auteur : un billet, s'écrie-t-il, j’en ai deux de cent écus chaque, signés Bruéis, hypothéqués sur le succès du Grondeur ; je perds tout si la pièce tombe... Ces traits et une foule d'autres de même nature, le ton naturel et mesuré de Bruéis, la gaîté franche, l'insouciance et la vivacité de Palaprat, rendent cette scène d'exposition très-agréable, et sans doute la meilleure de l'ouvrage, où il y en a beaucoup de jolies. Nous ne trouvons à y reprendre qu'une chose, c'est la modestie donnée à Palaprat : elle n'est pas historique : la vérité eût peut-être offert sous ce rapport à l'auteur plus de comique que ce qu'il lui a substitué, et c'était un moyen neuf et assez piquant que de peindre les deux auteurs intimement liés, strictement amis, mais ne négligeant en rien les intérêts de leur amour-propre ; par exemple, pourquoi Palaprat s'accuse-t-il volontairement d'être l’auteur du troisième acte du Grondeur ? Ne sait-on pas que c'était Bruéis qui l'en accusait malignement, se réservant une grande part du troisième acte mieux, et la totalité du premier qui est excellent?

La suite de la pièce nous offre un autre défaut de ressemblance. Bruéis et Palaprat ne paraissent jamais avoir connu le sort de ces auteurs affamés qui assignent les billets que l'on veut bien recevoir d'eux, au jour de succès de la pièce qu'ils ont en porte-feuille. Le caractère de Bruéis, son ancien état, la controverse qui l'avait rendu célèbre dans le monde, l'éclat de son abjuration, l'honneur que lui avait fait Bossuet en la reconnaissant digne d'être éclairé de ses lumières, combien tout cela ne contrasta-t-il pas avec la situation où le met l'auteur ? Nous le voyons en effet placé entre un huissier qui veut saisir son triste mobilier, et une actrice assez leste qui vient visiter les deux amis dans la modeste demeure qu'ils partagent, et dans laquelle la crainte des créanciers les tient esclaves et renfermés. Cette position n'est peut-être pas d'une invention très-heureuse ; pour en faire sortir les deux auteurs, il faut que le nôtre amène un grand seigneur qui, sous le voile de l'incognito, a fait connaissance des deux amis ; que ce seigneur découvre leur détresse et combatte en générosité l'actrice qui voulait sacrifier pour eux le dernier brillant que lui ait laissé l'activité de ses créanciers : il résulte de cette combinaison que l'auteur rentre dans des sujets déjà traités, et particulièrement dans celui des Arts et de l'Amitié ; qu'il offre des scènes dont l'effet est épuisé, et qu'il sort involontairement du tour gai, franc et comique auquel il s'était heureusement abandonné. On aime sans doute voir Bruéis et Palaprat se rendre en prison l'un à la place de l'autre, une actrice qui les aime leur faire un don généreux, et un prince ami des lettres les récompenser, par ses bienfaits, des vérité dures qu'ils lui ont dites sur son commerce avec les muses : mais encore une fois, puisque l’auteur inventait une situation au défaut d'une situation donnée, j'avouerai que j'en eusse préféré une plus comique et tenant davantage au développement du caractère des deux poëtes, auxquels leur amitié, leur association constante donnent une physionomie toute particulière.

Au surplus, la représentation de cet ouvrage est agréable, et l'on s'accorde à dire que son mérite principal est le plus rare de tous, le mérite de style : la pièce est écrite avec une grande facilité et une élégante correction : l'auteur a le don du vers comique : avec moins de soins et d'attention . il tomberait dans l'emploi du jeu de mots, et même ici, il y a été entraîné quelquefois dans une scène qui repose sur un quiproquo fort naturellement amené. Ce don du vers comique, ce don si précieux et si rare qui fut le partage de Regnard, et son principal titre de gloire ; ce don que l'auteur des Etourdis a retrouvé de nos jours, n'est pas étranger à ceux que M. Etienne a reçus pour écrire la comédie ; mais il lui impose l'obligation flatteuse et honorable pour lui de n'écrire que la comédie de caractère et de mœurs, qui née d'observations sûres, vit de peintures fidelles. Tout le reste en ce genre est d'un succès passager, et ne donne qu'une gloire fugitive : les comédies anecdotiques, les comédies portraits, celles qui même dans un petit cadre offrent quelques traits de famille avec le drame, n'inspirent guères qu'un sentiment de curiosité, et d'ordinaire ne lui survivent pas. M. Etienne a peint avec esprit deux hommes qui en avaient beaucoup : il en a assez pour s'essayer à peindre actuellement les hommes : c'est là la tâche qui lui est imposée par la nature même de son talent dont on a le droit d'attendre désormais des productions d'un ordre plus élevé, et appartenant plus positivement au véritable genre de la comédie.

La pièce est jouée par Fleury, Damas, Lafond et Mlle. Mars, l'auteur ne dira donc point ce qu'il fait dire à Palaprat des acteurs de son temps. Ceux-là avaient laissé tomber le Grondeur, qui s'est relevé depuis: mais ceux-ci ont assuré à la pièce nouvelle un succès qui ne parait pas devoir se démentir.

D’après la base la Grange de la Comédie Française, Brueys et Palaprat, comédie en 1 acte et en vers, texte de Charles-Guillaume Etienne, a été créé le 28 novembre 1807 et a été joué 166 fois jusqu’en 1858.

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