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La Baguenaudière

La Baguenaudière, comédie en trois actes et en prose, de Joseph Lavallée, 8 août 1793.

Théâtre du Palais-Variétés.

Titre :

La Baguenaudière

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

8 août 1793

Théâtre :

Théâtre du Palais Variétés

Auteur(s) des paroles :

M. Lavallée

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 10 (octobre 1793), p. 340-346 :

[Le compte rendu s’ouvre sur un rappel de mauvais augure : la pièce n’a été jouée que longtemps après avoir été annoncée, et que cette attente était bien inutile, puisqu’il s’agit d’« un de ces imbroglios des comédies espagnoles, toujours ridicules quand ils ne se nouent & ne se dénouent pas sans efforts, & sur-tout quand ils n'offrent rien de nouveau, ni de comique ». Après un tel prélude, il n’y a plus grand chose à attendre. Ce qui n’empêche pas le critique d’enchaîner sur un long résumé de l’intrigue (il s’agit de bien montrer que c’est un imbroglio !). Après le résumé, la sentence : la pièce ne comporte qu’un rôle drôle, celui du valet, et elle « offre beaucoup de réminiscences, & sur-tout beaucoup de ressemblance avec le Barbier de Séville. » Et le critique de développer cette ressemblance, tout en concédant « des scenes qui annoncent des intentions comiques, & font bien présumer de l'imagination de M. Lavallée ». De même « Le troisieme acte rappelle l'aventure de M. Sartines avec un adroit filou » qui échappera à la prison s’il réussit à le voler, ce que le filou accomplit bien sûr, selon un modus operandi que la comédie reprend. Un paragraphe est consacré à parler de l’interprétation, pour féliciter les uns, pour blâmer un autre qui prononce mal. La suite est plus étrange : il n’y est plus question de la pièce, mais de signaler que les efforts des critiques ne sont pas vains : plusieurs exemples montrent que les acteurs ont tiré une leçon salutaire des reproches qui leur avaient été faits. C’est en effet réjouissant.]

La Baguenaudière, comédie en trois actes & en prose ; par M. Lavallée.

Cette piece, qu'on faisoit attendre sur l'affiche depuis plus de six mois, & qu'on ne jouoit jamais, n'a guere répondu à une si longue attente. Elle offre un de ces imbroglios des comédies espagnoles, toujours ridicules quand ils ne se nouent & ne se dénouent pas sans efforts, & sur-tout quand ils n'offrent rien de nouveau, ni de comique.

Le frere de La Baguenaudiere l'a nommé, par son testament, tuteur de dona Diana, sa fille, avec la clause qu'il pourroit disposer de sa fortune, si elle osoit se marier sans son consentement. C'est cependant ce qu'a fait la jeune personne. Aidée par une espece de Figaro, Tarago, valet de La Baguenaudiere, elle a épousé en secret don Alvar, officier de cavalerie. Cependant le tuteur veut donner sa pupille, sous condition qu'il l'épousera sans dot, à un notaire de ses amis, nommé Alertos, à moitié paralytique, & sot autant qu'on peut le désirer, pour n'avoir pas grande peine à le tromper. Il en est de même de La Baguenaudiere, vieux, imbécile, avare, poltron, jusqu'à avoir peur d'un chat, ne sachant ni lire, ni écrire, & par-dessus tout cela persuadé, ce qui est assez naturel, qu'il a tout l'esprit du monde.

II s'agit de rompre le projet de La Baguenaudiere & d'Alertos. C'est à quoi le spectateur s'attend bien qu'on réussira ; aussi s'intéresse-t-il d'autant moins à la pupille & à don Alvar qu'il sait qu'ils sont mariés, & que toutes les ruses de Tarago doivent aboutir à empêcher dona Diana de perdre sa dot. De concert avec cet intrigant, celle-ci forme le plan aussi décent que respectueux, de faire passer son oncle pour fou. On fait entrer dans ce projet le notaire Alertos, en lui persuadant que Diana l'aime, & que si l'on parvient à établir que le tuteur est en démence, on le forcera à se désaisir de la dot.

Le juge nomme Alertos commissaire, pour constater l'état de démence de La Baguenaudiere, & don Alvar, déguisé par un bandeau sur l'œil, lui sert de greffier. Abusé par Tarago qui le gouverne, le tuteur fait les réponses les plus ridicules, & le procès-verbal fournit la preuve qu'on désiroit. Nous sommes en ce moment à la fin du second acte, & l'intrigue, comme on voit, n'a pas fait beaucoup de chemin.

Au troisieme, le théatre représente la chambre à coucher de La Baguenaudiere, précédée de son anti-chambre. Dans celle-ci est une fenêtre qui donne sur la rue. Notre imbécile ferme à clef cette fenêtre, & ses clefs sont déposées sous son chevet. Comment don Alvar, qu'il est nécessaire d'introduire dans la maison, parviendra-t-il à y pénétrer ? Tarago, après avoir couché son maître, se cache derriere un paravent ; La Baguenaudiere, qui le croit sorti, se leve aussi-tôt, & va fermer un verrou à secret de la porte de sa chambre : secret que Tarago, ce qui n'est guere présumable, ne connoît pas. Quoi qu'il en soit, aussi-tôt que La Baguenaudiere est endormi, son valet va s'emparer doucement des clefs ; mais il ne peut sortir, le verrou l'en empêche. Quel parti va-t-il prendre ? le voici :

II éteint la veilleuse, & contrefait le chat. La Baguenaudiere est bientôt réveillé, il saute du lit, va ouvrir la porte, croit chasser le chat, fait sortir Tarago, referme le verrou & se remet au lit. Alors Tarago ouvre la fenêtre de l'anti-chambre, & don Alvar y monte par le moyen d'une échelle. Aussi-tôt il frappe avec violence à la porte de la chambre du tuteur, en lui disant qu'il vient sauver ses jours ; qu'Alertos veut le faire enlever comme fou, pas ordre du magistrat ; mais qu'heureusement il est possesseur du procès-verbal, & que s'il veut il le lui remettra. Ce n'est pourtant qu'à certaines conditions qu'il lui propose & que chacun devine.

Pour nous, nous ne voyons pas ce qu'il y avoit dans tout cela de si pressé pour venir ainsi au milieu de la nuit. Etoit-ce pour faire miauler le chat ? ce motif est bien foible. La Baguenaudiere voyant qu'il ne lui reste plus d'autre parti à prendre que de se laisser déclarer fou, ou de consentir au mariage d'Alvar avec Diana, y consent, & Alertos, qui avoit été mandé à cette heure là pour passer un contrat, & qui ne manque pas de venir, a le désagrément de voir le tuteur, qui sait pourtant écrire son nom, signer le contrat de son rival & de celle qui lui étoit promise.

Cette comédie, où il n'y a absolument que le rôle de Tarago, offre beaucoup de réminiscences, & sur-tout beaucoup de ressemblance avec le Barbier de Séville. Le rôle de ce petit Figaro est écrit avec esprit & gaieté. Pour celui de La Baguenaudiere, il n'est pas de bon goût, & l'auteur y abuse du ridicule. Il y a toutefois dans cet ouvrage des scenes qui annoncent des intentions comiques, & font bien présumer de l'imagination de M. Lavallée. Au premier acte, don Alvar voudroit instruire dona Diana, son épouse, d'un fait qu'il est important qu'elle sache. Comment le lui apprendra-t-il ? La Baguenaudiere survient & favorise son dessein. Cet imbécile veut qu'Alvar écrive à Diana qu'il renonce à l'amour qu'il avoit pour elle, & il va même jusqu'à lui dicter la lettre qu'il se charge de lui remettre en mains propres. Alvar se rappellant alors que La Baguenaudiere ne sait pas lire, écrit ce qu'il veut mander à sa femme, & remet sa lettre au tuteur, qui croit qu'elle ne renferme que ce qu'il a dicté. Mais bientôt après, pour faire parade de son style, La Baguenaudiere donne cette lettre à lire à Tarago, qui n'est pas médiocrement surpris, lorsqu'il voit qu'Alvar commence par ces mots : chere épouse ; mais il fait tant & si bien, qu'il se dispense de lire la lettre, & qu'il oblige La Bagnenaudiere à lui redire ce qu'il a dicté. Cette situation est très-plaisante.

Le troisieme acte rappelle l'aventure de M. Sartines avec un adroit filou, auquel ce lieutenant-général de police avoit promis sa grace, s'il venoit à bout de le voler avant minuit ; il étoit huit heures du soir. Après avoir quitté ce magistrat, le frippon va trouver un de ses domestiques, qu'il engage à l'aider dans son projet. Celui-ci l'introduit dans la chambre à coucher de son maître, après lui avoir appris qu'il avoit la foiblesse de craindre les chats. M. de Sartines rentré pour se coucher, ferme lui-même sa porte & se met au lit. Le filou contrefit alors le chat. Le lieutenant de police se leva précipitamment pour chasser cet importun animal, & entr'ouvrit sa porte pour qu'il pût s'enfuir. Pendant qu'il étoit occupé à le chercher sous le lit, sous les fauteuils, le filou prit une montre, sortit, & à minuit vint se faire annoncer au magistrat pour lui rendre ce qu'il lui avoir volé.

M. Frogeres a joué avec beaucoup de talent le rôle de Tarago, & M. Genêt(1) a fort bien rendu celui de La Baguenaudiere. C'étoit Mme. Lecoutre qui étoit chargée de celui de Diana ; la gaieté charmante qu'elle y a mis, & qu'il sembloit ne pas comporter, nous fait croire qu'elle réussiroit fort bien dans l'emploi des soubrettes. Nous ferons observer, en finissant, à M. Valienne , qu'il ne faut pas dire nous perderions , mais seulement nous perdrions, & à nos lecteurs, que M. Tiercelin a rempli un rôle de valet bégue & ne l'a point chargé. Courage jeune homme.

La justice & l'impartialité dont nous ferons toujours profession, nous imposent le devoir d'ajouter, que nous avons vu avec plaisir, un de ces jours derniers, que nos critiques n'ont pas été inutiles à ce jeune artiste, quoiqu'il les ait d'abord impatiemment supportées ; qu'il a joué sans charge, le rôle de Robin dans le Cousin de tout le monde, & que cette maniere simple & naturelle a fait beaucoup valoir le personnage de Loustignac, le seul rôle plaisant de la piece.

Nous devons dire encore que Mlle. Cléricourt a quitté ses ajustemens de nymphe dans le rôle de Lison de la Fin du jour, pour prendre l'habit qui convient à cette villageoise. L'auteur de cet opéra a supprimé aussi les baisers que Colin y donnoit à toutes les bergeres. Il auroit pu en faire autant de la pinte de vin, fournie par le pere de la petite Thérese, rafraîchissement très-inutile, & auquel, dans une des dernieres représentations, les jeunes filles ont eu le bon esprit de ne point participer.

(1) Cet artiste merite une note particuliere. Né dans un ordre ci-devant privilégié, il a embrassé l'état de comédien, il y a environ quatre ans, non par désœuvrement & libertinage, comme tant d'autres, mais par le motif le plus respectable & peut-être le plut sacré. sa tournure & son age l'ont placé dans les peres grimes. sa diction est toujours juste. Rien de forcé dans son jeu, rien de trivial. Il est naturel comme M. Belmont dans les paysans du théatre de la nation.

César : la pièce ne semble pas présente dans la base, même sous la forme « Bagnaudière ». André Tissier, les Spectacles àPparis pendant la révolution, tome 2 (2002), p. 136, écrit à propos de La Bagnaudière ou le fou malgré lui : « Le compte rendu du Journal des spectacles écrit : La Baguenaudière, du verbe « baguenauder », perdre son temps à des niaiseries. Je garde l’orthographe des annonces et des Spectacles de Paris pour 1794, p. 84. » Il lui connait 8 représentations en 1793, à partir du 8 août.

M. de la Baguenaudière est un des personnages de Ragotin ou le Roman comique, comédie en cinq actes, par La Fontaine et Champmeslé (1684), après avoir été un personnage épisodique dans le roman de Scarron.

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