La Boîte volée, ou le Garçon malade

La Boîte volée, ou le Garçon malade, comédie en un acte et en vers, de Charles de Longchamps, 19 brumaire an 12 [11novembre 1803].

Théâtre Français

Titre :

Boîte volée (la), ou le Garçon malade

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

non

Date de création :

19 brumaire an 12 [11 novembre 1803]

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Charles de Longchamps

Almanach des Muses 1805

Dercour, en quittant Ermina sa maîtresse, a reçu d'elle une boîte ornée de son portrait. Il vient à Paris, fait des dettes, change de nom, se blesse à la jambe, et se voit ainsi doublement contraint à garder la chambre. Ermina, accompagnée de son oncle, vient à Paris pour y découvrir Dercour, qui paraît l'avoir oubliée. Le hasard fait qu'elle vient prendre un appartement dans l'hôtel où il est logé. Un voleur, profitant de l'état de Dercour, pénètre dans sa chambre, et, malgré ses cris, lui enlève son argent et la boîte sur laquelle se trouve le portrait d'Ermina. La précieuse boîte est aussitôt vendue à Ermina qui, voyant son portrait courir le monde, ne doute plus de l'infidélité de son amant. L'oncle s'en saisit et la tire par hasard de sa poche en faisant une partie d'échecs avec Dercour qu'il n'avait jamais vu. Celui-ci reconnaît la boîte volée, et ne tarde pas à se découvrir lui-même.

Sujet qui n'a point plu. Quelques jolis détails.

Courrier des spectacles, n° 2442 du 20 brumaire an 12 [12 novembre 1803], p. 2-3 :

[Le compte rendu ne laisse aucun doute sur la valeur de la pièce : elle est mauvaise. Impossible de croire qu’elle pouvait profiter de son association avec la très populaire Métromanie, impossible de croire que les Comédiens français n’avaient rien de mieux à jouer parmi les pièces nouvelles qui leur ont été proposées. La première représentation a été très difficile, et le critique décrit l’étrange cérémonie de l’interruption de la pièce et de la tentative, inhabituelle au Théâtre de la République, de négocier la poursuite de la pièce. Petit élément étonnant : l’un des acteurs ne sort pas avec les autres, parce qu’il joue un « estropié ». La pièce a fini par finir, ou presque, et tout le monde est resté chez soi : pas d’applaudissements, pas d’auteurs demandés, c’est bien une chute. Pourquoi cet échec ? Faut-il voir dans la présence inédite de voleurs sur la scène la cause de cette représentation chahutée ? L’intrigue résumée ensuite est un étrange tissu d’invraisemblances, de coïncidences farfelues. Le critique les souligne vers la fin par une cascade ironique de « heureusement » qui montre la place de l’arbitraire dans la construction de l’intrigue. Et le dénouement arrive, prévisible d’emblée, mais bien mal amené. L’article s’achève sur deux paragraphes rapides, sur le concert de sifflets qui a marqué la fin de la pièce, et sur l’interprétation de Damas, l’acteur principal, qui a mis dans son interprétation « beaucoup de soin », ce qui ne veut pas dire grand chose.]

Théâtre de la République.

Premiere représentation de la Boite volée, ou le Garçon malade.

Nous ne prétendons pas interpréter l’intention des acteurs du théâtre de la République, lorsqu’ils ont placé la Métromanie eu avant de la pièce nouvelle ; mais nous garantissons qu’il n’a pas été nécessaire qu’un -rival de l’auteur préparât sa chute, et que ces billets distribués à la seconde représentation, si elle a lieu, ne suffiroient point pour faire aller la piece aux nues.

Quand on pense qu’il y a à peine un mois, en relisant les pièces reçues, les comédiens français les ont rejetées toutes, à l’exception de deux, et que la comédie jouée hier est une de ces deux ; on ne sait si c’est sur la décadence de l’art dramatique, ou sur l’impéritie des juges qu’on doit le plus gémir ; du moins nous paroît-il incroyable que parmi les ouvrages précédemment reçus et rejetés, il y en ait eu un seul aussi foible, aussi nul, aussi inconvenant que celui représenté hier.

Sifflé beaucoup trop tard, il a été interrompu vers la moitié ; les acteurs, à l’exception de Damas, qui, jouant le rôle d’un estropié, ne pouvoit sortir de sa place, ont quitté la scène rappelés à ce que l’on croit par l’auteur. M. Baptiste aîné est venu demander au public s’il vouloit permettre que l’on continuât. Charmés sans doute de cette marque de condescendance, à laquelle on n’étoit pas habitué à ce théâtre, quelques voix ont crié oui, et la pièce a été jouée à-peu-prés jusques à la fin, souvent avec accompagnement de sifflets et de huées. On s’est levé pour sortir, et la toile est tombée.

Nous ne croyons pas que jusqu’à ce jour on se soit avisé de faire paraître des voleurs sur la scène française ; mais il y a commencement à tout. On disoit à côté de nous, que l’aventure étoit arrivée à l’auteur, qu’on lui avoit ainsi pris une montre. Nous le plaignons d’avoir été volé, mais encore plus d’avoir fait une pareille piece.

Dercourt , en voyageant en Allemagne, y a laissé son cœur à une jeune Allemande, qui lui a donné le sien en échange, avec une boite d’or et son portrait. Arrivé en France, le jeune homme a fait des dettes, ce quil’Fa engagé à changer son nom en celui de Derville ; et par suite d’un accident qu’on n’explique pas, il est boiteux au point de ne pouvoir aller d’une chaise à une autre. Lorsque la toile se lève, on le voit sur un charmant lit, dans une riche auberge, où par parenthèse on est fort mal servi, car en vain demande-t-il quatre fois son déjeuner sans qu’on le lui apporte, et sans qu’on sache la cause de cette négligence. Il est vrai qu’il paye fort mal ; il ne lui reste plus rien, mais il s’en console en disant que les médecins ne devant être payés que quand leurs malades sont morts ou guéris, dans le premier cas le payement ne le regardera pas, et que dans le second il a du tems devant lui. Un ami, nommé Dermence, lui tombe des nues dans la même auberge, et lui prête trois louis. A la suite d’une petite explication avec son hôte, il est porté dans un logement moins cher, et le sien est donné à un Allemand qui arrive avec sa nièce. C’est Ermina, la jeune fille au portrait, que son oncle accompagne pour courir après son amant. Ils doivent rester à Paris jusqu’à ce qu’ils l’ayent trouvé. Dermance qui revient voir son ancien ami, trouve à sa place la jeune personne qui le prend pour le fils d’une amie de son pere, mais l’erreur se reconnoît : le jeune homme s’excuse en disant qu’il avoit cru entrer chez son ami Dercourt. Remarquant que ce nom frappe l’étranger, il soupçonne que c’est un créancier de son ami, et assure que ce dernier est retourné en Allemagne. Cette nouvelle embarrasse beaucoup Ermina et son oncle. Pendant ce tems un fripon s’est introduit dans la chambre de l’estropié Dercourt, et profitant de ce qu’il ne peut quitter son fauteuil, il lui vole sa boîte d’or et son argent. La précieuse boîte est aussitôt vendue à Ermina, ce qui par parenthe est contre toute espèce de vraisemblance ; mais il le faut pour que la jeune personne se croie oubliée de son amant. Heureusemeut la boîte passe dans les mains de l’oncle ; heureusement il aime les échecs ; heureusement Dercourt sait y jouer ; heureusement l’oncle tire sa boîte pour prendre du tabac, le jeune homme la reconnoît et est reconnu.

C’est ainsi que la pièce s’est terminée, mais non heureusement ; car les sifflets se sont fait entendre de toutes les parties de la salle.

Damas qui jouoit le principal rôle, y a mis beaucoup de soin.

Mercure de France, tome quatorzième (Paris, an XII), n° CXXV, 27 Brumaire an 12 (Samedi 19 Novembre 1803), p. 424-425 :

THEATRE FRANÇAIS.

La Boite volée ou le Garçon malade,
comédie en un acte et en vers.

La plupart de nos pièces modernes promettent beaucoup plus qu'elles ne tiennent ; tout leur mérite est dans l'annonce ; et si on voulait calculer ce qu'il a fallu de temps, de travail et d'effort d'imagination pour arriver à certain titre, on conviendrait sans peine que ce titre seul a dû plus coûter à l'auteur que le reste de l'ouvrage. La Boite volée ou le Garçon malade ne saurait encourir le même reproche, l'affiche n'avait rien d'ambitieux, et quoique l'auteur soit resté fort au-dessous de ce qu'on avait droit d'attendre d'un premier succès, il a du moins tenu ce que promettait son titre.

Les créanciers de Dercour l'ont obligé à changer son nom en celui de Derville ; une entorse le force à garder la chambre, et il paraît couché sur son lit, dans le négligé d'un malade et ne sachant trop que faire pour passer le temps. Il demande des livres et à déjeuner, lorsque le hasard amène dans son hôtel garni son ami Dermance, jeune officier qu'il a connu à l'armée, et qui arrive tout exprès à Paris pour entendre le récit de ses aventures. Il lui apprend qu'il est tombé subitement amoureux d'une jolie fille d'Allemagne, à laquelle il avait été obligé de renoncer parce que le père n'avait pas trouvé sa noblesse d'assez bon aloi pour en faire son gendre ; qu'il n'avait trouvé rien de mieux pour se désennuyer que de perdre son argent au jeu, et qu'il se trouvait estropié et sans le sou à l'auberge. Dermance attendri lui prête généreusement trois louis qu'il dépose sur une table à côté d'une tabatière d'or, seul bijou qui reste à Dercour et qu'il n'a pu se résoudre à mettre en gage parce que c'est un présent de sa jeune allemande dont il renferme le portrait.

Dermance sort et l'hôte vient apporter à Dercour son mémoire. Cette demande incivile le met dans la nécessité d'avouer qu'il n'est pas fort en fonds. D'après l'invitation de son hôte, il cède une assez belle chambre qu'il occupait, à des voyageurs allemands qui viennent d'arriver, et il va se confiner dans un cabinet étroit et obscur, où le maître du logis lui dit qu'il sera parfaitement bien, et qu'avec de la lumière, il pourra lire en plein jour comme dans la pièce la mieux éclairée.

La chambre qu'il vient de quitter n'est séparée de ce cabinet que par une cloison, et la scène partagée en deux, laisse voir la pièce d'où sort Dercour et celle où il entre. C'est dans cette dernière qu'on a eu l'explication du second titre, la Boîte volée ; un escroc s'introduit dans le cabinet de Derville, et après s'être assuré que le malade ne pouvait bouger de sa place, il lui emporte ses trois louis et sa boîte d'or. Le public qui jusqu'alors n'avait témoigné que de la pitié pour le pauvre diable qu'on déplaçait si inhumainement, n'a pu alors contenir son indignation, et le voleur a été accueilli à grands coups de sifflets.

Cependant, la société allemande, composée d'un oncle, d'une nièce et d'une soubrette, entre dans la chambre qu'on venait d'évacuer. Mademoiselle Hermina, c'est le nom de la nièce, est, comme on le prévoit bien, la maîtresse de Dercour. Son père en mourant, a eu des remords, et c'est en exécution de ses dernières volontés qu'Hermina court le monde pour chercher son amant. Le nom supposé de Derville rend vaines toutes les informations, et les voyageurs se disposent à repartir pour l'Allemagne. En attendant, l'hôte arrange une partie d'échecs entre l'oncle et le malade, tandis que la nièce va faire quelques emplètes. La première chose qu'on lui offre est la boîte qu'elle a donnée à son amant. Elle l'achète et revient très-piquée. Mais l'oncle, qui se figure qu'on a voulu lui faire un cadeau, s'en accommode, et va faire sa partie d'échecs. Dercour reconnaît bientôt dans les mains de son adversaire la boîte qu'on lui a volée ; il la réclame, et à l'aide de la nièce, tout le mystère se découvre.

Les deux tiers de cette pièce ont été continuellement interrompus par des huées et des sifflets ; il faut convenir que ce n'est pas la faute des acteurs, et le public n'a été que juste.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 9e année, 1803, tome IV, p. 135-136 :

[Sous un titre très transformé, c’est bien la Boîte volée, ou le Garçon malade qu’il faut reconnaître.

Un voleur sur le Théâtre Français de la République, quel scandale ! Le critique n’apprécie, pas plus que le public, si bien que la pièce est vouée à disparaître, et qu’il n’est donc pas utile de l’analyser (tant pis, on ne saura pas qui est le « pauvre malade » du titre). La chute semble par ailleurs révélatrice d’une crise du Théâtre Français : chute inattendue, et pas de pièce en réserve...]

THÉATRE FRANÇOIS DE LA RÉPUBLIQUE.

Le Pauvre Garçon malade, ou La Boëte volée, comédie en un acte.

Jusqu'à présent nous n'avions vu de voleurs que dans les mélodrames : on ne s'attendoit pas à en voir figurer un au théâtre françois. La nouveauté de ce spectacle n'a pas plu à la majorité du public ; en conséquence on a sifflé ce pauvre moyen d'intrigue ; et la plupart des spectateurs craignant la contagion de l'exemple, ont mis les mains dans leurs poches, et n'auroient pas pu applaudir si quelque passage en avoit valu la peine. La pièce n'ayant pas été achevée, quoique Baptiste, au nom de ses camarades, soit venu demander au public la permission de la continuer, il seroit inutile d'en donner une analyse. Elle ne sera sans doute pas rejouée. Cette chute a d'autant plus étonné l'auteur, et surtout les acteurs, que l'on avoit exclu du répertoire toutes les pièces précédemment reçues, et que celle ci avoit été la seule admise aux honneurs de la représentation. « Voici de vos arrêts , messieurs les gens de goût ! »

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, an 12, tome troisième (Frimaire an 12, novembre 1803), p. 270 :

[Sans vraiment le dire, le reproche qui est fait à cette pièce assez insignifiante, c’est d‘être immorale et de montrer « un vol sans motif, sans excuse, et qui n'est point puni ». La fin de l’article ironise un peu sur cet échec, que l’auteur oubliera grâce aux succès qu’il a déjà connu.]

Théâtre français, rue de la Loi.

La Boîte volée. [...].

Le choix du sujet fait la moitié du succès d'une pièce ; et avec tout l'esprit du monde, on ne peut faire réussir au théàtre un mauvais sujet de comédie.

L'auteur de la Boîte volée s'est trompé en s'imaginant qu'une anecdote, si plaisante qu'elle fût en récit, devait faire rire sur la scène.

«  . . . . Il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux. »

Une intrigue fondée sur une boite volée offrait par elle-même assez peu d'intérêt, sans que l'auteur risquât encore d'affaiblir cet intérêt et d'exciter d'avance la sévérité du public, en mettant en action un vol sans motif, sans excuse, et qui n'est point puni.

Au surplus, errare humanum est, nullius nisi insipientis perseverare : si l'auteur de la Boite volée s'est trompé cette fois, il a réussi bien d'autres, et il a assez de quoi se consoler de ce petit échec.

D’après la base la Grange de la Comédie-Française, la pièce, qui est de Charles de Longchamps, n’a connu qu’une représentation, le 11 novembre 1803.

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