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C'est le même, ou la Prévention vaincue

C'est le même, ou la Prévention vaincue, comédie en un acte et en prose, de Justin-Gensoul, 6 thermidor an 12 [25 juillet 1804].

Théâtre de l'Impératrice, rue Louvois

Almanach des Muses 1805

Un anonyme a publié un libelle contre madame Araminte, femme bel-esprit : on l'attribue faussement à Sélicour, jeune auteur que madame Araminte ne connaît pas, mai qu'elle déteste depuis ce moment. Celui-ci se fait présenter chez elle sous le nom de Dorval, et ne tarde pas à gagner son estime et son amitié. M. Mondor, frère de madame Araminte, arrive et lui propsoe d'unir sa fille au fils d'un de ses amis ; c'est de Sélicour lui-même qu'il veut parler. Mad. Araminte refuse et offre la main de Julie à Dorval. Embarras de Sélicour, qui se voit ainsi refusé et préféré en même temps : sa position devient à chaque instant plus difficile, lorsqu'un incident vient tout découvrir, et lui offre les moyens de se justifier. Mad. Araminte reconnaît l'injustice de sa prévention contre lui, et l'unit à Julie.

Début d'un très-jeune homme, du naturel dans le dialogue, une situation neuve et vraiment comique. Du succès.

 

Mercure de France, tome dix-septième (an xii), CLXI (9 Thermidor an 12, samedi 28 juillet 1804), p. 275-277 :

[Le jugement porté sur la pièce est sans concession : aussi peu construite qu'un canevas de comédiens italiens, elle n'a « ni plan, ni conduite, ni intérêt, ni une situation comique, ni un mot saillant ». Et résumer l'intrigue tient largement de la devinette. Elle se passe chez une femme excentrique qui doit marier sa fille qui est courtisée par deux faiseurs de rimes, ce qui plait à la mère, qui « a la manie du bel esprit ». Au milieu des invraisemblances, la mère, sa fille et son fils, ainsi que les prétendants jouent à tous les jeux de l'amour et du hasard, jusqu'à ce que le mariage se fasse avec le prétendant préféré de la jeune fille. « Mauvais roman […] très bien joué », la pièce n'a pas réussi sans difficulté. L'auteur a été nommé, et c'est un débutant, « titre l'indulgence » selon Picard, le directeur du théâtre, également auteur fécond et acteur infatigable.]

Théâtre De l'Impératrice.

(Rue de Louvois.)

C'est le Même, ou la Prévention vaincue, comédie en un acte et en prose de M. Justin.

On donne aujourd'hui, sur plusieurs théâtres, des pièces qui, en vérité, ne sont guère plus achevées que les canevas dont les acteurs de la comédie italienne improvisaient autrefois le dialogue, et qui sont souvent bien moins piquantes. Telle est celle dont nous allons tâcher de rendre compte, et dans laquelle nous n'avons pu découvrir ni plan, ni conduite, ni intérêt, ni une situation comique, ni un mot saillant. Nous dirons plutôt ce que nous avons deviné, que ce que nous avons compris de l'intrigue.

Araminte, qui a la manie du bel-esprit, qui broche des romans, des comédies, des épîtres à son carlin, etc., est mère d'une jolie fille de Julie, dont le poète Célicourt et Lysimon, autre rimeur, sont amoureux. Le premier est reçu dans la maison sous le nom de Dorval, parce que celui de Célicourt (qu'on a mis à la tète d'un libelle où la mère est outragée) y est odieux. La jeune personne est seule dans le secret. Il est assez étonnant que Lysimon ignore le nom d'un homme qui est son rival en poésie et en amour, et qu'Araminte ne connaisse pas davantage l'amant de sa fille.

Quoi qu'il en soit, ce Dorval plaît assez à la mère. Une autre femme, des amies d'Araminte, et qui a quelque prétention sur le cœur du faux Dorval, annonce, dans la conversation, qu'on a joué, la veille, une pièce qui a réussi. Araminte est désolée quand on lui ajoute qu'elle est de Célicourt. Ces deux femmes s'amusent à faire la satire du siècle, et sur-tout celle de Paris. C'est une très-faible copie de l'excellent tableau qu'on trouve dans le Méchant, sur le même sujet.

Dans ce moment, arrive de la campagne Mondor, frère d'Araminte , qui vint lui proposer de marier Julie à Célicourt. Pour se débarrasser des importunités qu'elle essuyé à cet égard, elle n'imagine rien de mieux que de donner sur-le-champ sa fille-à Dorval ; mais elle ignore s'il a du goût pour Julie. Pour s'en assurer, elle lui déclare qu'elle est revenue de ses préventions contre Célicourt, et qu'elle en va faire son gendre. Le faux Dorval, croyant qu'il est-reconnu, et ne pouvant soupçonner la feinte, se jette à ses genoux pour la remercier. Elle s'imagine qu'il veut la prier de ne pas donner sa fille à Célicourt, et lui déclare que ce n'était qu'un moyen employé pour découvrir s'il aimait Julie. Voilà le poète replongé dans une fâcheuse anxiété. Celle des spectateurs n'était pas moindre. On commençait à s'ennuyer de toutes ces invraisemblances, de tous ces misérables quiproquo ; on en desirait la fin, lorsqu'on a heureusement vu arriver le notaire. Il connaissait le prétendu Dorval. Le contrat est signé par tout le monde, et Araminte seule ignore que c'est Célicourt qui vient d'y figurer. Elle en est instruite par son amie et l'autre poète, qui arrivent-à propos pour la désabuser, et ressortent à l'instant. « Nous n.'avons plus rien à faire ici, dit cette amie à Lysimon nous avons tous deux notre congé. » Après qu'ils sont partis, Célicourt s'explique avec sa belle-mère, se défend d'être l'auteur du libelle qui l'a choquée, et assure que c'est l'ouvrage de son rival, qui le lui a méchamment imputé ; elle se laisse persuader, et finit en disant : « Qu'elle a trop aimé Dorval pour haïr Célicour. »

Ce mauvais roman a été-très-bien joué. Tout le monde savait ses rôles ; ce qui n'arrive pas toujours à ce théâtre, et ce dont il faut tenir compte à des acteurs qui jouent toutes les semaines quelque nouveauté. Ils peuvent s'attribuer tout le succès de celle-ci, dont le sort a été quelque temps incertain. Elle a même essuyé quelques coups de sifflets au milieu des applaudissemens et des cris qui demandaient l'auteur, qu'on a nommé. Picard a eu soin d'annoncer que c'était son coup d'essai. C'est un titre à l'indulgence.

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